Montaigne, une vérité singulière (Jean-Yves Pouilloux) |
Dans le château de Montaigne (photo par Axel) |
"L'an du Christ 1571, à l'âge de 38 ans, la veille des calendes de mars, anniversaire de sa naissance, Michel de Montaigne, depuis longtemps déjà ennuyé de l'esclavage de la Cour du Parlement et des charges publiques, se sentant encore dispos, vint à part se reposer sur le sein des doctes vierges, dans le calme et la sécurité. Il y franchira les jours qui lui restent à vivre. Espérant que le destin lui permettra de parfaire cette habitation, ces douces retraites paternelles, il les a consacrées à sa liberté, à sa tranquillité et à ses loisirs"
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« Pour des générations de lecteurs, Montaigne a représenté la
douce sagesse légèrement distante et désabusée, dans la retraite au sein des
Muses, profitant de l’otium antique bien préférable aux affaires, sagesse au
nom de laquelle une distance confortable et tranquille pouvait être atteinte,
acquise et justifiée, à l’égard des embarras de l’existence, des tracas de la
vie quotidiennes, des difficultés d’une société déchirée par les guerres
civiles, les atrocités perpétrées par les fanatiques des deux camps, les
ravages de la passion partisane, les deuils, l’épidémie de peste, les troubles
de l’âge, les souffrances d’une maladie mortelle, le souci d’une terre sans
héritier mâle, bref un ensemble d’ennuis susceptibles de troubler l’âme la
mieux trempée ».
Voilà un incipit qui tient au
corps.
Chapitre inaugural ou l’auteur va
s’efforcer de dessiner l’habit d’un Montaigne moins lisse, pérégrination à sauts
et à gambades, avec un manteau secoué de la poussière de « l’onctuosité tout ecclésiale d’une bonhomie
tranquille ».
Loin des lectures lénifiantes des
Essais, il nous est ici présenté un Montaigne
dont le scepticisme ne se réduit pas à une crise pssagère, et donc « ne se surmonte pas mais se poursuit
inlassablement »
« Je ne peints pas l’estre. Je peints le passage », dit le
périgourdin ; ancré, mais d’un ancrage flottant qui nous plonge dans « l’ordre des choses contingentes, et non dans
celui des vérités substantielles ».
D’où l’imparable constat : « …je
change tant que je ne me reconnais plus, que je m’étonne des portraits de ma
forme d’autrefois. ‘ Moy à cette heure et moy tantost sommes bien
deux ; mais quand meilleur je ne puis rien dire’ ».
Disons autrement les choses,
reprenant « tout ce passage ajouté pour l’édition de 1588 au chapitre 1er
du livre II » :
« Non seulement le vent des
accidents me remue selon son inclination : mais en outre, je me remue et
trouble moy mesme par l'instabilité de ma posture ; et qui y regarde primement,
ne se trouve guère deux fois en mesme estat. Je donne à mon âme tantost un
visage, tantost un autre, selon le costé où je la couche. Si je parle
diversement de moy, c'est que je me regarde diversement. Toutes les contrariété
s'y trouvent, selon quelque tour, et en quelque façon : Honteux, insolent,
chaste, luxurieux, bavard, taciturne, laborieux, délicat, ingénieux, hébété,
chagrin, débonnaire, menteur, véritable, savant, ignorant, et libéral et avare
et prodigue : tout cela je le vois en moy aucunement, selon que je me vire : et
quiconque s'estudie bien attentivement, trouve en soy, voire et en son jugement
même, ceste volubilité et discordance. Je n'ay rien à dire de moy, entièrement,
simplement, et solidement, sans confusion et sans mélange, ni en un mot. DISTINGO,
est le plus universel membre de ma Logique. »
Notre histoire, nos souvenirs ?
« Cette apparence soi (…) reconstruit sur les regards des assistants et
sur leurs récits ; en sorte que la continuité du récit ‘se paye d’une
certaine trahison de l’expérience’ »
« Si les autres se
regardoient attentivement comme je fay, ils trouveraient, comme je fay, pleins
d’inanités et de fadaises »
Bonjour Axel,
RépondreSupprimerIl y a un gadget blogger intitulé: Champ de recherche (Permettez aux visiteurs d'effectuer des recherches dans votre blog, votre blogroll et toutes les autres pages auxquelles vous êtes lié.)
Il me semble que vous avez rédigé il y a quelque temps un article où il est question du sycophante. Je recherche cet article...
Très bonne journée,
Alf
Bonjour Alfonso,
RépondreSupprimerJ’ai bien mis le gadget, mais il était en bas de la page ; je viens de le remonter… Mais cela ne donne rien sur le mot sycophante…
Du coup j’ai pensé à mon ancien blog… Et pas mieux (mais avec overblog je ne suis qu’à moitié étonné).
Je me souviens vaguement avoir utilisé ce mot, mais je ne sais plus dans quel contexte… Je ne lâche pas l’affaire.
Amicalement
Oui, mais à force de regarder "inanités et fadaises".... j'essayerai bien quand même de regarder encore mieux, pour voir si dans tout ce fatras, il n'y aurait pas aussi du bon. :)
RépondreSupprimerTrêve de plaisanterie, cette philosophie est très "théâtrale"... On peut dire que si un acteur est un acteur c'est parce qu'il a en lui toutes les facettes des personnages qu'il traverse ou traversera. On trouve également cette idée chez Pirandello, dans ton son théâtre ce qui se dit en filigrane c'est que le moi est une illusion et qu'il varie au gré des circonstances. (j'écris sans lunette, il va y avoir des fautes).
Bonne journée, cher Axel
Carole
Montaigne est un moderne : " J'ay veu de mon temps merveilles en l'indiscrete et prodigieuse facilité des peuples à se laisser mener la créance et l'esperance où il a pleu et servy à leurs chefs, par dessus cent mescontes les uns sur les autres, par dessus les fantosmes et les songes. Je ne m'estonne plus de ceux que les singeries d'Apollonius et de Mehumet embufflarent. Leur sens et entandement est entierement estouffé en leur passion. Leur discretion n'a plus d'autre chois que ce qui leur rit et conforte leur cause". (De mesnager sa volonté)
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