L’explorateur et illustrateur Frédérick Catherwood (1799 – 1854), est celui-là même qui, avec son comparse et archéologue par goût John Lloyd Stephens, contribua par ses lithographies à faire connaître à un large public les ruines de la civilisation maya….
A cette époque (sommes en 1839), « il était difficile à un américain du nord d’accepter l’idée d’une ‘civilisation indienne’. Pour lui, l’indien était un barbare, à moitié nu, avec qui la guerre était une fatalité… (…) Les noms : Hernan Cortès, Pizarro, Bernal Biaz del Castillo n’évoquaient que pillages. Les noms : Aztèque, Maya, Toltèque et Inca ne se trouvaient dans aucun dictionnaire. Très peu de livres d’histoires les mentionnaient. (…) De cette coiffe d’oubli plaquée sur l’histoire des Amériques, le principal responsable a peut-être été William Robertson (1721 – 1793). L’historien homme d’Eglise écossais, dont on avait vanté The History of the Discovery and settlement of America, avait une idée très arretée de la culture américaine : ‘Ni les Mexicains ni les Péruviens ne peuvent prétendre à figurer parmi les nations qui méritent le nom de « civilisés »’ » (1)
Mais il n’est point l’heure encore d’évoquer les fabuleuses civilisations de la méso-amérique.
Nous somme en 1833, le 07 novembre plus précisément, le jour où Frédérick Catherwood se rendit au Dôme de Jérusalem malgré les menaces, bien décidé à en croquer l’intérieur. A cette époque entrer en telle mosquée se faisait pour l’infidèle au risque de sa vie.
Son périple l’avait conduit de Grèce, alors considérée comme La Mecque des étudiants en architecture, en Egypte, en tant que membre de l’expédition de Robert Hay de Linplum, dont l’objectif était de remonter le Nil. Nous étions alors en 1824 et la grande expédition durera plus de dix ans.
En 1832 il se trouvait à Tunis et en 1833 il mettait « la dernière main aux préparatifs d’une expédition au Sinaï et en Arabie pétrée » . Il faut dire qu’au fil des ans, Frédérick Catherwood s’était mis « à porter djellaba et turban, à étonner son ami Arundale par ‘ses manières orientales’, à parler couramment l’arabe, l’italien et l’hébreu. »
C’est de la sorte que le 07 novembre 1833, il entra sans façon en habit d’officier égyptien et portant un ‘firman le désignant expressément comme ingénieur au service de Méhémet Ali. L’affaire manqua de tourner mal mais, par un heureux hasard, fut tiré d’embarras par le gouverneur de Jérusalem en personne. Voici un extrait du témoignage de Catherwood :
« … Autour de moi, 200 personnes semblaient s’enhardir mutuellement, prêtes à se ruer toutes à la fois sur nous. Un bref instant aurait suffi pour nous mettre en morceaux. Mais un incident est survenu qui a transformé le massacre probable en triomphe : l’apparition soudaine du gouverneur sur les marches de l’estrade. Quelqu’un s’est précipité vers lui et tumultueusement réclamé le châtiment de l’incroyant qui profanait l’enceinte sacrée. Le gouverneur s’est alors approché. Nous avions souvent fumé ensemble. Nous nous connaissions bien. (….) et ne pouvant imaginer que je me sois aventuré si loin sans l’autorisation du pacha, il s’est mis aussitôt à calmer la foule… ».
C’est ainsi que durant six semaines Catherwood put à loisir dessiner les intérieurs de la fameuse mosquée, croquis qui seront hélas tous perdus en 1847. Mais c’est une autre histoire. Pour l’heure, il jouissait d’un blanc-seing qu’il comptait bien mettre à profit. Ce qu’il fit, jusqu’au jour où la rumeur de la visite prochaine d’Ibrahim Pacha à Jérusalem se répandit. Et notre aventurier jugea bon de décamper.
Mais qui était donc cet Ibrabim pacha, de son nom Méhémet Ali ?
L’anecdote que je vais ici rapporter se trouve narrée dans le délicieux livre d’un archéologue américain, Victor W.von Hagen (1908 – 1985). Son titre, A la recherche des Mayas raconte par le détail l’épopée de l’archéologie américaine, et cela, on l’aura compris, au travers des figures hautes en couleurs des pionniers Frédérick Catherwood et John Stephens, « juriste par profession, voyageur par goût, archéologue par vocation ».
Mais présentons en tout premier lieu brièvement Méhémet Ali :
« … né en 1769 en Albanie, il avait fait son éducation dans un régiment turc. Entre deux massacres, il avait appris les rudiments du beau langage et des bons usages. Il s’esseya au commerce du tabac de Latakiech, puis le sultan l’envoya comme lieutenant à la tête de 300 soldats albanais pour soutenir l’expédition égyptienne du général Bonaparte. Méhémet Ali fit preuve d’une grande fourberie. Il aida Napoléon contre les Britanniques, puis les Britanniques contre Napoléon. Lorsque Lord Nelson eut annihilé la flotte française, il resta en Egypte et ne songea plus qu’à consolider sa propre position. Dans le chaos qui suivit les guerres napoléoniennes, il soutint les Mamelouks contre les Turcs, puis opposa les factions entre-elles et enfin invita leurs chefs en son palais pour les mettre d’accord, ce qu’il fit en les faisant tous massacrer » .
D’où l’anecdote. Le consul français en poste en Egypte lui ayant fait remettre un exemplaire du Prince de Machiavel. Le pacha s’empressa de le faire traduire, à raison de dix pages par jour.
« Au quatrième jour, Méhémet Ali dit à son traducteur : ‘Dans les dix premières pages je n’ai rien découvert de grand ou de nouveau (…) J’ai attendu. Les dix suivantes ne valent guère mieux. Les dix dernières ne contenaient que banalités. Je n’ai rien à apprendre de Machiavel. Pour la ruse, je m’y connais mieux que lui. Tu peux t’arrêter de traduire’ ».
De Frédérick Catherwood il n’existe qu’une seule représentation connue, une miniature indistincte ou on le voit campé devant une ruine du site maya de Tulum.
The figure depicted in this detail view of a lithograph made from one of Catherwood's drawings is presumed to be a possible representation of Catherwood himself. No other portraits of Catherwood are known
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