Vue du forum, depuis le musée Capilontin ( Photo par Axel) |
Par un mardi de début avril, jour
de grand bleu, se rendre tôt sur les traces des romains de l’antiquité. Et
contempler les restes d’une civilisation qui se pensa éternelle, croyance fort
répandue mais toujours détrompée. Qu’on se le tienne pour dit !
Entrons, dans l’aire circonscrite
par les nécessités modernes[1],
du côté de l’arc de Titus, situé pas très loin du colisée et érigé par Domitien
(81 après JC) pour célébrer les victoires de son frère à Jérusalem – et la
destruction du temple de ladite ville … De quoi faire le pendant avec l’arc
Constantin, cet empereur qui lui se convertira sur son lit de mort, en 337, à
la religion du crucifié.
Arc de titus (photo par Axel) |
Arc de Titus ( Photo par Axel)
A déambuler parmi ces ruines il
faut fournir un effort pour s’imaginer les bâtiments tels qu’ils furent au
temps de leur splendeur. A cela s’ajoute une autre difficulté. Ce que nous
contemplons désormais ce sont les restes de constructions étalées sur plus de
quatre siècles. Ce que voyait Jules César (-100/-44), n’est pas ce voyait
Hadrien (76/138), Marc-Aurèle (121/180) ou Dioclétien (244/311). Que cela ne
nous empêche pas de laisser filer le fil de nos rêveries …
Mais poursuivons notre chemin.
Une fois passé l’arc de Titus, descendons vers la voie sacrée pour longer la
basilique de Maxence et se planter devant le temple d’Antonin et Faustine
(construit vers 141) et qui sera transformé en église au Moyen-Age – tout se
recycle, il n’est qu’à voir le destin de Sainte-Sophie à Istanbul[2].
Ce même Antonin qui fera ériger une muraille célèbre dans ce qu’on appelait
alors la Bretagne.
Vue sur le temple d'Antonin et faustine (photo par Axel) |
De là aller visiter la maison des vestales, ces vierges choisies dans les plus grandes familles patriciennes et chargées de veiller à l’entretien du feu sacré de Vesta, la déesse du foyer et de la famille. Il ne reste aujourd’hui que quelques murs adossés au mont Palatin, de ce qui fut autrefois un complexe qui comprenait à la fois le temple de Vesta et les habitations des servantes du culte, logement organisé autour d’un atrium central. Jadis alignées sous le portique entourant la cour, se tiennent encore debout quelques statues des Grandes vestales, certaines décapitées… « Mais pourquoi est-ce que ces figures de vestales nous plaisent toujours »[3], s’interroge Diderot. A chacun sa réponse …
Maison des vestales (photo par Axel)
Statue de vestale (Photo par Axel)
S’ouvre ensuite à la visite le temple d’Auguste, jouxtant l’église Santa Maria Antiqua, construite au Ve siècle et décorée de fresques de style byzantin, et dont s’apprécie la fraicheur à l’heure du zénith. Il sera dès lors loisible de secouer la poussière de nos semelles en direction de la place du forum et d’y poser un peu. De tourner notre regard vers le temple de César, inauguré par Auguste en 29 av JC, puis admirer les colonnes et une partie de l’entablement du temple de saturne, de loin le plus ancien du forum romain (construit vers 498 av JC). De la basilique Julienne il ne reste pas grand-chose et l’on peine à concevoir que ce fut là le lieu des réunions, des procès et quelques autres activités civiques …
Dans le forum, en excellente compagnie (photo par Axel) |
Mais partons en direction de la
curie, le bâtiment où se réunissait le Sénat romain. Et d’imaginer quelques
figures célèbres y déambuler alentour, en toge. Marc-Antoine, Cicéron, Tacite
ou encore Brutus, tristement célèbre pour avoir participé à l’assassinat de César…
Cicerón denuncia a Catilina, por Cesare Maccari
Une fois contournée la curie on passera
dans un dédale souterrain, filant sous la voie contemporaine qui coupe en deux
la zone archéologique, la via dei Fori Imperiali inaugurée par Mussolini,
pour arriver au pied de la colonne Trajane, située dans le forum du « meilleur
des empereurs romains ». Ce forum, proche de celui d’Auguste et celui
de César, sera d’ailleurs le dernier construit à Rome (entre 106 et 113).
Mais ce périple tranquille est
loin d’être achevé, car de là rebroussons chemin en direction de la basilique Emilienne,
à la rencontre de quelques corneilles mantelées venues inspecter les lieux. Le
mot de basilique pose d’ailleurs question aux oreilles modernes, car nous y
entendons d’ordinaire un édifice religieux. Dans la Rome antique il n’en est
rien et le bâtiment, en général de forme rectangulaire, fait à la fois office
de tribunal, de bourse de commerce et même de lieu de promenade.
Corneille mantelée, dans le forum (photo par Axel)
Reprenons ensuite la voie sacrée
et remontons vers le Palatin, l’une des sept collines de Rome, passant sous les
ombrages des jardin Farnèse, créés au XVIe siècle sur l’emplacement des ruines
du palais de l’empereur Tibère. Et de découvrir des espaces considérables qui
mèneront le flâneur du temple de la Magna Mater à la Domus Augustana et
son immense stadium.
Enfin revenir admirer une dernière fois, en surplomb depuis la terrasse des jardins, le forum antique et s’y perdre en rêveries avant de se tourner vers le colisée. Et résolument s’y engager.
Vue du forum depuis le Palatin (photo par Axel) Vue du forum depuis le Palatin (photo par Axel)
Sur ce colisée on a tant écrit ; nous n’allons pas ici en rajouter une louche. Y mettre les pieds est en revanche une expérience singulière. L’ampleur de cet amphithéâtre certes impressionne, mais l’on peut difficilement ne pas être aussi un peu déçu. Bien sûr il y a beaucoup trop de visiteurs pour pouvoir pleinement savourer les lieux. Mais c’est aussi je crois le lot de tous les endroits trop célèbres. Le réel ne peut y être à la hauteur des attentes. Ceci dit, il faut tenter d’imaginer ce que pouvaient être les spectacles donnés à l’époque impériale dans cette arène qui pouvait accueillir plus de 50.000 spectateurs. On pense évidemment aux spectacles de gladiateurs, mais pas seulement. Passant on pourra lire avec profit l’excellent ouvrage d’Éric Teyssier, « La mort en face, le dossier gladiateur » - l’auteur était venu sur les ondes de France Culture en 2010 dans l’émission Le salon noir. On trouvera sur cet espace une transcription partielle de l’entretien.
Le colisée (photo par Axel) |
Quoi qu’il en soit on prendra
plaisir à découvrir les machineries qui étaient alors situées sous l’arène pour
permettre la mise en place des décors, l’arrivée aussi des combattants et des
animaux.
Avant de refluer, lorsque le
soleil s’affaisse sur le forum, des arches du colisée on posera enfin les yeux sur
le temple de Venus, dont la construction remonte au règne d’Hadrien. La vue
donne sur la terrasse et les colonnes du péristyle. Puis il faudra bien se
résoudre à s’éloigner, non sans savourer le calme du parc del Colle Oppio e
delle terme di Traiano, d’y rencontrer des bandes de serins cini et de se
dire que l’on reviendra !
[1]
Il y a bien sûr l’aspect mercantile de l’affaire mais pas que … Imaginons qu’il
soit possible de laisser se déverser dans le cœur du forum antique, la foule
considérable des badauds, ces vénérables vigies d’une histoire trépassée,
vieilles de deux millénaires, seraient anéanties en quelques années. Et puis,
il y a déjà bien assez de monde comme cela !
[2] Voir le
billet : A Constantinople, sous les voutes de Sainte Sophie : Dandolo et
la quatrième croisade.
[3] Diderot,
Salon de 1765. Citation trouvée en introduction d’un article de Michel Delon
intitulé « Mythologie de la Vestale » https://www.persee.fr/doc/dhs_0070-6760_1995_num_27_1_2041