29 janv. 2022

Visiteurs d’hiver - Les roitelets

 

Roitelet triple-bandeau (photo par Axel)

La migration des oiseaux est un phénomène complexe[1]. A chaque espèce son comportement et parfois, au sein d’une même espèce, on peut trouver des attitudes très différentes. Par exemple certains oiseaux vont décider de migrer tandis que d’autres choisiront de rester hiverner dans leur zone de reproduction – le pari est hasardeux. D’ailleurs, ce phénomène tend à s’amplifier avec le dérèglement climatique. C’est le cas entre autres chez la fauvette à tête-noire.  

 


Sous nos latitudes, nous avons au printemps les passages d’oiseaux ayant hivernés au sud. Certains s’arrêtent chez nous pour se reproduire, tandis que d’autre ne feront qu’une simple halte migratoire. De quelques jours à quelques semaines, avant de repartir vers leurs ères de reproduction. Le même phénomène se produit dans l’autre sens à l’automne.

 

Ainsi les oiseaux que nous appelons les visiteurs d’hiver, sont des oiseaux qui se reproduisent en général (mais pas toujours) plus nord et qui viennent passer la mauvaise saison chez nous. Certaines espèces de ces oiseaux ne sont donc visibles dans nos contrées qu’en hiver. D’autres sont aussi présentes le reste de l’année, mais avec des effectifs beaucoup plus faibles.

 

Les roitelets huppés et à triple-bandeau font partie de cette dernière catégorie. Ces deux espèces, si elles sont présentes toute l’année et se reproduisent en Haut-de-France[2], en hiver les effectifs d’oiseaux explosent, avec l’arrivée de contingents plus nordiques.

Aussi arrive-t-il souvent en hiver, au promeneur attentif, de croiser des petites bandes oiseaux minuscules, à la dominante verte, peu farouches mais très mobiles, voletant des branches en branches avec une vivacité extraordinaire – ils font parfois des vols sur place, de quelques secondes, à la façon des colibris.

Les roitelets, d’un poids de 5 à 6 grammes, sont les plus petits oiseaux du Paléarctique. Chez nous, le roitelet triple-bandeau est beaucoup plus rare que son cousin le roitelet huppé, que l’on rencontre un peu partout. Dans les forêts, mais aussi les parcs et les jardins, même des grandes villes. Son chant est un trille très aigue assez caractéristique.

Quelle ne fut donc pas ma surprise (et ma joie), lors d’une virée « miroise » hier après-midi dans une petite forêt des allentours de Lille de croiser à trois reprises, dans des secteurs forestiers différents, des couples de roitelets triple-bandeau, et de parvenir, à force de persévérance, à prendre quelques photographies satisfaisantes.

Reste une question : j’ai peut-être eu beaucoup de chance, mais plus surement je dois ces observations à densité de roitelets triple-bandeau plutôt inhabituelle – et, par contre n’avoir pas croisé le moindre roitelet huppé, interroge dans l’autre sens. Bref, d’un cas particulier on ne peut pas tirer de conclusions générales – je vais juste laisser décanter ces informations dans un coin de ma tête.

 

Roitelet triple-bandeau (photo par Axel)

Pour finir, cette fable, « L’aigle et le roitelet », dont il existe plusieurs variantes …

En voici deux (on en tirera la morale que l’on souhaite)

 

Roitelet huppé (photo par Axel)

« Un jour il y eut une grande dispute entre l'aigle et le roitelet.

Vous direz que la dispute était étrange et devait être inégale, car entre un oiseau aussi puissant et aussi terrible que l'aigle et un tout petit roitelet de rien du tout, on pourrait penser que la lutte serait bientôt terminée.

Voici quel était l'objet de leur contestation. Ils avaient parié à qui volerait le plus haut. Tous les oiseaux du royaume d'oisellerie devaient assister au tournoi ; le vainqueur devait être proclamé roi.

Vous pensez si l'aigle se mit à rire en se présentant pour lutter avec le roitelet. Mais le roitelet, lui ne riait pas ; il était même tout à fait sérieux.

On donne le signal : un, deux, trois ! Les deux rivaux partent ensemble, mais d'une façon différente. L'aigle s'était envolé en faisant de grands cercles suivant sa coutume ; quant au roitelet, il était monté tout droit dans les airs.

Lorsque l'aigle fut arrivé à sa hauteur, le petit roitelet, qui se sentait fatigué et qui allait être distancé par l'aigle, se posa tout bonnement sur son dos. Les plumes de l'aigle sont si épaisses, sa peau si dure, et de plus le roitelet est si petit, si petit, si léger, que l'aigle ne sentit rien du tout.

Cependant l'aigle continue à voler de toutes ses forces ; il atteint des hauteurs inaccessibles, si bien qu'il finit à son tour par être fatigué et qu'il crie :

"Ah ça ! où es-tu, petit roitelet ? Je pense que tu es à trois mille pieds au-dessous de moi et que tu as renoncé à la lutte ?

- Mais non, mon ami, répondit le roitelet. Je suis juste au-dessus de toi."

Et c'était la vérité. L'aigle, trop las pour continuer, dut s'avouer vaincu, et céder pour une année son tour de royauté au roitelet, qui fut, comme son nom l'indique, le plus petit roi que les oiseaux aient eu. »

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Roitelet triple-bandeau (photo par Axel)

"Aux temps lointains où les oiseaux parlaient encore, ils décidèrent un beau matin de se choisir un Roi.

A cet effet, ils convoquèrent une grande assemblée générale.

Ils discutèrent si longtemps et si bruyamment que leurs palabres s'entendirent à des lieues à la ronde.

Finalement, il fut décidé de faire un concours :

Celui qui volerait le plus haut dans le ciel serait le Roi.

Les oiseaux, tout comme les humains, possèdent aussi un petit "ou un grand" fond d'orgueil ; la plupart estimèrent donc avoir de bonnes chances de l'emporter et s'inscrivirent au concours.

Pendant des jours et des jours, on s'exerça dans tous les coins.

Quand enfin la date fatidique arriva, toute la bande s'éleva dans les cieux dans un chambard de Dieu le Père.

Froissements d'ailes, cris, pépiements, et même, Dieu leur pardonne, quelques injures. Ce fut un bruit de fin du monde...

La lumière du soleil en fut tout obscurcie. Mais cela ne dura pas très longtemps. Très vite, la plupart des oiseaux redescendirent aussi rapidement qu'ils étaient montés et hors d'haleine essayèrent de retrouver leur souffle.

Mais alors que la masse des concurrents fondait à vue d'oeil et que quelques Aigles majestueux continuaient imperturbablement à monter, un petit oiseau, sans que personne ne le vît, s'était installé confortablement dans la queue d'un Aigle Royal et sans se fatiguer le moins du monde, montait avec lui jusqu'à des hauteurs insoupçonnées.

Un oiseau ne pèse que quelques grammes, l'aigle ne pouvait se rendre compte de sa présence.

Il fut bientôt évident que l'Aigle serait le vainqueur du concours. Sans effort apparent, porté par des ailes puissantes, il montait sereinement vers le soleil. Il fit encore trois ou quatre petits tours d'ascension puis certain de sa victoire, se laissa doucement planer vers le bas.

Mais alors qu'il entamait sa descente et que la foule l'acclamait déjà, le petit oiseau brunâtre surgit de son plumage.

D'un vigoureux coup de ses courtes pattes, il quitta son transporteur involontaire et parvint à s'élever encore.

Fou de joie et d'orgueil, il se mit à crier : "Je suis le Roi ! Je suis le Roi !".

Il ne revint sur terre qu'un bon moment après l'Aigle. Tout le monde put alors constater de visu que le petit oiseau avait réellement approché le soleil de très près : les bouts de ses ailes en étaient roussis. C'est une chose qu'on peut d'ailleurs encore constater aujourd'hui.

Mais une victoire obtenue par ruse n'en est pas moins une victoire.

Le titre revenait à l'oiseau mais comme il était tout petit, on l'appela le petit Roi ou ROITELET.



[1] Pour qui le sujet intéresse, je conseille vivement le de Maxime Zucca, « La migration des oiseaux », ouvrage très complet et agréable à lire – également fort bien illustré.

[2] Voir l’excellent « Les oiseaux nicheurs du Nord et du Pas-de-Calais (Biotope édition – 2019). Les effectifs nicheurs pour le roitelet huppé sont estimés à environ 7000 couples, et pour le roitelet à tripe-bandeau, beaucoup plus rare, à 1200 couples.

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