Les mots sont courts....
Blogue Axel Evigiran
La dispersion est, dit-on, l'ennemi des choses bien faites. Et quoi ? Dans ce monde de la spécialisation extrême, de l'utilitaire et du mesurable à outrance y aurait-il quelque mal à se perdre dans les labyrinthes de l'esprit dilettante ?
A la vérité, rien n’est plus savoureux que de muser parmi les sables du farniente, sans autre esprit que la propension au butinage, la légèreté sans objet prédéterminé.
Broutilles essentielles. Ratages propices aux heures languides...
29 déc. 2017
23 déc. 2017
Camiros, Κάμειρος ou Kámeiros... Selon l'humeur
Les ruines de Camiros (photo par Axel) |
Il bon, par les temps de froidure, de raviver
la flamme des visites printanières en des lieux gorgés de soleil et de
magie ; se réchauffer à l’évocation de fauvettes mélanocéphales perchées
dans la chaleur, suspendues au-dessus des songes lancinant des époques
d’antan ; à s’égosiller parmi des éboulis d’une cité qui fut jadis, avec Lalysos
et Lindos, l’une des trois villes fondées par les Doriens sur l’île de Rhodes.
Les ruines de Camiros (photo par Axel) |
Les ruines de Camiros (photo par Axel) |
Fauvette Mélanocéphale (photo par Axel) |
Dans l’Iliade Homère évoque la « blanche
Camire ».
Expression propre à susciter des flots de songeries. Des ailleurs
« ailés », où l’on se prend
à imaginer ces « guerriers commandés
par Tlépolème, habile à manier la lance »[1],
quitter le mouillage habités d’un serrement au cœur ; avec ce dernier
regard sur la colline ayant vu pousser leurs jeunes ans. Car Camiros se trouve
suspendue sur les pentes d’un coteau verdoyant planté par-dessus la rive
occidentale de l’île de Rhodes.
Les ruines de Camiros (photo par Axel) |
Les ruines de Camiros (photo par Axel) |
Des neuf vaisseaux appareillés par les
Rhodiens pour la guerre de Troie combien reviendront ? Nul ne le sait. Les
voyages sans retour ne sont pas rares. Mais là, embarqués dans de vaines
espérances de gloire, pour la beauté d’une femme, à savoir la mort si proche la
soldatesque frissonne…
Des ici et maintenant sous le bleu du ciel, alors
que le ciel d’hiver, si blanc et si triste des Hauts de France glace les sangs.
Parcourir de mémoire les ruines Camiros…
Celles des époque hellénistique et romaine telles qu’elles se laissent
admirer aujourd’hui.
Les premières fouilles systématiques sur le
site remontent au XIXe siècle (1859-1864), puis reprirent durant la période de
l’occupation italienne, de 1928 jusqu’au milieu de la seconde guerre mondiale.
Les ruines de Camiros (photo par Axel) |
Les ruines de Camiros (photo par Axel) |
Marcher de l’agora vers le temple d’Apollon,
les yeux dans le vague. Puis rêver dans le sanctuaire à ciel ouvert situé juste
à côté… Admirer les inscriptions, ces ex
voto dédiés à des dieux enfouis depuis longtemps… Se perdre ensuite dans
les allées et grimper la colline par un chemin de traverse, et tout surplombant
l’artère centrale et les quartiers résidentiels, imaginer des ailleurs dans le
temps…
Tout passe.
Les ruines de Camiros (photo par Axel) |
Les ruines de Camiros (photo par Axel) |
Les ruines de Camiros (photo par Axel) |
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Pour aller plus loin :
23 nov. 2017
L’homme surnuméraire de Patrice Jean
J’ai aimé l’homme surnuméraire de patrice Jean Et s’il vaut mieux ne pas être au
fond du trou pour lire ce roman féroce, décrivant avec une subtilité
chirurgicale les affres du monde comme il va, rien ne s’oppose à déléguer à
autrui le soin d’en parler – voire d’aller écouter ce que l’auteur a à nous en dire :
ainsi dans cette émission de Réplique, A la recherche du temps présent…
Quelques citations prises à la volée suffiront ici :
L’aliénation par le travail, en déliant les hommes de leurs préoccupations
personnelles, sauve ces derniers du vide et de la médiocrité contemplée,
médiocrité qui acculerait beaucoup d’entre eux à la dépression et au suicide
P 10
La vertu n’est
pas de ne pas concevoir d’impurs désirs, mais de savoir les maîtriser.
P 31
Je l’écoutais
tout me demandant s’il croyait vraiment à ces bêtises. J’avais toujours été
frappé par le dogmatisme bébête des philosophes, du moins des professeurs de
philosophie que j’avais rencontré.
P 71
N’être plus
rien, quand on est moins que rien, c’est une authentique promotion.
P 104
Il en était
pour Chantal comme pour ces condamnés à mort qui, trois heures avant l’exécution,
continuent de papoter, de parler de la couleur du ciel, de fumer, de ranger
leurs affaires, de vivre tout simplement, alors qu’ils n’existeront plus à la
fin du jour.
P 212
Nous prévoyons
le pire pour amortir nos chagrins si le malheur advient.
P 226
S’il est un
mérite aux vacances, c’est de détacher les hommes de la fascination de l’actualité,
du déversoir ininterrompu des informations, de l’Histoire, des luttes
politiques ou syndicales. Ils aperçoivent alors, derrière le voile des
événements, la vie pure et simple. A la
vérité cette expérience est battue en brèche,
aujourd’hui, par l’omniprésence , même dans le désert saharien, des radios ou d’internet.
P 229
Les lettrés sont des amateurs, des amoureux, des passionnés,
jamais ils ne prétendent tenir une
position extérieure, neutre et scientifique … (…) Je me demande parfois si nous
n’accordons pas une place démesurée à la connaissance, en oubliant que celle-ci
doit-être subordonnée à l’intensité de la vie.
P 232 et 246
Combien ai-je vécu de ruptures ? Je sais ce qu’il en est de
la détresse amoureuse. Je comprends la vôtre.
Pourquoi souffrons-nous de la fragilité des choses, alors que la
fragilité est la Loi du monde ? J’ai le sentiment que nous ne sommes pas
faits pour la vie, que l’homme n’est pas à sa place sur ce globe terrestre, que
rien n’est à sa place…
P 255
19 nov. 2017
Ruin bars in Budapest… Szimpla Kert, etc.
Au szimpla Kert (photo par Axel) |
Implantés dans l’ancien quartier
juif de Pest, les « Ruin bars »
sont l’incontournable underground de la capitale hongroise.
S’ils ne figurent en général pas
(encore) dans tous les guides touristiques, il n’est pas rare, l’après-midi,
d’y croiser un groupe de touriste chinois, serrés autour de leur interprète –
cela fait aussi partie du folklore. Mais c’est le soir évidement qu’il convient
de hanter ces lieux interlopes. En novembre le crépuscule arrive vite et la
pinte de bière locale plafonne aux environs de 700 florins (2,2 €). Quoi de
mieux donc, après une journée de balade, ou un « free walking tour » dans les rues de la ville, que d’aller y
soigner son vague à l’âme ? A ces heures-là, il sera loisible de déambuler
tranquille dans les salles parfois vides, d’y soigner ses photographies, se
caler dans un reposoir pour lire quelques pages d’un auteur choisi, ou
s’étonner encore qu’un tel fatras puisse offrir un tel bouquet de saveurs
psychédéliques. Quant à ceux pris d’envies festives, nous leur conseilleront
plutôt de revenir hanter les lieux vers 22/23h.
Au szimpla Kert (photo par Axel) |
Au szimpla Kert (photo par Axel) |
Il existe à Budapest une bonne quinzaine de ces
Ruin bars. Implantés dans d’anciens immeubles plus ou moins abandonnés lors de
la période soviétique à la fin de la seconde guerre mondiale, on y pénètre en
général par un porche d’entrée qui se signale par une banale pancarte. A vu de
nez cela ne paye pas de mine. Mais fois entré c’est tout un univers qui se
dévoile. Un dédale de pièces et de couloirs, d’escaliers et de recoins, de
sous-sol, d’étages saturés de mobilier hétéroclites agencés d’une manière
désinvolte ; œuvres plus ou moins éphémères, fugitives, inachevée ou
modulaire à souhait. Des ambiances d’apocalypse à la Mad-Max aux néons mauves jouxteront
ainsi des décors tout droits sortis de Cartoon burlesques ; des antres saturés
d’objets de consommation des années 70, 80 ou 90 abriteront des recoins à la
Walking Dead donnant sur des escaliers d’acier suspendus à des patios
dégoulinant d’une jungle tropicale…
Au szimpla Kert (photo par Axel) |
Au szimpla Kert (photo par Axel) |
Au szimpla Kert (photo par Axel) |
Car ces dépotoirs organisés signent leur époque… Et
si on connait ses classiques, avec l’évocation par exemple ici[1]
d’Alice au pays des merveilles, on trouvera là[2]
une un énorme cétacé flottant sous le plafond… La constante de ces tanières
vouées aux plaisirs noctambules est le graffiti (il est bon d’avoir son
marqueur en poche). Il s’en trouve partout, du plus subtil au plus grossier, de
l’artistique au kitch approximatif. L’essentiel est d’y laisser sa trace !
Parmi les objets de récupération on trouvera de
vieux mannequins plantés derrière des bars factices, des vélos déglingués
accrochés aux murs, des miroirs troubles chargés de perles, une baignoire (culte)
transformée en fauteuil, des guirlandes assorties de couronnes colorées, des
reliques vintages de toutes sortes : vinyles, radiocassettes, affiches. Que
sais-je encore…
Au szimpla Kert (photo par Axel) |
La clientèle des Ruin bars est aussi cosmopolite que
bigarrée. Des naufragés, des badauds, des curieux, des bohèmes, des BCBG, des étudiants
en nombre. Une faune de jeunes, de moins jeunes, de franchement vieux, tous venus
des 4 coins du globe assouvir leur fantasme d’un monde alternatif et étancher
leur soif sur fond de brouhaha polyglotte ou domine l’anglais – sur lit de hongrois naturellement, mais d’espagnol
aussi, d’italien ou de français parfois… On s’enivre, on médite, on se
recroqueville, on rit, on se jauge on s’aime ou s’affronte en joute oratoire
sur le fil d’heures livrées à elles-mêmes – Tapissés de rêves et de l’esprit informulé
de déviances en devenir…
Parmi les établissements du genre
ou relèvera l’Instant, ses dédales à n’en plus finir et sa cour piste de danse ;
ou encore le Kuplung avec sa salle de concert ou transpirent les humeurs
hongroises… Il s’en trouve pour tous les goûts. Mais s’il fallait, faute de
temps, n’hanter qu’un seul Ruin bar, alors rendez-vous au plus fameux d’entre eux,
le premier à avoir vu le jour en 2002, je veux dire le Szimpla Kert. Et si une
seule virée ne suffit pas à étancher votre soif d’étrangeté enchantée, retournez y. Si cela ne
changera rien au fait que « le monde
n’est pas là pour nous faire plaisir », au moins cela enfoncera un
coin dans la monotonie des choses comme elles vont.
Au szimpla Kert (photo par Axel) |
Au szimpla Kert (photo par Axel) |
Au szimpla Kert (photo par Axel) |
Au szimpla Kert (photo par Axel) |
Au szimpla Kert (photo par Axel) |
9 nov. 2017
Flâneries de cimetières…
Kerepesi Cemetery (photo par Axel) [cliquer sur la légende pour grand format] |
Les villégiatures macabres réjouissent bien souvent
l’humeur tranquille du flâneur. Havres de paix au cœur des grandes cités, elles
déroulent leurs stèles, crucifix, colonnades ou mausolées dans des écrins de
verdure venus étouffer la frénésie du negotium[1]
et du consumérisme.
Avec la poésie des noms à demi-effacés, embrassés
par la danse des feuilles trépassées, papillons allant du jaune au rouge
cramoisi – car la meilleure saison pour visiter l’éphémère est l’automne avancé
-, tout invite à la rupture du fil des
préoccupations ordinaires.
Kerepesi cemetery (photo par Axel)
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Kerepesi cemetery (photo par Axel)
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S’abandonner à l’oisiveté, le regard flottant sur
le contour des statues. Formes amples ou ciselés à coup de serpe, parfois nimbées
d’une sensualité étrange… Comme s’il eut fallu oser retenir un souffle de vie,
un simulacre d’éternité, la trace infime d’un baiser. Peut-être ce « baiser d’or du bois qui se recueille »[2]
cher à Rimbaud…
Mais à contempler ces chouettes de Minerves, incertaines
sur leurs socles, ces amants figés par le destin ou ces amours impassibles dans
le vent, on se prend à songer aussi à Baudelaire qui, sur de tout autres
rivages, pouvait écrire : « Là,
tout n'est qu'ordre et beauté, Luxe, calme et volupté »[3].
Le lierre et la pierre enlacés dans une ultime danse. L’éphémère érodant le
durable…
A l’instar d’Highgate
Cemetery[4], le
cimetière Kerepesi[5] de
Budapest, fait partie de ces lieux un peu magiques par leur sombreur teintée d’un
romantisme désuet ; là où le gothique flirt avec le kitch indécent de la
fatuité humaine[6]. A s’y
perdre, on croisera sans doute le murmure des brises solitaires. Mais aussi, à n’en
pas douter, l’écureuil affairé ou le renard trottant alerte entre les allées
moussues… Que dire des oiseaux ? Car les cimetières sont des refuges
privilégiés pour les mésanges, pinsons, sitelles, grives, merle et autres
corvidés. La liste est loin d’être exhaustive… Aussi, s’il vous arrive au
détour d’un sépulcre d’ouïr un tambourinement net et sonore, il est possible qu’il
s’agisse d’un pic vert, mais peut-être rencontrerez-vous son frère noir, bien plus
rare... Alors le temps sera suspendu.
Kerepesi cemetery (photo par Axel)
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Kerepesi cemetery (photo par Axel)
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Kerepesi cemetery (photo par Axel)
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On l’aura compris
Dans les cimetières
Le miroiseur un peu rêveur y trouve sa place…
Pic noir du kerepesi cemetery (photo par Axel) [cliquer sur la légende pour grand format] |
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AUTRES IMAGES
Kerepesi cemetery (photo par Axel)
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Kerepesi cemetery (photo par Axel)
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Kerepesi cemetery (photo par Axel)
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Kerepesi cemetery (photo par Axel)
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[6]
Je songe ici à l’affreuse tombe de Marx du Highgate cemetery, ou aux autres
monuments tape-à-l’œil de politiciens hongrois dont les noms se perdent déjà
dans les limbes de l’histoire.
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