21 août 2014

Voyage en terres antiques, sur les traces d'Alexandre : Priène, sous les colonnes du temple d'Athéna, parmi les ruines et le soleil.



Lorsque nous y fûmes rendus la première fois, c'était par une matinée limpide du printemps 2003. D'autres visiteurs que nous, il n'y en avait point. La première guerre d'Irak faisait alors rage... Ceci expliquant sans doute cela.
 
Après nous être acquitté d'une fort modeste obole et avoir emprunté un petit sentier tortueux au travers la végétation rase, nous franchîmes le seuil de la cité assoupie et débouchâmes dans une autre temporalité, un peu à la manière dont les anciens déposaient leur cœur, quittant pour l'espace de quelques heures leurs préoccupations profanes pour fouler les abimes des espaces sacrés...
Ainsi nous nous coulâmes, telles des ombres évanescentes dans ce temps suspendu entre deux eaux, incertain dans ses méandres (1), hésitant probablement entre la franche nostalgie et un féroce désir d'oubli.

Si le choc fût immense, notre déférence envers ces âges ensevelis, ne survivant qu'au travers de ces corps de pierre mutilés, ne fut pas moins grande. De cette nature rendue à elle-même, proliférante, penchée avec indifférence sur ces ruines millénaires, suintait une paix indicible... Suspendues à un vaste plateau dont la légère déclivité s'adosse à la blancheur majestueuse à peine piquée de vert du mont Mycale, les vestiges de Priène, tenaces dans leurs ans, transpiraient dans le silence.
 
Avec les criquets et les oiseaux pour seule compagnie, nous déambulâmes ainsi sur la pointe des pieds, animés par la crainte de réveiller un si beau songe... Et convergents avec la fatalité de ces destins gravé dans le marbre des stèles, nous nous hissâmes sous les cuisses des colonnes du temple d'Athéna. Là devant nous, roides dans un ciel bleu sans tâche, la déesse sommeillait depuis plus deux mille ans. D'une main timide j'en frôlais la nervure et sentis d'un coup cette pulsation sourde comme baiser. Cette force de la vie qui la faisait courtiser encore la mémoire ce qu'il restait des dieux trépassés.
 
Ici jadis s'élevait une fière cité faisant partie de la confédération Ionienne. Qui alors pour en augurer l'effondrement ? Certainement pas Bias de Priène, l'un des sept sages de la Grèce antique, davantage qu'Alexandre le grand qui y aurait occupé, en 334 Av JC durant le siège de Milet, une maison située en contrebas d'un bel alignement. N'en demeure qu'un éparpillement de fondations alignées le long des rigoles marquants les limites de cette rue pentue, dont le pavé se noie sous la mousse.
 
Priène fut un port prospère. La mer frôlait ses remparts. Il ne reste désormais plus qu'une vaste plaine alluviale à perte de vue. Les eaux se sont retirées bien loin, avec la vie.
Mais laissons l'indicible remplir nos silences.


Quelques années plus tard, lorsque nous revînmes avec mon frère et les enfants, accompagnés d'un guide, le site n'avait point changé. Bien sûr il y avait quelques visiteurs – mais fort peu nombreux au final, tant il est vrai que la cohorte des bêtes de Panurge se satisfont pleinement d'inscrire à leur tableau de chasse Ephèse (A préciser que jour là, à l'hôtel où nous résidions, une excursion dans un delphinarium avait fait le plein d'inscriptions. Tant mieux pour nous.)
Si la magie à joué à nouveau, je ne pus recouvrir cette émotion que l'on éprouve dans l'intimité. Et qu'une fois !
Je pris conscience ce jour là d'avoir vieillit... A jamais rien à l'identique.

 (1) Le flot éternel de la rivière éponyme s'écoule à quelques encablures de là.

 Un peu d'histoire

Priène (en grec ancien Πριήνη) est une cité grecque de Ionie (Asie Mineure), située sur l'embouchure du Méandre.
Il est vraisemblable que les Ioniens s’y installèrent dès le XIe siècle av. J.-C. Progressivement, le fleuve Méandre combla le port de Priène qui perdit de son importance. Le nom de Priène daterait de l’époque où les occupants d’alors entretenaient des relations commerciales avec les Minoens. La cité demeura longtemps une possession lydienne. Elle intégra la confédération ionienne et rejoignit la révolte ionienne contre l’empire perse.

Elle participa en 394 à la bataille navale de Lade, où elle envoya quinze vaisseaux contre les Perses, ce qui lui valut d’être totalement détruite par ces derniers en représailles. La cité fut reconstruite vers 350 avec l’aide d’Athènes. Puis elle passa sous la domination de Pergame durant le règne d’Attale II. En 283 av. J.-C., une querelle frontalière l’opposa à Samos, querelle qui ne sera réglée qu’à l’époque romaine quand les deux cités devinrent vassales de Rome, en 129. En 277, l’invasion des Galates entraîna de nouvelles destructions.
Priène occupait une place importante dans l’espace ionien car elle accueillait le Panionion, sanctuaire de l’ensemble des cités ioniennes dont elle était l’une des plus actives. Les fêtes panioniennes étaient données en l’honneur de Poséïdon Héliconios. Ce sanctuaire lui assurait un certain rayonnement culturel. L’emplacement du sanctuaire n’a pas été localisé. Les Romains délaissèrent la cité en raison peut-être de l’envasement du port qui devait avoir déjà commencé, ce qui fait que Priène jusqu’à ce jour est demeurée une cité hellénistique. Construite sur un plan hippodamien, la cité comprenait des monuments d’une qualité exceptionnelle dont les vestiges sont encore visibles : temple d’Apollon, téménos de Zeus Olympien, temple de Déméter, théâtre, gymnase, stade et bouleterion.
Le philosophe Bias (VIe siècle av. J.-C.), considéré comme l’un des sept sages de l’Antiquité, était citoyen de Priène.

Je rajoute ici une les deux images d'une planche de la reconstitution du théâtre de Priène. Cela provient d'un petit livre très bien fait, qu'on ne trouve je pense hélas, que dans les boutiques aux entrées des sites.
Le principe est de photographier un édifice ou un site, puis de dessiner sur un calque les parties manquantes afin de constituer une planche permettant d'apprécier soit la version actuelle, soit la version reconstituée.
S'il ya un seul livre à acheter sur place c'est bien celui-ci.


Ephèse - Priène - Milet - Didymes, hier & aujourd'hui
(Guide Pratiche, 2004).



Quelques photographies du site











(Ci-dessous reconstitution)






Reconstitution de l'ensemble
(Version sans doute idéalisée, un peu trop régulière, mais qui donne une petite idée)


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