24 nov. 2014

Voyage en terre Maya : John Llyod Stephens et Frederick Catherwood à Palenque et à Uxmal

Billet initial du 26 janvier 2013
(Billet initial supprimé de la plateforme Overblog, infestée désormais de publicité)

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Palenque - crâne sur un temple (photo par Axel)


Padre Duran, du haut de son assurance : « La supposition est confirmée. Ces indigènes viennent bien des dix tribus d’Israël faites prisonnières par Salmanassar, roi des Assyriens, et conduites en Assyrie du temps de Hoshea, roi d’Israël ».

Johannes de Laet : « N’importe qui, sauf un lourdaud, verrait que les Indiens d’Amérique sont des Scythes ».

William Penn, débarquant au Mexique : « Je me suis cru dans un quartier juif de Londres ».

Lorsque en 1840 John Llyod Stephens et Frederick Catherwood parvinrent au site baptisé Palenque (‘palissade’ en espagnol), cela faisait plus de 1200 ans que la reine rouge (probablement l’épouse de Pakal), couverte de cinabre, avait rejoint l’au-delà.
D’ailleurs le nom maya de la cité n’est pas Palenque mais Lakam Ha, et signifie « Grandes eaux », en référence sans doute aux nombreuses sources et petites cascades qui baignent la contrée. Quant au nom de Palenque, il est celui d’un village fondé en 1564 par un missionnaire dominicain, à 12 kilomètres des ruines fameuses (dont on ignorait tout alors).

A cette époque, se rendre sur un site archéologique en pleine jungle n’était pas une sinécure, à portée de bus pour des masses de touristes : 
  
« A l’aube, dans la jungle encore opaque de brumes, Stephen et Catherwood avançaient vers Palenque en formation très militaire. En tête, pantalon enroulé au-dessus des bottes, marchait Stephens, accompagné des guides indiens. (…) Puis venait Catherwood, occupé à garder ses lunettes sèches sous le déluge que déversaient à leur passage les feuillages gorgés d’eau. (…)
Dans la luxuriante forêt, des ruisseaux cascadaient entre roches et racines. Des cris d’oiseaux se faisaient écho dans le silence. Le trille délicat du Hilguero au modeste plumage glissait du haut en bas de son registre mélodieux, brusquement interrompu par les jacassements de toucans aux becs immenses et aux ailes noires (…).
Au bout de trois jours ils atteignirent un escarpement difficile. Ayant mis pied à terre et laissé les mulets en arrière, ils prirent sur leur gauche le long du petit rio Otolum qui emplissait la jungle de ses tintements doux. Déjà commençaient à poindre, sous les grands ombrages, des pierres sculptées. (…)
Stephens, dans son impatience, devança toute la colonne, se hissa sur une terrasse de pierre, atteignit le sommet le premier et parvint à la limite du « palais ». palenque était à peine visible dans cet océan verdoyant ; (…) A ses pieds ondulait la plaine où, 1000 ans plus tôt, s’étaient étendus, en damier, les champs de maïs qui avaient nourris les bâtisseurs, puis les habitants de Palenque » (2).
Explorateurs intrépides, mais handicapés dans les tâches les plus basiques - et les plus essentielles. Il faut croire qu’à cette époque, suintait chez l’honnête homme un machisme de bon aloi, à ce qu’on dit toujours en vigueur parfois en nos contrées :

« L’alcade avait été assez bon pour leur allouer une cruche d’eau, mais ce que désiraient réellement les voyageurs, ils n’avaient pu l’obtenir : une cuisinière. « Aucune femme ne pouvait se sentir en confiance seule avec nous », écrit tristement Stephens. « c’est une grande privation […] Nous voulons une femme non pour ce qu’elle craint ou ce qu’elle désire, mais pour nous nous faire des tortillas » ».

Vue de Palenque (photo par Axel)



Une fois in situ, nos explorateur s’installent comme ils le peuvent, essayant de se prémunir au mieux de la violence des intempéries :

« Stephens s’installa au palais : trois murs épais, quatre cours principales, de nombreuses pièces ; un centre, une tour carrée à trois étages, unique dans l’architecture maya, le tout envahi par les racines de figuiers étrangleurs. L’escalier principal était flanqué de gigantesques silhouettes en bas-relief. Sur la frise du toit effondré, des fragments de serpents en stuc conservaient les couleurs anciennes. Des coins sombres venait une âcre odeur de cave à pommes de terre moisies. Trois énormes chauves-souris, inquiètes de ce remue ménage, s’étaient envolées et tournaient au-dessus des ruines, affolant les guides indiens qui refluèrent en désordre de la façade de la pyramide (…)
Avec le grondement du tonnerre et les violentes rafales de vent vint la pluie. Elle se déversait par toutes les fentes. Trempés, les voyageurs voyaient s’effondrer implacablement le baromètre. La nuit était sans espoir de sommeil. »

F. Catherwood : Interieur de la maison N°3

Passé le pire, nos pionniers, qui visitèrent entre 1839 et 1843 pas moins de 44 sites archéologiques en Méso-Amérique, se mettent au travail :


« Les dix premiers jours, cette masse de ruines, victime d’un chaos de 1000 année, fut mesurée, dessinée, explorée. Vent ni pluie, insectes ni chauves-souris ne découragèrent l’équipe. Tous souffraient de manque de sommeil. Parfois, Catherwood s’écroulait sur son chevalet et seuls les tourbillons d’insectes le réveillaient. (…)

Les niguas étaient un autre ennemi. Nos explorateurs étaient bien armés pour les dangers qu’ils avaient prévus, les jaguars rôdeurs, les indiens alliés de l’orage et de la nuit, habiles à tendre des embuscades. Mais qui eût cru qu’ils pourraient être terrassés par des chiques ? (…)  niguas, ces horribles chiques qui pénètrent sous les ongles des pieds, se frayent un passage dans la chair, y déposent leurs lentes et se mettent à pulluler. Seuls de larges cautères pouvaient en avoir raison. » (3).

Tandis que le pied de Stephens avait doublé de volume, Catherwood tenait bon. Mieux, comme en extase il travaillait sans relâche, puisant dans ses ultimes ressources.
Voici un extrait du commentaire qu’il fit dans Views of ancient monuments in central America, Chiapas and Yucatan, autour de sa fabuleuse planche représentant la vue générale de Palenque :

« Les ruines ne sont pas très étendues, dans la mesure, du moins, où nous avons pu les explorer ; nous avons visité tous les édifices mentionnés par Del Rio et Dufaix. Un carré de un kilomètre de côté environ les contiendrait toutes, mais elles semblent occuper un espace plus vaste, cette fausse impression provenant certainement de la difficulté et du temps nécessaire pour passer de l’une à l’autre en raison de l’extrême densité de la végétation tropicale.
L’édifice à gauche du dessin, appelée le « Palais », est le plus grand et le plus important. La façade principale est orientée à l’est (…). Il forme un rectangle de 70 m de long sur 55 de large et ne dépasse pas 7m60 de hauteur. Une corniche de pierre fait le tour de son périmètre. Il est posé sur une butte de 12 m de haut, de 95 m de long et de 80 m de large » (4) .


Vue de Palenque (détail)

Ce n’est certes pas une description très poétique… mais celle d’un illustrateur soucieux de précision.  



L’expédition quittera Palenque le 1er juin 1840.


Entre temps Stephens était devenu propriétaire de Copan, de manière la plus légale, pour la somme dérisoire de 50 dollars. Il pensa réitérer l’exploit avec Palenque, mais « la loi exigeait qu’un étranger fût marié à une mexicaine pour devenir propriétaire ». Si l’explorateur tenait au célibat, de son propre aveux « Palenque était très désirable ». Aussi, le plus sérieusement du monde passa-il en revue les possibilités matrimoniales d’un  petit village (avec peu de femmes) ou il se trouvait : « restaient donc deux dames proprement vêtues, occupant une maison rose en claies d’osier plâtrées et dont la façade s’ornait de reproductions  des sculptures du temple du Soleil. Stephens aimait la maison. Il aimait les dames. Il aimait tout spécialement ces panneaux maya ». Mais la transaction ne se fit pas, malgré que les deux sœurs fussent « toutes deux également intéressantes et également intéressées ».

Après Palenque, ils se rendirent à Mérida (5) avant de partir sur les traces d’Uxmal. Mais trop malade (malaria) pour suivre son compagnon, Catherwood resta alité à l’Hacienda située face au site archéologique (et toujours là, pour le plus grand bonheur des voyageurs).
Stephens en reviendra plus qu’enthousiaste :

Chichen Itza (photo par Axel)


« … je me trouvais d’emblée sur un grand terrain ouvert avec des amas de ruines, de vastes édifices en terrasse, et de hautes pyramides, le tout grandiose, bien conservé, richement orné. (…) La perspective égalait presque en beauté celle de Thèbes ».

Mais c’est une autre histoire…

En guise de conclusion :

Par la publication, en 1841, de leur périple Stephens et Catherwood, en démontrant unité l’homogénéité de la culture maya, révolutionnèrent l’archéologie méso-américaine et démontrèrent que les ruines qu’ils avaient visitées et répertoriées n’étaient ni chinoises, ni romaines davantage que l’œuvre des descendants de tribus d’Israël. Et Stephens d’écrire :

« La réalité sur laquelle nous devons conclure est plus merveilleuse que tout rapprochement hypothétique entre les bâtisseurs mayas et les égyptiens ou tout autre peuple. C’est un témoignage d’architectes nés, de dessinateurs, tailleurs et sculpteurs, d’artistes qui n’ont pas puisés aux ressources du Vieux Monde, mais qui ont pris leurs maîtres et choisi leurs modèles en une civilisation indépendante, tirée comme les fruits et les fleurs de leur propre terre ».

Voilà qui ouvrait la voie à une archéologie plus rigoureuse, adossée à une exploration sur le terrain minutieuse et documentée, plus soucieuse d’objectivité.
Par rapport aux débats qui animaient la communauté des explorateurs et aventuriers du XIXe, l’archéologie contemporaine, inscrite dans une démarche scientifique, croisant différents modes d’études, a bien évoluée. Et même si des débats entre spécialistes, parfois virulents, persistent, c’est toujours dans le cadre circonscrit de la science ; thèse contre thèse, argumentation et sources à l’appui (même si l’objectivité parfaite, l’absence de préjugés idéologique reste un leurre).
Il n’en reste pas moins que des pans entiers des sciences dites humaines semblent parfois toujours être la proie de ce genre de fantaisies des temps révolus. Ce pourquoi, en la matière, un docte scepticisme n’est pas le superflu des esprits inquiets. 

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(1) A la recherche des Mayas, Victor W.von Hagen, Lux, 2011.
(2) Op cité pp 187 - 188
(3) Op cité pp 190 - 191
(4) Les cités perdues des mayas, la vie, l’art et les découvertes de frederick Catherwood, par Fabio Bourbon, Editions White Star
(5) Mérida, là où se trouve aujourd’hui la Casa Catherwood, un petit musée dédié à l’illustrateur.



20 nov. 2014

Cyril Le Meur : Trésor des moralistes du XVIIIe siècle - De Chamfort à Rivarol, passant du côté de Beloeil

Billet initial du 19 mai 2012
(Billet initial supprimé de la plateforme overblog, infestée désormais de publicité)

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Il y a quelques semaines de cela, dans un billet à la saveur épicée,  je contais mes déboires avec une grande enseigne capitalistique qui, non contente de se montrer incapable, à trois reprises, de délivrer le livre commandé, révéla l'aspect frelaté de ses services commerciaux : procédures robotisées, emploi massif de l'esclavage des grands poulaillers... Bref, trois mois après ma commande, pas même lassée par l'avalanche de mes réclamations, et toujours pas foutue de me livrer Trésor des moralistes du XVIIIe siècle de Cyril Le Meur, puisque c'est du livre dont il s'agit, la fétide officine décida unilatéralement,  pour tout prix de son incurable incompétence, du remboursement de l'ouvrage.

Je ne m'y attarderai point davantage ici, espérant avoir juste dissuadé quiconque ayant lu ces lignes de ne jamais plus s'adresser à tels estropiats de la vente culturelle en ligne.

Mais la sagesse populaire enseigne que d'un mal on tire parfois un bien. Et c'est ce qui advint en l'occurrence, mon billet tombant sous l'œil de l'auteur qui me proposa, fort aimablement, de m'adresser l'un des exemplaires qu'il lui restait.  
De ces péripéties, je sors ainsi avec entre les mains un exemplaire ornée d'une belle dédicace. J'en remercie chaleureusement Cyril Le Meur.

Mais entrons dans le vif de l'ouvrage.


Dans son introduction l'auteur circonscrit en liminaire les bornes de son recueil. Et après avoir dit un mot des moralistes "classiques" du XVIIe siècle constate, non sans une pointe d'amertume, que « les moralistes du XVIIIe siècle, ces sphinx des lettres françaises, dira-t-il un peu plus loin, n'ont jamais bénéficié des mêmes attentions », pire, que les "héros philosophes des Lumières les méprisent, voire les honnissent ». D’où l’importance de les redécouvrir. Et c’est la tâche à laquelle Cyril Le Meur s’est attelé avec élégance.
Mieux - fichtrement mieux - qu'une simple compilation de maximes ou de bons mots, le livre, après une érudite présentation, rédigée dans un style épuré et chatoyant tout à fait dans le ton de son objet, propose sinon une biographie, du moins une vigoureuse présentation de chaque moraliste dont sera proposé ensuite quelques-uns des mots d’esprit ; extraits secs qui « font toujours entendre une gravité ».
Comment d’ailleurs définir les moralistes d’une phrase, ceux-là mêmes aux « yeux vifs toujours voilés d’une tristesse » ? - et particulièrement ceux du XVIIIe siècle - Qu’est-ce qui les caractériserait avant tout ? Une courte phrase et un qualificatif y suffisent peut-être. Je les reprends de l’auteur. La qualité tout d’abord : « le sang froid intellectuel ». Ensuite, l’énoncé : « les moralistes ne traitent pas de la morale, mais de mœurs ».

J’ai pris parti, pour chacun des moralistes hantant les belles pages de ce "Trésor ", après une plus que lapidaire - et tendancieuse - peinture de ces « experts dans le maniement des pinces de la satire », de livrer aux amoureux de doctes loisirs, deux ou trois aphorismes en guise de cordiales salutations.
Un mot enfin de la difficulté à choisir parmi ces pépites de la pensée : elle se révéla à la hauteur du plaisir à les savourer sans modération, mais à grêles gorgées ; parfois le soir au coin de feu, si ce n'est étendu dans l'herbe sous un soleil en demi-teinte, ou encore affalé dans mon hamac à l’ombre d’un pommier, l'esprit par intermittence distrait par le chant des oiseaux – Turdus merula et ses pairs…

J'assume l'arbitraire d'un tel pillage pourvu qu'il suscite humeurs et états d’âmes en sympathie avec ceux décrits par Duclos... « Si l’on pouvait cependant imaginer quelque tempérament honnête entre le caractère ombrageux et l’avilissement volontaire, on ne vivrai pas avec moins d’agrément, et l’on aurait plus d’union et d’égards réciproques. »

Détail pratique : j’ai passé ici sur les pages consacrées à Marivaux et au "gentilhomme de La Brède" celui qui, "sur trois cahiers, consigna des pensées élégantes" ; non pas qu'elles ne soient pas passionnantes, mais plutôt parce que ces notables des lettres ne sont pas à strictement parler des moralistes. Et puis, je conviens volontiers, l'objet de cette prose n'est-il pas aussi de susciter l'envie de se plonger dans le texte in extenso tel que paru au 'Temps des cerises' ?

Un mot enfin de l'objet. Je me suis toujours montré sensible à la texture, à la tonalité de l'écrin. Et je me dois de confesser le plaisir non démenti à sentir sous mes doigts le gaufré de cette couverture au rouge un peu vieilli ; composition au médaillon et typographie un peu austères, non sans rappeler le charme des éditions d'antan, qui me fait songer à ces Quinze jours au désert de Tocqueville.
Le refuge de ces Maximes, pensées, portraits, anecdotes, bons mots, écarts, propos, a trouvé là le ton qui convenait à élixir si abrupt.   
Et si, après avoir refermé l’ouvrage, je ne devais exprimer qu’un seul regret, cela serait sans nul doute la brièveté de telles mises en bouche, si goûteuses. Mais Cyril Le Meur s’en explique : « Notre contribution critique se limite volontairement à une présentation des auteurs, bien succincte, mais fidèle à l’état de la recherche » ; il est humain de songer que de si bon miel l’on aimerait plus large cuillerée.

Pour conclure, on en conviendra, Trésor des moralistes du XVIIIe siècle se doit de figurer en bonne place sur nos rayonnages ; mieux, de se trouver toujours à portée de main. Rien ne dépasse, en effet, lorsque animé d’un esprit chagrin, la douceur un peu amère d'ouvrir au hasard une page d’un tel livre et d’en savourer le piment.

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VAUVENARGUES (1715 - 1747)

Foudroyé en sa trente-deuxième année.






« Faites remarquer une pensée dans un ouvrage, on vous répondra qu'elle n'est pas neuve ; demandez alors si elle est vraie, vous verrez qu'on en saura rien. »

« Quand on sent qu'on n'a pas de quoi se faire estimer de quelqu'un, on est bien près de le haïr »

« Nous découvrons en nous-mêmes ce que les autres nous cachent, et nous reconnaissons dans les autres ce que nous nous cachons à nous-mêmes »

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DUCLOS (1704 - 1772)

« Rousseau a dit de lui qu’il était ‘droit et adroit’ »


« … la finesse de caractère (…) n’est souvent que le fruit de l’attention fixe et suivie d’un esprit médiocre que l’intérêt anime. »

« Tel se fait caustique qui penchait d’abord à être complaisant, mais il a trouvé le rôle occupé. Quand on est rien, on a le choix de tout »

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CHAMFORT (1740 – 1794)
« Il a été ambitieux et galant à 20 ans et révolutionnaire et scrupuleux à 50 : c’est le bon ordre. »




« Les gens faibles sont les troupes légères de l’armée des méchants. Il font plus de mal que l’armée même, ils infestent et ils ravagent ».

« La calomnie est comme la guêpe qui vous importune, et contre laquelle il ne faut faire aucun mouvement, à moins qu’on ne soit sûr de la tuer, sans quoi elle revient à la charge, plus furieuse que jamais »

« Le titre le plus respectable de la noblesse française c’est de descendre immédiatement de quelques-uns de ces trente mille hommes casqués, cuirassés, brassardés, cuissardés, qui, sur de grands chevaux bardés de fer, foulaient aux pieds huit ou neuf millions d’hommes nus, qui sont les ancêtres de la nation actuelle. Voilà un droit bien avéré à l’amour et au respect de leurs descendants ! Et, pour achever de rendre cette noblesse respectable, elle se recrute et se régénère par l’adoption de ces hommes qui ont accru leur fortune en dépouillant la cabane du pauvre hors d’état de payer les impositions. Misérables institutions humaines qui, faites pour inspirer le mépris et l’horreur, exigent qu’on les respecte et qu’on les révère ! »

« Les pauvres sont les nègres de l’Europe. »


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RIVAROL (1753 – 1801)

« L’ardeur humanitaire des philosophes des Lumières, mais surtout l’emphase philanthropique de leurs médiocres successeurs révulsent Rivarol. »





« L’envie qui parle et qui crie est toujours maladroite ; c’est l’envie qui se tait qu’on doit craindre. »

« Plaisant dédommagement à proposer à un peuple écrasé d’impôts et opprimé par les puissances, que l’enfer pour les riches et le paradis pour les pauvres ! Les mauvais gouvernements ne demandent pas mieux qu’un langage qui tend à faire des esclaves plus soumis et des victimes plus résignées. »

« On mène toujours les peuples avec les deux mots, ordre et liberté : mais l’ordre vise au despotisme, et la liberté à l’anarchie. Fatigués du despotisme, les hommes crient à la liberté ; froissés par l’anarchie, ils crient à l’ordre. »

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SENAC DE MEILHAN (1736 – 1803)

« Etiemble l’a sans doute sauvé d’un oubli définitif… »



Ecrit en 1787 (cf. les analyses de certains experts en 2008)  : « De nos jours la Puissance des Souverains est assise sur des bases inébranlables. Des armées nombreuses s’opposent aux troubles intérieurs, ainsi qu’aux invasions promptes. » (1)

« Le régime Républicain paraît être le gouvernement de la jeunesse du monde (…) Le gouvernement Monarchique convient à l’homme mûr qui prise davantage le repos et la paix » (2).



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HERAULT-SECHELLES (1759 – 1794)

« Notre époque (…) ne pourrait retenir de lui que l’homme couvert de femmes ; il fut pourtant bon magistrat, il fut excellent helléniste, et presque érudit, il fut président de la Convention, ei fut aussi le rédacteur de la Constitution de 1793. »



« La société guérit de l’orgueil, la solitude de la vanité. »

« Semblable à une jolie femme que l’habitude commençait à nous rendre indifférente et qu’une mode nouvelle rajeunit à nos yeux, une idée, que la familiarité commençait à nous faire mépriser et oublier, se remontre et se fait estimer de nous en changeant de forme comme une Cléopâtre, et en nous faisant goûter les plaisirs de l’infidélité. »

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LIGNE (1735 – 1815)

Deux point d’ancrage : Il perdra son château de Belœil par la bataille de Flerus. Son père ne l’aimait guère



Une sentence que n’aurai pas renié Deleuze : « J’aime les gens d’esprit qui sont bêtes ; leur bêtise est toujours aimable et bonne : mais craignons les sots. »

« Qu’on ne dise jamais : la politique de la Prusse, de l’Angleterre, de la France, de l’Espagne, de la Hollande, etc. – C’est l’intérêt particulier, l’ambition, la vengeance ou le plus ou moins de logique ou d’humeur de l’homme ou de la femme en crédit qui font souvent prendre un parti qu’on met sur le compte ténébreux d’un profond calcul diplomatique. » 

« Quelque vertueuse que soit une femme, c’est sur sa vertu qu’un compliment lui fait le moins plaisir. Quand on la loue sur sa fidélité à son mari, elle est toujours prête à vous dire : quelle preuve en avez-vous ? et aurait envie de laisser échapper une demi-confidence pour en faire douter, quoique véritablement elle n’ait point de reproches à se faire. »

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JOUBERT (1754 – 1824)

« … l’aventure intellectuelle de ces vingt premières années (1774 – 1795) est digne d’intéresser ».


« En France il semble que nous aimons les arts plus pour en juger que pour en jouir… »

« Le raisonnement est une espèce de machine intellectuelle à l’aide de laquelle on conclut, c’est-à-dire on enferme dans une opinion déjà adoptée une autre opinion qui souvent n’y entre pas naturellement. »




 NOTES
(1)  Deux exemples, parmi pléthores : « La crise des subprimes n’aura pas d’effets dramatiques sur la croissance » DSK, 1er oct 2007, tout juste nommé directeur du FMI. « La crise de l’immobilier et la crise financière ne semblent pas avoir d’effet sur l’économie réelle américaine. Il n’y a pas de raisons de penser qu’on aura un effet sur l’économie réelle française » Christine Lagarde, 5 nov 2007.
(2) Note en net décalage au sujet traité dans ce billet ; mais je ne puis retenir cette embardée : « Les jeunes ne seront pas l'avenir de la France. Ce seront les vieux. En 2012, les plus de 65 ans représentent 17 % de l'électorat. En 2030, ils constitueront 30 % de la population ». (Le figaro 07 mai 2012). Analyse sociologique du vote à l’issue du second tour : « Les retraités ont voté à 53% pour Nicolas Sarkozy (…) celui a donc perdu 11 points auprès de cette catégorie en cinq ans » - L’instauration – c’est moi qui ajoute – de la franchise médicale n’y est sans doute pas pour rien. La tendance générale n’en est pas moins inquiétante : allons-nous droit vers une gérontocratie ? Autre résultat à méditer « … les inactifs placent en tête Nicolas Sarkozy, avec 51% des voix contre 49% seulement à son adversaire ». Ceci sans doute conséquence de l’impact du « travailler plus pour gagner plus », pertinent slogan, comme on s’en doute, dans un pays frappé de chômage massif. Source :