Les sujets traités sont fort variés ; de la cosmologie à
la philosophie de sciences, passant par la conscience animale, ou encore les
voyages dans la notion de temps (voir à ce propos l’incontournable essai d’EK, « Les tactiques de Chronos ». Quant
aux invités, ils ne pas toujours des scientifiques, loin s’en faut, et cela ouvre
à des richesses et à des décalages que ne permettraient pas, sur certains
sujet, une discussion avec un expert ayant, comme on dit d’ordinaire, trop le
nez dans le guidon.
Passant, la dernière émission en date, écoutée ce matin tout
élaborant un plat dominical adapté à la météo des grands nord de France,
traitant des liens entre philosophie et sciences, est une merveille. L’invité en
était Heinz Wismann – et sa thèse sur Démocrite est stimulante. Un moment privilégié
ayant permis à mon esprit de vagabonder du côté du contrefort du pays des
loups, dans le midi, là où une ami chère me réapprend à écouter des musiques
jusqu’alors négligées.
Au-delà de l’aparté, n’oublions pas enfin les fameux anagrammes
dont Etienne Klein s’est fait le maître incontesté ; loin de l’anecdotique
ou du ludique, ils participent véritablement, selon mon goût, à un éclairage
singulier, à une autre vision du réel des mots que nous aurions tort de prendre
par-dessus la jambe…. Comme : le multivers à mille vertus (l’anagramme de :
le multivers est mille vertus).
Sur ce principe anthropique fort, il n’est qu’à lire l’entretien
du physicien Trinh Xuan Thuan, repris dans un ouvrage collectif en forme de
question, « Le monde s’est-il crée tout seul ? », pour se rendre
compte à quel point le désir de croire à une intentionnalité de la nature, bref
à Dieu vu comme ajusteur de constantes physiques, conduit à des court-circuit
de la pensée. Car ne nous y trompons pas, pour les défenseurs de ces chimères, l’objet
est bien de remettre l’homme à la place première dans l’univers « non pas au centre physique de l’univers,
mais étant la raison même pour laquelle il a été conçu »
La théorie des univers multiples inflige ainsi aux
insignifiantes créatures que nous sommes une nouvelle blessure narcissique.
Qui pouvait le mieux venir discourir sur ces « chambres
à bulles » que semblent être ces univers multiples qu’Aurélien Barrau.
A l’érudition limpide et la capacité à la vulgarisation (au
sens le plus noble du terme) d’une matière fort complexe, se double un
caractère original ; une langue très belle aussi – un plaisir rare d’écoute…
Qui m’aura au passage aussitôt incité à me procurer « Des univers multiples – A l’aube d’une nouvelle cosmologie »,
paru chez Dunod cet automne…
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Saisi au vol durant l’émission :
« Le multivers en tant que tel
n’est pas une hypothèse. Si c’était une hypothèse ça serait en effet une
hypothèse ad hoc relativement échevelée et sans grandes conséquences. Ce qui
est intéressant c’est que le multivers est au contraire une conséquence. Une
conséquence de quoi ? Par exemple de l’inflation et de la théorie des
cordes. Mais l’inflation et la théorie des cordes sont des théories tout à fait
standards qui peuvent être testées dans notre univers, ici et maintenant ».
« … On se demande pourquoi les
constantes sont si extraordinairement adaptées à l’existence de la complexité
en général, et de la vie en particulier. Et je vois trois réponses possibles… (Car)
si n’importe laquelle des constantes fondamentales de la physique était
différente, il est très probable que notre univers serait morne (gaz de photon
ou d’autres particules, sans structure, sans chimie, sans atomes, et donc sans intérêt).
Donc trois solutions possibles
-
Soit on a eu une chance infinie, c’est-à-dire que dans le coup de dé
initial, les lois de la physique ont été sélectionnées sur cette solution
hautement improbable permettant l’émergence du monde…. C’est possible mais peu
convaincant.
-
Soit, et c’est l’hypothèse souvent dérangeante du dessein intelligent
suivant laquelle Dieu, pour ne pas le nommer, aurait orienté l’évolution de l’univers
pour permettre l’existence de la vie, et bien sûr de l’homme ; ce qui est
un retour à une vision anthropocentrée, non seulement théologique, mais aussi
téléologique, c’est-à-dire finaliste – explication possible mais qui n’est
clairement pas scientifique…
-
La troisième hypothèse est celle du multivers. C’est-à-dire que si on
joue une fois au loto on a toutes les chances de perdre. Mais si on joue une
infinité de fois au loto on est sûr de gagner…. »
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(Voir également ce billet
: une vieille émission de Continents sciences, dont j’avais transcrit une
partie : Notre univers est-il unique ? )
Cher Axel,
RépondreSupprimerS'il y a bien une catégorie de couillons qui me fait sortir de ma réserve (cf mon billet du vendredi 5), c'est bien celle des amateurs des frères Bogdanov ou de ce Trung Trang Trong. Mais ne nous attardons pas. Je sais que vous me comprenez.
Je voudrais juste citer notre Montaigne, cher à tous deux, et qui exprime bien dans l' Apologie de Raimond Sebond la couillonnerie anthropocentrique:
" La presomption est nostre maladie naturelle et originelle. La plus calamiteuse et fragile de toutes les creatures c'est l'homme, et quant et quant, la plus orgueilleuse. Elle se sent et se void logée icy parmy la bourbe et le fient du monde, attachée et cloüée à la pire, plus morte et croupie partie de l'univers, au dernier estage du logis, et le plus esloigné de la voute celeste, avec les animaux de la pire condition […] : et se va plantant par imagination au dessus du cercle de la Lune, et ramenant le ciel soubs ses pieds."
J'ai conservé l'orthographe de l'époque. C'est pour vous taquiner.
Bien à vous,
Frédéric
Cher Frédéric,
SupprimerVous avez bien raison de me taquiner. Cela fait du bien en ces périodes de froid et de crachin.
Je note que je me suis finalement bien amélioré dans la lecture de Montaigne. Car non seulement je parviens désormais à lire sans trop d’encombres la version originale des essais, mais en outre je commence à, sinon m’accoutumer, du moins être capable de digérer à peu près aussi l’orthographe de l’époque.
Sur les adeptes du dessein intelligent le pire est qu’ils semblent se reproduire à vitesse folle… Mais je pense le mal incurable ; le réel les rattrapera cependant.
Sous un ciel laiteux.
Amicalement
Axel
Ps : sur le conseil avisé d’une amie, j’ai repris la lecture de la Philosophie dans le boudoir de qui vous savez. Quelques pages chaque soir avant de dormir. Je ne saurai encore dire si cela aide au sommeil ou non.
Bonjour cher Axel,
RépondreSupprimerIntéressant sujet en effet.
J'avais un jour écrit sur mon blog :
"1077.
Pourquoi les lois de l'univers sont-elles ce qu'elles sont ?
Parce que si elles avaient été autres, l'univers tel qu'il est ne serait pas.
Des milliards d'autres univers ont peut-être tenté de se créer mais les conditions et « lois » requises n'étant pas réunies, ils n'ont pu se déployer.
Inutile de s'étonner que les lois physiques qui décrivent l'univers soient ce qu'elles sont, elles ne font que décrire l'univers tel qu'il est !
Au reste, ne se crée que ce qui peut se créer.
Notre univers n'est pas plus extraordinaire que les milliards d'autres qui ne pourront jamais voir le jour, il est simplement celui qui a vu le jour."
Ce qui rejoint la troisième hypothèse évoquée, celle du multivers.
Amitiés.
P.-S. : Vos doigts ont dû fourcher quand vous avez retranscrit l'anagramme : "Comme : le multivers à mille vertus (l’anagramme de : le multivers est mille vertus)." car je ne vois pas là d'anagramme...
Je vous souhaite une belle journée.
En fait c'était :
SupprimerMultivers = Mille vertus (en fait EK a un peu triché il manque un l et utilise deux fois le e, mais bon ; pas mal tout de même)
Merci de la précision, je n'avais pas compris.
SupprimerAvec l'article ça donne bien une anagramme parfaite : "Le multivers = Mille vertus". (il n'a donc pas triché. :-) )
Bonne soirée à vous dans cet univers aux facettes infinies.
PS : Moi aussi j'aime ce jeu des anagrammes, avec "Cet univers" on peut faire "Cri est venu" et avec "Axel Evigiran" on peut faire " Gai vin relaxe". ;-)