Billet invité
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Histoire du Sacre royal
Prémisses de l’époque carolingienne à l’Ordo de 1246
Par Mélanie GLAINE
- Aux origines du sacre, un acte de légitimation politique sous l’égide de Jacob.
Samuel oint David... |
Le terme même de sacre, nous fait entendre
celui de sacré et l’on pense immédiatement que ce dernier apporte au roi une
aura supplémentaire, qui serait le signe de l’élection divine. Si cela est
avéré, il faut garder en tête que le sacre, tel qu’il est pratiqué à ses
origines, a bien plus une portée politique. Pour preuve les paroles du pape
Etienne II, qui nous sont rapportées par la Clausula
de unctione peppini regis, alors qu’il sacre le roi Pépin le Bref ; ce
dernier déclare qu’il est désormais « défend[u] sous peine d’interdit et d’excommunication, d’oser jamais
élire à l’avenir un roi issu d’autres reins (de alterius lumbis) que de ceux-ci que la divine piété a daigné
exalter ». Cette formule renvoie explicitement à la lignée royale. Le pape
tente alors de créer une nouvelle dynastie, remplaçant celle de Mérovingiens
par la Carolingienne. Cette parole fait
en même temps écho à une parole biblique adressée par Yahvé à Jacob, au
chapitre 35 de la Genèse et qui dit
que des rois sortiront de ses reins (lumbis), ainsi, Dieu reconnaît la
légitimité de Jacob en tant que souverain alors même qu’il a supplanté le droit
d’aînée à son frère, Esaü.
La sacre tel qu’il apparaît donc au VIII° siècle en
France avec la dynastie carolingienne est avant tout un acte politique qui vise
à légitimer le pouvoir de Pépin le Bref qui l’a usurpé aux Mérovingiens en
perte de puissance. Avant cette date le sacre est essentiellement pratiqué par
les rois wisigoths à partir du VII° siècle (Wamba, 672) et est évidement
présent dans la Bible, des rois comme Samuel, David ou encore Saül étant sacrés ;
le sacre s’écarte ainsi de la génération charnelle pour préférer une génération
spirituelle entre le roi oint et les rois bibliques.
- Le rituel du sacre.
Si les motivations d’un tel acte
sont aux origines politiques, l’on ne peut mettre de côté la dimension religieuse
de ce rituel qui se formalise jusqu’à l’époque capétienne, avant de devenir une
étape sine qua non du processus de
légitimation du roi, quelles sont donc les étapes de ce rituel ?
Les sources qui nous renseignent
sur le déroulement de cette cérémonie depuis l’époque carolingienne sont de 3
sortes : les comptes-rendus, à l’image des chroniques qui nous rapportent
le déroulement d’un sacre en particulier, les directoires, sortes de modes
d’emploi qui décrivent les différentes étapes à accomplir pour organiser cet
événement (achat de tentures, emploi de personnel spécifique etc ...) et
finalement, les ordines, documents
liturgiques utilisés durant la cérémonie par les prélats et qui contiennent un
descriptif des différents moments de la cérémonie, ainsi que les prières qui
doivent être récitées à ce moment précis. Si la cérémonie est amenée à évoluer
au IX et X°s, dès ses origines elle s’organise autour d’une étape primordiale
qui n’est autre que l’onction du roi à l’aide du Saint Chrême sur sept parties
de son corps. Cette onction, contrairement à ce que l’on pourrait penser, ne
fait pas du roi un prêtre à part entière mais il devient alors « rex-sacerdos », roi et prêtre, à
l’image du Christ, ce qui lui vaut un statut éminemment singulier et parfois
l’appellation de « prêtre du dehors », car il est oint, comme les
clercs, mais ne fait pas partie de l’ordre ecclésiastique. Cette onction a la
particularité d’être pratiquée en France, à partir de l’huile de la Sainte-Ampoule
qui aurait servi au baptême de Clovis et aurait été apportée, selon Hincmar de
Reims (806-882), par un ange ou une colombe à Saint Rémi durant la cérémonie. Cette
huile est ainsi conservée à l’abbaye de Saint-Rémi de Reims.
Au delà de
cette onction, l’on peut, à l’époque capétienne, évoquer sept autres étapes qui
sont représentées dans l’ordo latin
de 1246 qui décrit l’onction de Saint-Louis.
Tout d’abord,
l’entrée dans l’église avec une halte sur le seuil et une procession jusqu’au
chœur qui marque la venue au contact du plus sacré, puis l’arrivée de la sainte
Ampoule protégée sous un dais ; il s’agit de l’arrivée de l’objet le plus
sacré de la cérémonie, ce qui lui vaut cette attention particulière. Après quoi
le roi fait différentes promesses et serments auprès du personnel religieux
avant d’être adoubée avec une épée conservée à Saint-Denis et qui deviendra par
la suite l’épée de Charlemagne. Une fois le roi oint, des laïcs comme le grand
camérier lui remettent différents insigna
dont des chausses fleurdelisées et des éperons d’or. Finalement, une messe est
dite et le roi maintenant pleinement légitime change la couronne qui lui a été
donnée lors du couronnement pour une plus légère avant de quitter la cathédrale
et de retourner, via une procession solennelle, à son palais royal.
- Une dimension ostentatoire.
Il est à noter
que ce rituel prend une importance croissante tout au long du X° et du XI°
siècle, notamment dans sa dimension ostentatoire. De plus en plus, l’on voit
des mentions dans les ordines qui
précisent que le roi doit être placé de manière « à être vu de
tous », un jubé est d’ailleurs construit à Reims pour répondre à cette
attente. Un document comme l’ordo de
1246 désigne d’ailleurs le roi comme personnage central de la cérémonie et il est
représenté sur 14 des 15 enluminures du manuscrit. Cet ordo est remarquable par le nombre important de ses enluminures
pour un document de ce type et par l’attention qui est portée à la construction
de ses images, il apparaît évident à l’examen de ses illustrations que ces
dernières tendent à fixer la cérémonie dans une mémoire visuelle qui désigne le
roi comme acteur central de la cérémonie lien entre la sphère des laïcs et
celle des clercs.
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Source principale : Royauté et idéologie au Moyen-Age d'Yves Sassier et Le sacre royal : à l'époque de Saint-Louis d'après le manuscrit latin 1246 de la BNF de Jacques le Goff.
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Source principale : Royauté et idéologie au Moyen-Age d'Yves Sassier et Le sacre royal : à l'époque de Saint-Louis d'après le manuscrit latin 1246 de la BNF de Jacques le Goff.
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