29 mars 2020

Crise sanitaire et catastrophe climatique

En ces temps de confinement,j'ai pris le temps de transcrire quelques extraits d'une intéressante causerie :


La Perm' #2 (Aurélien Barrau, Daniel Tanuro) : Crise sanitaire et catastrophe climatique
"La crise sanitaire actuelle annonce-t-elle la catastrophe climatique de demain ?". Avec Aurélien Barrau (astrophysicien) et Daniel Tanuro (agronome), animé par Wissam Xelka !

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La crise sanitaire actuelle a-t-elle un lien avec la crise climatique ?


DT : Il  y a des similitudes clés entre les deux crises. La première c’est qu’on un système qui fait comme s’il pouvait échapper aux lois de la nature, de la biologie dans le cadre de la pandémie, les lois de la physique dans le cadre du changement climatique. Deuxièmement on a des catastrophes qui sont le résultat quand même de la logique de ce système. La pandémie est étroitement liée à la destruction des écosystèmes sauvages par l’agro business qui favorise la propagation des virus. Le changement climatique est directement lié à la combustion des combustibles fossiles. Troisièmement dans les deux cas les scientifiques ont prévenu. Quatrième similitude ce sont les avertissements : les responsables politiques les jettent à la poubelle ; ils le lisent et ça rentre par une oreille et ça sort par l’autre. Ce n’est pas qu’ils sont idiots, mais sont complément subordonnés à la logique du profit, de l’accumulation, du profit, de la compétition pour la domination du monde. Le virus nous donne un avertissement : ce que je vous fait n’est encore rien en comparaison de ce que le changement climatique peut vous faire si vous n’imposez pas un changement radical de système

AB : (…) Oui, il y a un lien entre crise sanitaire et crise écologique. Il est très probable que la diminution des espaces de vie entraîne des contacts entre des espèces usuellement séparées. ET donc les agents pathogènes passent la barrière des espèces. Parce que l’ingestion aussi de chair animale joue un rôle considérable dans cette affaire, en particulier de par les marchés d’animaux vivants. Deuxième il y a cette incroyable incapacité anticipatoire, même quand c’est évident dans le cas de la crise écologique. On ne peut pas reprocher de n’avoir pas prévu cette épidémie-là, particulière. EN revanche il y a un ensemble de circonstances incontestables. La différence fondamentale est qu’ici on est en train de commencer à écouter les médecins, alors que face à la crise écologique on n’écoute toujours pas du tout les spécialistes pourtant unanimes. Il faut articuler cette situation au sentiment d’exceptionnalité. Parce qu’il y a quelque chose d’exceptionnel dans la crise du coronavirus, mais ce qui m’embête aussi c’est ce côté presque obscène quand même de l’occident qui d’un seul coup à peur et qui, lorsqu’il a peur, fait d’une crise la méta crise. ET là il faut quand même rappeler que j’ai beaucoup de mal à croire que le covid 19, même intégré sur plusieurs années tue autant que le paludisme, qu’il fasse autant que les 2,5 million de mort annuel de maladies respiratoires, j’ai la certitude qu’il ne tuera jamais autant chaque année que la malnutrition, que la pollution. Ça ne veut pas dire que c’est négligeable, c’est un problème grave. Mais il ne faut non plus faire de la gravité des problèmes se présentant dans les pays riches une sorte d’épiphanie universelle…

La crise écologique est-elle déjà là ?

AB : C’est un fait. Du côté des animaux on a déjà perdu 60% des populations sauvages en 40 ans. (…) Ce pour qui est des êtres humains je rappelle que la famine a augmentée pour la troisième année consécutive dans le monde ; la pollution fait 10 millions de morts par an dans le monde, et ils sont essentiellement dans les pays pauvres. Et ce qui est particulièrement cynique et même insupportable dans cette situation c’est que ceux qui sont les premiers à faire les frais du réchauffement climatique ne sont pas ceux qui le causent. 



Devant la violence du capitalisme qui ne joue que pour lui, devra-t-on utiliser la violence pour se défendre ?

AB : D’abord je vais me faire l’avocat du diable. Je pense qu’il y a un problème avec le capitalisme. Pour autant il ne faut non plus en faire le diable. Ca a quand même aussi permis le développement, l’accès aux soins, à l’eau, aux médicaments. Il ne faut donc pas être dogmatique. Cela dit il faut qu’on travaille la hiérarchie de nos ressentis de violence. Je vois beaucoup de gens dire : la non-violence c’est une règle de conduite indépassable. Mais ça veut dire quoi la non-violence ? Laisser faire un système ultra violent est-ce que c’est non-violent ? Face à un assassin qui est sur le point de commettre un crime il est tout à fait autorisé et même recommandé de lui casser la figure. On le droit à une petite violence pour endiguer une plus grande violence. C’est même un acte de bravoure.

DT : (…) la violence vient du système. Face à cela la violence, ne fusse que la violence de l’autodéfense est non seulement justifiée mais indispensable. Les exemples vous les avez sous les yeux en France avec ce qui s’est passé avec la répression contre le mouvement de contestation de la loi travail, la répression à Notre-Dame-des-Landes, la répression contre la lutte contre la réforme des retraites. L’escalade de moyens militaires déployés par le pouvoir pour empêcher une contestation. Même une contestation basée sur une opinion majoritaire(…). Cela indique jusqu’où les privilégiés aujourd’hui sont prêts à aller pour maintenir leurs privilèges. Ils ne reculeront devant rien.

Pourquoi débloque-t-on 5000 milliards de dollars pour contre cette crise maintenant et pourquoi pas pour la crise climatique ?

DT : (…) Pour une raison bien simple : c’est qu’en général la solution à cette crise est incompatible avec la poursuite de l’accumulation capitaliste. Le délai qui nous reste pour éviter dans une zone très dangereuse ou pourraient s’amorcer une boucle de rétroactions positives menant au basculement complet du système climatique est très faible. On est peut-être déjà dedans. Pour empêcher un telle catastrophe il faudrait produire moins, transporter moins et partager davantage. C’est complètement incompatible avec la logique de l’accumulation.

AB : Il y a un problème de cohérence. On ne peut pas agir pendant des décennies pour la destruction des services publics, pour l’atrophie de l’hôpital et s’étonner que ça marche mal quand on est face à une crise majeure. Il y a un moment ou ceux qui nous ont amenés ici doivent assumer la cohérence de leur vision du monde. Et ce n’est pas seulement un problème de moyens en diminution, mais de vision : il y a cette culture gestionnaire qui a oublié l’essentiel – c’est une vision ou on coche des cases dans un tableau Excel et de satisfaire à des indicateurs arbitraires ou on associe le pire du pire ou on mêle à la fois une bureaucratie presque stalinienne avec d’autre part des visées libérales…

De la vision autoritaire sur les réponses à apporter

AB : Ca dépend ce qu’on appelle autoritaire. Il peut y avoir une solution autoritaire choisie. J’avoue ne pas croire du tout au pilotage démocratique et au référendum sur chaque question. On ne peut pas demander à des gens qui n’y connaissent rien d’avoir un avis sur tout. Prenez un exemple très politique : imaginez qu’un réfugié syrien demain commette un meurtre en France, on fait un référendum, le peuple de France va dire à 80% : renvoyez tous ces salauds chez eux et fermez les frontières ! Et ça sera une politique d’extrême droite, très populiste. Mais une solution autoritaire qui serait contre l’avis des peuples ne marcherait pas non plus. Mais il peut y avoir une solution autoritaire choisie. Exactement comme en ce moment par exemple. Tout le monde est d’accord pour qu’on ait des lois qui nous contraignent. Mais ces lois contraignantes sont quand même choisies par la majorité. Nous nous soumettons à ces lois que nous avons choisies. Avec le problème écologique il faut inventer un nouveau droit. C’est autoritaire au sens ou effectivement si vous avez envie de polluer en roulant avec votre 4x4 en centre-ville on vous dit non ! 

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