Musée d'anthropologie de Mexico (Photo par Axel) |
En cette période de la fin d’un monde, et tandis quelques hurluberlus investissent les pentes du Pech de Bugarach, plutôt que de sombrer dans l’hystérie apocalyptique, ou, tout à rebours, le dédain blasé, il m’est apparu plus ludique d’évoquer ce fameux calendrier maya au travers d’un petit amusement consistant à calculer et traduire sa date de naissance - ou tout autre événement du choix de chacun - en maya .
Un peu d’histoire est ici nécessaire.
Mais évoquons tout d’abord la notion de temps.
Si, selon les traditions, les civilisations optèrent soit pour une conception du temps linéaire, soit plutôt pour une conception cyclique, puisque de temps il s’agit, encore faut-il s’entendre sur ce que recouvre ce mot fort connoté. Etienne Klein, dans son excellent ouvrage Les tactiques de Chronos, pose les bases de la réflexion : « Le temps est seulement ce qui permet qu'il y ait des durées. Il est cette machine à produire en permanence de nouveaux instants. Il fabrique la succession d'instants et nous ne percevons en réalité que ses effets ».
Palenque (Photo par Axel) |
Si dans les civilisations premières, basées sur l’observation de la nature les conceptions cycliques du temps dominent, avec les physiciens nous entrons dans un temps linéaire, irréversible, et respectant le principe de causalité.
Reste le temps psychologique, le temps tel que perçu, mais c’est un autre débat.
Le calendrier dans lequel nous baignons, et qui nous apparaît si familier, en est réalité complexe. C’est qu’il conjugue tout à la fois des notions de cycles et de linéarité. Cyclique il l’est à travers la répétition des semaines, des mois et des saisons. Mais il est aussi inscrit dans la durée, avec une flèche du temps irréversible. Enfin, nous comptons le temps à partir d’un instant zéro choisit arbitrairement.
Ce système de calendrier, en son principe, est comparable à celui des mayas. Dans les grandes lignes les différences sont de deux ordres : d’une part les mayas comptaient de 20 en 20 (au lieu de 10 en 10 pour nous). D’autre part ils avaient deux calendriers imbriqués. Un calendrier profane, dit « vague » et un calendrier cérémoniel.
Aujourd’hui, les études archéologiques et historiques permettent d’affirmer, d’une part, que « l’intérêt des Mayas pour les dates qu’ils inscrivaient sur leurs stèles ne traduisait pas un culte du temps, mais exprimait le souci d’inscrire dans la durée le règne de leurs souverains. » (1); d’autre part qu’ils n’étaient pas astronomes mais astrologues et que « la complexité qui résulte de la combinatoire de multiples cycles est fonctionnelle ; elle permet au devin de choisir entre une multitude d’alternatives, les unes favorables, les autres non, et de contrarier les destins trop adverses ».
Entrons dans le vif du sujet
Les mayas avaient donc deux calendriers dont l’origine est à rechercher chez les Olmèques (base commune de tous les calendriers méso-américains)
Le Tzolkin
Le premier de ces deux calendriers est un calendrier divinatoire et cérémonie, appelé tzolkin. Sa durée est de 260 jours.
S’y combinent 20 noms de jours (imix, ik, etc…) aux chiffres allant de 1 à 13.
Dans ce système, le même jour, ne réapparaît qu’au terme de 13 x20 jours.
La Haab
Le second calendrier, nommé haab, est un cycle solaire dit « vague » qui comprend 360 jours (18 mois de 20 jours) + 5 jours, souvent considérés comme néfastes.
Inscription des jours dans les deux calendriers
Un jour est défini à la fois par sa position dans le tzolkin et dans le haab.
Les cycles de tzolkin et du haab se combinent sur le modèle d’une roue dentée imbriquées et il faut attendre 52 années vagues ou 73 cycles cérémoniels pour que la désignation d’un jour dans les deux cycles se répètent : c’est la roue du calendrier.
(Pour déduire ces deux nombres – 52 et 73 – il faut trouver le plus petit commun multiple, ici 5. 365 / 5 = 73 et 260/5 = 52)
Le compte long
Afin de pouvoir inscrire leur histoire dans la durée les mayas ont inventé le compte long (ils comptent de 20 en 20 et non de 10 en 10). Ainsi le décompte des jours se défini en cinq unités de comptes distinctes, multiples de 20
1 Baktun = 144 000 jours
1 Katun = 7200 jours (soit près de 400 de nos années)
1 Tun = 360 jours
1 Uinal = 20 jours
1 Kin = 1 jour
Nota : des unités de temps encore supérieures au Baktun ont été découvertes. Ainsi le pictun qui fait 20 baktuns, soit près de 7885 de nos années. On a même identifié l’alautun, soit 8000 pictuns (unité qui frise l’inconcevable)
Point de départ du grand cycle
Cette date fameuse, dans le compte long, s’écrit : 13.0.0.0.0 4 ahau 18 cumku.
(4 ahau est le jour de ce point de départ dans le calendrier rituel et 8 cumku, le même jour représenté dans le calendrier « vague »)
La correspondance dans notre calendrier est le 11 août 3114 av. J.-C (date maya : 4 ahau 8 cumuk)
Il est probable que cette date corresponde symboliquement à une nouvelle création du monde ( 13 baktuns = 1872 000 jours, soit 5124,37 années)
Ce point de départ du grand cycle (qui est encore le nôtre jusqu’au 21 ou 233 décembre 2012, selon les comptes), établi au jour mythique du 4 ahau 8 cumku de l’an 3114 av JC correspond à une antiquité très supérieure à toute présence maya et pour l’heure n’est relié à aucun événement.
Exemple du calcul d’une date dans le compte long
9.17.0.0.0 13 ahau 18 cmuku signifie que depuis le point 0 se sont écoulés 9 baktuns (9 x 144 000 jours) 17 katuns (17x 7200 jours) 0 (le reste) pour atteindre le jour donné, soit le 13 ahau 18 cumku.
Temps linéaire et temps cyclique
Ainsi se conjugue, dans l’imbrication des deux calendriers maya, le Tzolkin et le Haab, avec cette date mythique de départ du Grand Cycle, à la fois un temps linéaire et un temps cyclique.
Ce grand cycle long de 1872 000 jours ou 5124,3661 années apparaît comme ainsi une sorte de compromis entre temps linéaire (parce assez long) et temps cyclique (parce que durée finie).
Calculer sa date de naissance en maya
Date choisie : 12 mars 1993
Tout d’abord il faut convertir la date choisie en son équivalent en nombre de jours du calendrier julien, en usage jusqu’à l’adoption de notre calendrier actuel.
Facteur corrélation : 01 janvier 2000 = 2 451 545 jours
A ce chiffre, pour atteindre le 12 mars 1993, il faut retrancher le nombre de jours écoulés avant le référentiel du 01 janvier 2000, donc :
Oter 7 x365 pour arriver au 01 01 1993 puis ajouter 1 jour (année bissextile 1996) et enfin ajouter 71 (le 12 mars est le 71ième jour de l’année).
Le résultat est : 2 451 545 + 1 + 73 – (7x265) = 2 449 064
[Pour ceux qui préfèrent directement aller au résultat, il existe sur la toile des calculateurs automatiques, où il suffit de saisir la date que l’on souhaite obtenir en calendrier julien – d’un calculateur l’autre il peut y avoir quelques jours d’écart]
Maintenant convertissons notre résultat en maya :
On enlève à ce chiffre une constante de corrélation de 584 283 jours et ce total est divisé par chaque unité de temps maya
2 449 064 – 584 283 = 1 864 761
Baktun : 144 000 jours
Katun : 7200 jours
Tun : 360 jours
Uinal : 20 jours
Kin : 1
Ici donc 1 864 761 / 144 000 = 12,97
(reste 1 864 761 – 12 x 144 000 = 136 761)
On obtient : 12 baktum
136 761 / 7200 = 19
(reste 136 761 – 18 x 7200 = 7161)
On obtient : 18 katun
7161 / 360 = 19,89
(reste 7161 – 19x360 = 321)
On obtient 19 tun
321 / 20 = 16,05
(reste 321 – 16x20 = 1)
On obtient 16 uinal et 1 kin
D’ou la date 12.18.19.16.1
Chichen Itza (photopar Axel) |
Les calculs des jours rituels de l’année solaire s’obtiennent par des divisions par 13 20 et 365
Bon le résultat peut ici également directement s’obtenir via un calculateur, mais il est toujours bon de comprendre le mécanisme, la méthodologie, qui y amène les écarts proviennent des arrondis).
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(1) Pour ce billet je me suis largement adossé sur deux excellent ouvrages consacrés aux mayas. D’une part, Les Mayas, avec des textes d’Eric Taladoire paru aux éditions Chêne. D’autre part un guide des Belles Lettres intitulé également, avec originalité, Les mayas, et écrit par Claude-François Baudez.
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