Billet initial du 03 mai 2013
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Parfois il faudrait s'en tenir aux songeries.
La visite, cet été du château de Combourg aura été une assez grosse déception
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Parfois il faudrait s'en tenir aux songeries.
La visite, cet été du château de Combourg aura été une assez grosse déception
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Si ce genre d’endroit m’apparaissait comme la caverne d’Ali Baba, le jeu ensuite consistait, évidemment, happé par la magie des pages et des titres offerts à mon avidité, de me faire payer un ou deux livres. C’est ainsi que me tomba dans les mains un vieil ouvrage traitant de photographie intitulé « Les mystères de la chambre noire », contenant moult compositions, toutes en noir et blanc, photocollages et photomontages pour l’essentiel de l’époque surréaliste. Je présume que mon choix d’alors fut moins dicté par des considérations artistiques que par le fait que le livre contenait de nombreux nus féminins.
Mais après les premières effusions, il advint que mon imagination fut frappée par une image saisissante. Celle d’une étrange ruine anthropomorphe et moussue cernée au premier plan d’arbres décharnés, le tout sous un ciel mi encre mi coton. Se dégageait de la composition un sentiment lugubre et d’attraction mal définie tout à la fois ; une ambiance à la Lovecraft ou à la Poe. C’était une espèce de photographie fantastique aux effets vaporeux tiré d’un cauchemar en demi-teinte ; un monde d’esprits ou le réel perdait pied, sans pour autant sombrer complètement dans les délires des faiseurs de chimères.
Je me demandais alors s’il s’agissait d’une montage, d’un arrangement photographique ou d’un lieu identifiable dans la réalité vraie – ce qui me semblait peu probable. La légende, laconique disait : Simon Marsden, Tuam, Galway « Old castle Hackett », Irlande du Sud, 1976.
Je n’ai plus souvenir d’avoir lu le texte qui accompagnait la photographie. Peut-être l’ai-je fait ou peut-être ai-je alors laissé mon imagination s’enflammer en mille conjectures. Par esprit de recomposition et par tempérament j’opterais plutôt pour la seconde option
Ce texte disait : « … pour réaliser ses clichés de ruines perdues dans la lande, il emploie une pellicule sensibilisée à la lumière infrarouge et des temps d’expositions qui peuvent être considérés comme l’équivalent exact, pour la photographie, de la ‘méditation’ chère aux écrivains romantiques »
Le hasard m’a fait rouvrir ce livre il y a peu.
géographique, la période temporelle et l’auteur.
C’est étrange comme le temps tord les souvenirs tout les restituant néanmoins – moi qui pensait avoir à faire à un photographe du début du siècle dernier (il s’est évaporé à la vérité de l’autre côté du miroir, parmi ses pairs éthérés, l’an passé) et à une image contemporaine des premiers montages en chambre noire ; ces réminiscences si vives et pourtant si incertaines – rebâties parfois pierre à pierre et de toutes pièces.
Cette rencontre m’aura aussitôt amené à me procurer ce très bel objet de Simon Marsden, La France hantée, ce voyage d’un chasseur de fantômes (Flammarion, 2006) et qui s’ouvre par cette invite de Maupassant : « Le voyage est une espèce de porte par où l’on sort de la réalité comme pour pénétrer dans une réalité inexplorée qui semble un rêve ».
C’est de cet écrin fuligineux, œuvre livresque et picturale que je tire la sépulcrale photographie du château de Combourg ainsi que l’extrait ci-dessous, issu des fabuleuses Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand, somme crépusculaire à lire de préférence à l’ombre d’un grand arbre que l’on aura jadis soi-même planté.
« Avant de me retirer, elles me faisaient regarder sous les lits, dans les cheminées, derrière les portes, visiter les escaliers, les passages et les corridors voisins. Toutes les traditions du château, voleurs et spectres, leur revenaient en mémoire. Les gens étaient persuadés qu'un certain comte de Combourg, à jambe de bois, mort depuis trois siècles, apparaissait à certaines époques, et qu'on l'avait rencontré dans le grand escalier de la tourelle ; sa jambe de bois se promenait aussi quelquefois seule avec un chat noir. (…)
La fenêtre de mon donjon s'ouvrait sur la cour intérieure ; le jour, j'avais en perspective les créneaux de la courtine opposée, où végétaient des scolopendres et croissait un prunier sauvage. Quelques martinets qui, durant l'été, s'enfonçaient en criant dans les trous des murs, étaient mes seuls compagnons. La nuit, je n'apercevais qu'un petit morceau du ciel et quelques étoiles. Lorsque la lune brillait et qu'elle s'abaissait à l'occident, j'en étais averti par ses rayons, qui venaient à mon lit au travers des carreaux losangés de la fenêtre. Des chouettes, voletant d'une tour à l'autre, passant et repassant entre la lune et moi, dessinaient sur mes rideaux l'ombre mobile de leurs ailes. Relégué dans l'endroit le plus désert, à l'ouverture des galeries, je ne perdais pas un murmure des ténèbres. Quelquefois, le vent semblait courir à pas légers ; quelquefois il laissait échapper des plaintes ; tout à coup, ma porte était ébranlée avec violence, les souterrains poussaient des mugissements, puis ces bruits expiraient pour recommencer encore.(…)
Au lieu de chercher à me convaincre qu'il n'y avait point de revenants, on me força de les braver. Lorsque mon père me disait avec un sourire ironique : " Monsieur le chevalier aurait−il peur ? " il m'eût fait coucher avec un mort. »
ChateauBriand
Mémoires d'outre-tombe
Château de Combourg (photo par Axel) |
Et bien, après avoir lu votre article, je me suis procuré vendredi un premier volume en poche des mémoires de Chateaubriand. A proximité, nul arbre planté. Pas même l'ombre d'une branche. Mais cela ne devrait pas contrarier ma lecture.
RépondreSupprimerravi que ce modeste billet ait suscité l'envie de vous plonger dans les Mémoires d'outre-tombe...
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