15 juin 2016

Minutal selon Apicius

Un billet culinaire manquait grandement sur cet espace. Aussi me voici à reprendre une recette antique publiée initialement le premier mai 2012. 
Au delà de l'envie à nourrir "Le ventre des philosophes", le motif de cette reprise est à chercher du côté d'une nouvelle tentative, dimanche dernier, du côté d'Apicius. Et c'était plutôt réussi. 


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Je n'entrerai pas ici dans des considérations philosophico-gastronomiques, mais il me faut admettre que cela fait un bon moment que je trouve dommage de ne pas avoir une rubrique culinaire sur ce blog.
J'ai pensé que ce jour de la fête du 'vrai travail', pour reprendre la terminologie d'un potentat en fin de règne, était propice à réparer cette lacune.

J'ai choisi d'ouvrir cette rubrique sur une recette romaine - un ragoût -  que l'on doit à un certain Apicius (Marcus Gavius Apicius pour les intimes).
Comme tout bon ragoût, et c'est essentiel, plus il mijote, meilleur il est ! Il faut donc prévoir (je parle d'expérience) 3 heures entre le moment où l'on sort ses ingrédients et le moment où l'on peut se mettre à table (1 heure de préparation à laquelle s'ajoute 2 heures de mijotage, ou un peu plus... C'est l'avantage du plat : si l'apéro (Muslum ou Tirruculae (1) évidemment...) s'éternise, pas de panique, ça mijote...

Un mot tout d'abord sur Apicius. 
Né vers 25 avant l'ère du doloriste Apicius fut le cuisinier en chef de l'empereur Tibère. Mal vu des austères stoïciens, on doit à cet amateur de bonne chère et d'éphèbes un célèbre recueil de cuisine, De re coquina que s'empresseront de recopier, entre autres choses, les moines médiévaux (il est ici néanmoins permis de douter de la frugalité du régime alimentaire de certains stoïciens, par exemple au hasard... Sénèque). 
Apicius fut un extravagant. En témoignent certaines de ses lubies. Ainsi ces talons de chameaux, accommodés sans doute avec une sauce idoine, ou encore cet assortiment de langues de flamants roses ou de rossignols, probablement servis en salade... Capable de toutes les dépenses pour assouvir sa passion culinaire, notre homme n'hésitera pas, par exemple, à affréter un navire afin de se procurer les crevettes les plus goûteuses du bassin méditerranéen, lui avait-on dit... en Lybie ! A tel régime on imagine assez bien que sa fortune, aussi grande fut-elle, fondit aussi surement que sa panse enfla, au point que le légende raconte qu'il préféra se la crever plutôt que de renoncer à son train de vie.
Ainsi passent les voluptueux.

« De nos jours vivait Apicius. Dans cette même ville d'où l'on a chassé les imbéciles heureux comme corrupteurs de la jeunesse, il a professé l'art de la bonne chère et il a infecté le siècle de sa science. Sa mort vaut la peine qu'on la raconte. Après avoir dépensé pour sa cuisine 100 millions de sesterces [soit 3 à 4 millions d’euros], après avoir absorbé pour chacune de ses orgies tous les revenus du Capitole, se trouvant accablé de dettes, il eut l'idée de faire, pour la première fois, le compte de sa fortune. Il compta qu'il lui restait 10 millions de sesterces [300 à 400 milliers d’euros] et, comme s'il eut dû vivre dans les tourments de la faim avec ses 10 millions de sesterces, il s'empoisonna. Quels devaient être sa corruption et son faste, alors que 10 millions de sesterces lui représentaient l'indigence ? »

Et voici la recette... 

Ingrédients
1.5 kg de viande de bœuf
2 saucisses fumées (type saucisses de morteau)
4 poireaux
5 pommes
Cumin, coriandre, poivre
2 branches de menthe
2 verres de vin blanc
200 g de miel
10 figues
Huile

Mode opératoire

Faire revenir la viande de bœuf coupée en petits carrés dans un peu d'huile (d'olive). Lorsque la viande a roussi, ajouter les saucisses fumées (elle aussi coupée en petits carrés).

Lors de la cuisson de la viande (bœuf / saucisse) ajouter deux à trois pincées de poivre, autant de cumin et un peu moins de coriandre.
Couper les poireaux en quatre dans le sens de la longueur puis en rondelles.



Ajouter les poireaux aux viandes et laisser réduire l'ensemble. Couper les pommes en quartiers puis en carrés.

Mélanger les pommes aux poireaux et aux viandes et laisser réduire à nouveau.

Ajouter les branches de menthe (personnellement je m'en passe) puis les 2 verres de vin blanc (1 verre de vin est la quantité de la recette que j'ai sous la main - mais je préfère 2). Laisser mijoter 10 mn

Pour caraméliser l'ensemble ajouter 3 à 6 cuillères de miel... (c'est selon moi le point délicat, trop peu de miel et la recette devient fadasse, trop de miel et on ne sent plus que le goût sucré). J'en ajoute donc au minimum trois, puis je laisse mijoter 1 heure et j'ajuste ensuite pour compléter selon mon goût... Et relaisse mijoter entre 1 heure et 1h30 supplémentaire.



Si je devais conseiller un livre de cuisine romaine, cela serait celui-ci (que je possède évidemment) :
La cuisine romaine antique de Brigitte Leprêtre (attention : la recette du Minutal n'y figure pas).
A voir également l'excellent blog 'Civilisations antiques, grecques et romaines'. S'y trouve une belle rubrique cuisine 

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(1) Le Muslum : Ingrédients :1 litre de vin blanc ou rouge, 5 cuillères à soupe de miel, Poivre en grains, Grains de fenouil, 3 feuilles de laurier.
Préparation: Faire chauffer le vin - Ajouter les épices et le miel - Porter à ébullition - Ecumer - Laisser refroidir - Filtrer - Mettre au frais pendant 10h - Servir frais.

Le Turriculae ou vin salé : Pour 3 litres de vin blanc à 13°, une poignée de baies de genièvre, 10 grains de poivre noir, 1/2 litre d'eau de mer filtrée, une poignée de fleurs d'Iris, 1/2 fenouil.
Verser le vin et tous les ingrédients dans une grande marmite - Porter à ébullition jusqu'à la formation d'une mousse en surface (environ 1 heure à feu moyen) - Ecumer - Laisser refroidir - mettre au frais pendant une nuit - Servir frais.

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