Blogue Axel Evigiran

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La dispersion est, dit-on, l'ennemi des choses bien faites. Et quoi ? Dans ce monde de la spécialisation extrême, de l'utilitaire et du mesurable à outrance y aurait-il quelque mal à se perdre dans les labyrinthes de l'esprit dilettante ?


A la vérité, rien n’est plus savoureux que de muser parmi les sables du farniente, sans autre esprit que la propension au butinage, la légèreté sans objet prédéterminé.

Broutilles essentielles. Ratages propices aux heures languides...


22 mars 2024

Instants photographiques 1 – Oiseaux 2018 – 2020

Voici le partage de quelques instants choisis, saisis en la compagnie des oiseaux. Chacun de ces clichés a son histoire.

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Fin mars 2019, seul au large de la baie de somme, après 8 km de marche j’atteint le banc de l’Islette. Derrière les dunes qui coupent le vent, dans une zone relativement plate, parmi les oyats et la végétation rase je tombe sur un groupe de passereaux au nourrissage – ils sont au moins trente. Mon sang ne fait qu’un tour : ce sont des alouettes hausse-col ! Une première photographique pour moi. (L’espèce est migratrice et l’on n’en rencontre que peu en hiver dans les zones côtières fort localisées).

 

Alouette Hausse-col (photo par Axel)

Alouette Hausse-col (photo par Axel)

Toujours en baie de Somme, cette fois en mai 2019, au sortir du chemin côtier situé non loin de Queend-plage, je distingue depuis le sommet des grandes dunes qui dominent le paysage un groupe d’oiseaux. Des limicoles au « jizz » (1)  caractéristique : des barges ! Elles sont sur la ligne de la marée, fort haute. J’ai la chance d’être seul. Je m’approche et précise : des barges rousse – mais un promeneur que je n’avais pas vu se rapproche et les échassiers s’envolent à contre vent, un instant faisant du sur place avant de virer de bord. Je fixe la rencontre dans mon objectif !

 

Barges rousses en vol (photo par Axel)

Barge rousse (photo par Axel)

En mai 2020, dans le Pévèle, sur les petits sentiers que je connais bien autour de la ville de Templeuve. C’est la saison des amours chez les bergeronnettes printanières. Elles me devancent le long du sentier ; s’envolant à mon approche, avant de se reposer un peu plus loin. C’est alors qu’un mâle en plumage nuptial se perche sur piquet dont la teinte rappelle celle de l’oiseau ! 

 

Bergeronnette printanière (Photo par Axel)

Je suis en forêt, dans le parc des 5 Tailles, non loin de Thumeries. C’est la fin juillet 2018. Un rapace criaille au-dessus de moi. Son comportement est singulier : visiblement je le dérange (un nid pas loin peut-être ?). Il cercle vraiment bas. Je fais quelques clichés avant de m’éloigner pour éviter de trop le gêner. Je regarde le résultat : ce que j’avais pris pour une buse variable est en fait une bondrée apivore, un visiteur d’été sous nos latitudes.

 

Bondrée apivore (photo par Axel)

En août 2018, en Corse, j’ai pris l’habitude le matin avant de partir en balade, ou le soir une fois rentré, de me poster sur la terrasse de notre bungalow, et observer les oiseaux passant à proximité. Il y a en général pas mal de gobe-mouches gris et les mésanges habituelles. Mais dans un arbuste un peu plus loin mes jumelles s’ajustent sur un passereau inhabituel pour moi. C’est un granivore… Par élimination je le range parmi les bruants. J’immortalise l’instant dans mon zoom. Et après avoir compulsé mon guide Ornitho j’en déduis un bruant zizi. Une coche !   

Bruant Zizi (photo par Axel)

Février 2019. Avec mon pote d’enfance avons décidé de nous rendre Belgique près d’un lieu dénommé Harelbeke, dans une zone marécageuse où se trouve un observatoire. Nous restons là planqués à l’affut une bonne partie de la matinée. Et tandis que vais me soulager dans un buisson plus loin se pointe un butor étoilé, une espèce qui m’échappe toujours (on a chacun ses espèces pas forcément rares mais qu’on ne parvient jamais à observer – nos petites malédictions de miroiseur). L’anecdote le fait bien marrer. Mais je tirer vengeance peu après en photographiant pendant sa courte absence une buse variable, passée en vol juste devant mon nez !

 

Buse variable (photo par Axel)

Avril 2018 dans le parc du Marqueterre, fort peu fréquenté. Le ciel est bleu limpide. Je savoure ces moments privilégiés. Sur l’eau les oiseaux batifolent : sarcelles d’hivers, canards siffleurs, souchets et pilets … Une journée avec une quarantaine d’espèces croisées 

Groupe d'anatidés ( photo par Axel)

A la réserve du Pont de Gau en Camargue en aout 2019 … Les flamants roses sont rois ! Etrangement ce ne sont pas pour moi les oiseaux les plus faciles à photographier. Il me faudra de nombreux essais avant d’obtenir un cliché qui me satisfasse … 

 

Flamand rose (photo par Axel)

Toujours en août 2019. Au Grau du roi, le soir nous avons, devant notre terrasse, un visiteur régulier. Il s’agit d’un hardi goéland Leucophée, le cousin méridional du goéland argenté. L’individu, un immature, a pris l’habitude de venir quémander de la nourriture – les quelques soirée ou il ne vient pas, sa présence nous manque … 

Goéland Leucophée (photo par Axel)

Début mai 2019, sur l’arrière de la Baie de Somme, non loin des rails du train à vapeur qui relie la commune du Crotoy à celle de Saint-Valery, dans un secteur un peu trop connu des photographes, se rencontrent la panure à moustache ainsi que la fameuse gorgebleue à miroir. Il s’agit d’une espèce migratrice qui vient nicher dans nos contrées et arrivant dans les Hauts-de-France dès le mois de mars. Ici un beau mâle occupé à nourrir sa progéniture … 


Gorgebleue à miroir (photo par Axel)

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(1) Pour une définition du mot :

 https://www.ornithomedia.com/pratique/debuter/definition-jizz-00392/

18 févr. 2024

Flâneries d’un dimanche matin pluvieux … autour du Palais idéal

 

Ciel en grisaille d’un dimanche matin pluvieux ; une espèce de bruine tenace, soupoudrée par intermittence …

Humeur propice aux flâneries intérieures. Au travers les pages d’un grand livre consacré au Palais idéal du facteur Cheval, sous-titré « quand le songe devient réalité ». 

Une lecture en pointillé, le regard le plus souvent égaré sur les crayonnages et photographies d’époque de la construction de cet inclassable monument (1879 – 1912). Des arabesques aux sentences du facteur ; des personnages infimes aux trois géants de la façade est : César, Vercingétorix et Archimède (1891-95).

Dans le livre j’ai retrouvé le ticket de caisse. Il est daté du 12 juillet 2003. Et de me souvenir que nous nous rendions ce jour-là en famille à Orange. Nous avions été pris dans un énorme encombrement au niveau de Lyon. Carte en main, nous avions alors bifurqué, pour prendre à l’aventure des routes de traverses … Un chemin passant à proximité de Hauterives dans la Drôme. Un détour fabuleux …

Je fis une seconde visite au Palais idéal, en compagnie de ma fille, fin août 2015. Le ciel était bleu limpide. Ces photographies valent témoignage.


Palais idéal du facteur Cheval (Photo par Axel - 2015)

" J'avais alors dépassé depuis 3 ans ce grand équinoxe de la vie qu'on appelle quarantaine.
Cet âge n'est plus celui des folles entreprises et des châteaux en Espagne. Or au moment où mon rêve sombrait peu à peu dans le brouillard de l'oubli, un incident le raviva soudain, mon pied heurta une pierre qui faillit me faire tomber je voulu voir de près, ma pierre d'achoppement ..."

Palais idéal du facteur Cheval (Photo par Axel - 2015)

Palais idéal du facteur Cheval (Photo par Axel - 2015)

Palais idéal du facteur Cheval (Photo par Axel - 2015)

Palais idéal du facteur Cheval (Photo par Axel - 2015)

Palais idéal du facteur Cheval (Photo par Axel - 2015)

Palais idéal du facteur Cheval (Photo par Axel - 2015)

Palais idéal du facteur Cheval (Photo par Axel - 2015)

Palais idéal du facteur Cheval (Photo par Axel - 2015)

Palais idéal du facteur Cheval (Photo par Axel - 2015)

Palais idéal du facteur Cheval (Photo par Axel - 2015)

Palais idéal du facteur Cheval (Photo par Axel - 2015)

Palais idéal du facteur Cheval (Photo par Axel - 2015)

Palais idéal du facteur Cheval (Photo par Axel - 2015)

" Je suis né à Charmes à 15 km de romans en l'année 1836 mon instruction fut très élémentaire car elle n'était propagée comme aujourd'hui et ce n'est qu'en grandissant que me vint l'amour du travail et de la lecture. j'ai commencé ce travail j'avais 43 ans il m'a fallu 32 ans d'un travail persévérant, il faut dire que, je travaille toujours quelque peu. J'ai aujourd'hui 75 ans j'ai pris il y a plusieurs années ma retraite de facteur que j'ai gagnée tout en construisant mon palais de rêve où nous vivons modestement ma femme et moi ".

16 févr. 2024

Des limites planétaires

 

Quinze degrés en journée pour un quinze février à Lille. La menace sur le front climatique se précise – et on continue comme avant !

Ce midi les alouettes s’en donnaient à cœur joie dans les champs. Un avant-goût de printemps … Le cancer se généralise (nous dépassons alégrement les limites planétaires les unes après les autres) et on se soigne de bonnes intentions : méthode Coué et homéopathie …

Alors qu’il faudrait acter un changement radical de modèle de société, la moindre mesurette de ce qui relève pour les imbéciles d’une « certaines écologie punitive », est vécue comme une atteinte à notre sacro-sainte liberté. Quelle liberté nous restera-t-il lorsque pris dans une fournaise ardente, balayés encore par des tempêtes d’intensité inédite, ou victimes de sécheresses tenaces, d’inondations catastrophiques ?  

 

Les SUV prospèrent sur fond de kérozène détaxé, de pesticide et de megabassines.

Les optimistes par conviction se fourrent le doigt dans l’œil jusqu’à la moelle. Quant aux techno-solutionnistes, ils sont les pompiers pyromanes de notre temps – naïfs ou cyniques.

Parmi les nouvelles du jour : « En 2023 les bénéfices cumulés du CAC 40 dépassent les 120 milliards d’euros » … Bref tout est au mieux dans le meilleur des mondes possibles.

 

Lisant Les Confessions de l’atrabilaire Caraco :

(Écrit avant la publication du rapport du club de Rome en 1972)

« Nous sommes perdus à la longue, nous ne pouvons ni mettre un empêchement à la peuplade ni contenir, par voie de conséquence, une production industrielle devenue de plus en plus fatale à la nature. (…)  Nous mangeons notre fonds et nous épuisons nos réserves, à cela nul remède, malgré les parleries, les exorcismes et les adjurations. (…) Demain il faudra tuer ou périr et nous nous barbariserons … »

Droit dans nos bottes vers l’effondrement … On ira jusqu’au bout.

26 janv. 2024

Kieffer et la photographie … « Ce dont on ne peut parler il faut le taire »

 


L’exposition récente au LAM consacrée à Anselm Kiefer et intitulée « La photographie au commencement » m’a fait forte impression.

Des accrochages où le noir domine – référence explicite faite parfois à la Nigredo Alchimique …


Exposition Kieffer au LAM (photo par Axel)
 

Ce qu’on peut lire autour de ces œuvres, est souvent pompeux et phraseux … Circonvolutions pseudo-intellectuelles pour ne pas dire grand-chose.

Prêter des intentions là où il n’y en pas forcément. Chercher à tout décortiquer ou justifier. Ou encore trouver du subversif dans un geste à l’ambiguïté notoire – Y voir une manière d’habiter l’Histoire …

Passons donc allégrement sur ces « Occupations » pour leur préférer les sombreurs plus éthérées, ainsi que les compositions cyclopéennes ! Et croiser Lilith, Gilgamesh et Endiku …

 

De ce noir, plus noir que le noir : une teinte s’accordant avec la couverture d’un petit livre de Pierre Hadot, « Wittgenstein et les limites du langage ». Du philosophe, haut perché dans sa cabane posée au-dessus d’un fjord norvégien, on retiendra ici la sentence à propos :

 

« Ce dont on ne peut parler il faut le taire »

Wittgenstein

 

Exposition Kieffer au LAM (photo par Axel)

Exposition Kieffer au LAM (photo par Axel)

Exposition Kieffer au LAM (photo par Axel)

Exposition Kieffer au LAM (photo par Axel)

Exposition Kieffer au LAM (photo par Axel)

Exposition Kieffer au LAM (photo par Axel)

Exposition Kieffer au LAM (photo par Axel)

Exposition Kieffer au LAM (photo par Axel)

Exposition Kieffer au LAM (photo par Axel)

Exposition Kieffer au LAM (photo par Axel)

2 janv. 2024

Mythes, Jung et synchronicité … Le plongeon cosmogonique


Dans les années 1990 j’éprouvais une fascination pour l’œuvre de Jung. De lui j’ai dû lire à cette époque une bonne vingtaine d’ouvrages, parmi lesquels figurent en bonne place « Psychologie et alchimie », « Réponse à Job », « Psychologie et religion » ou encore « Métamorphose de l’âme et ses symboles » - sans oublier évidement l’autobiographie saisissante du sage de Bollingen (je ne pris conscience que bien plus tard des arrangements avec le réel d’un texte où Jung édifiait sa propre statue).

Bref, l’œuvre du fondateur de la psychologie analytique expliquait l’inexplicable par un système cohérent. Et les concepts d’inconscient collectif, d’individuation, d’archétype ou de synchronicité m’apparaissaient solides, sinon irréfutables. Il faut dire que pétris moi-même à cette époque d’ésotérisme et d’occultisme, je trouvais dans la prose absconse du maître, matière à flatter mon propre goût du mystère – et faisait de moi en quelque sorte un « initié », un explorateur de nos profondeurs, allant au-delà du voile des apparences.   

 

Parmi les sujets étudiés par Jung, l’alchimie dont les adeptes disaient que leur or n’était pas l’or du vulgaire (arum non vulgi), et que leur quête était en réalité la recherche de la pierre philosophale, remède universel. Il faut dire que l’art hermétique par ses obscurités foisonnantes, sa « langue nébuleuse » associé à une symbolique tant qu’une iconographie chatoyantes, a de quoi fasciner et offrir un champ infini d’interprétation et d’analogies ; une mystique échevelée propre à égarer le récipiendaire dans les labyrinthes d’une phraséologie alambiquée, assorties de sentences ultimes du style : « L’athanor est ton esprit ». De là à voir dans l’alchimie un processus psychique, et plus précisément un « processus d’individuation » il n’y a qu’un pas. Et d’étayer la thèse par de fastidieuses démonstrations savantes (puisque c’est compliqué cela doit être vrai) quelque peu fuligineuses. Pour exemple voici deux mince passages pris dans des livres de Jung tout à fait au hasard :

 

« La terre alchimique est, comme nous l’avons vu, la substance mystérieuse qui est ici mise en relation d’une part avec le corps du Christ, et d’autre part, en tant qu’adamah, avec la terre rouge du paradis. Une très ancienne étymologie fait en effet dériver le nom d’Adam d’adamah, et c’est la raison pour laquelle la terre du paradis est également rattachée au corps mystique »[1]

 

« Le vieux traité Consilium coniugii explique que l’homme philosophique est composé de quatre natures de pierre. Trois d’entre-elles sont terrestres ou dans la terre, mais la quatrième nature est l’eau de la pierre, c’est-à-dire l’or visqueux appelé gomme rouge et avec lequel les trois natures terrestres sont teintes. Nous apprenons ici que la gomme est (…) double, c’est-à-dire masculine et féminine, mais elle est en même temps l’aqua mercurialis une et unique. L’union des deux est donc une sorte d’autofécondation, ce qui est précisément une des propriétés qu’on attribue toujours au dragon mercuriel. En partant de ces éléments il est facile de voir qui est l’homme philosophique : c’est l’androgyne originel, l’Anthropos du gnosticisme dont le parallèle en Inde est le purusha ».[2]

 

De quoi faire tourner la tête !

Mais j’évoquais Jung car il y a de cela quelques semaines, sans trop savoir pourquoi, je me suis procuré « Jung, un voyage vers soi » commis par Frédéric Lenoir, alors que je flânais dans les rayons d’une grande librairie lilloise. A l’affirmation d’une impossibilité à expliquer mon geste, il serait plus juste de reconnaitre m’être trouvé, à la vue de cet essai, titillé par cette lancinante question : Après avoir jadis vénéré l’œuvre de Jung, puis l’avoir délaissée peu à peu, jusqu’à  ensuite l’avoir totalement jetée aux orties, la classant parmi mes superstitions de jeunesse, je voulais faire le point, savoir l’effet que me ferai un nouveau bain dans les eaux jungiennes, et ceci au travers d’une synthèse écrite par quelqu’un reconnaissant que Jung était l’un des auteurs l’ayant le plus marqué et influencé.

Au fond je me disais : « et si j’avais relégué un peu trop vite, et trop entièrement, les concepts de Jung au rang des fumisteries brillantes ? Quel crédit, quel caractère de scientificité pouvait-on accorder aujourd’hui à des thèses telles, par exemple, la notion centrale de l’inconscient collectif ?

 

Et par un effet de ce que Jung aurait appelé sans nul doute synchronicité, l’émission du 23 décembre de Carbone 14 sur France-Culture, intitulée « Archéologie des mythes » avec en invité Jean-Loïc Le Quellec, anthropologue et préhistorien, y répondait, au travers d’un l’exemple d’un mythe, celui du plongeon (l’oiseau)cosmogonique :

 



« C’est un mythe qui nous explique l’origine de la Terre et qui raconte que tout à fait au début il n’y avait que de l’eau (grand thème commun à de nombreuses mythologies du monde). Ne peuvent vivre que des animaux aquatiques et des oiseaux qui peuvent voler au-dessus de l’eau. Parmi les oiseaux il y a une catégorie particulière qui sont les oiseaux aquatiques qui peuvent se poser sur l’eau et y plonger. Le mythe brode là-dessus en disant que le dieu créateur, qui commençait à s’ennuyer dans un monde un peu terne, a demandé à un oiseau réputé pour sa capacité à plonger, le grand plongeon, de plonger pour aller chercher du limon au fond de l’océan primordial afin de créer la Terre. Le grand plongeon, pourtant bien équipé a raté, il n’a pas réussi et il est remonté presque asphyxié sans ramener le limon. Alors un autre oiseau plus petit a plongé à son tour mais il a échoué également – il a été plus loin mais il a échoué. Finalement il y a un tout petit oiseau, dont personne a pensé qu’il allait réussir (mais c’est très souvent comme ça dans les mythes et dans les contes) ramène le limon à la surface et le dieu créateur le disperse sur l’océan primordial, le limon forme une espèce de gel qui se solidifie. Les oiseaux se réunissent et battent des ailes pour que le gel prenne, et ça forme la Terre sur laquelle nous marchons »

 

Question de Vincent Charpentier :

« On a recensé 487 mythes de ce plongeon à travers le monde. Comment Expliquer que ce mythe retrouvé en Amérique soit aussi présent en Eurasie. Pourrait-il y avoir plusieurs points de création ? Serait-il dû à la structure particulière de notre esprit comme le pensait Jung ?

 

C’est une vieille question. Quand on a des mythes complexes, des histoires assez longues à raconter, qui se trouvent en des endroits très différents du globe, on s’est dit depuis longtemps : mais comment se fait-il ? Est-ce une coïncidence ?

Une idée c’est que notre esprit est fait d’une telle manière que ces histoires-là jaillissent spontanément partout sur le globe, peu importe les cultures, les époques. Partout ça va surgir, parce que nous avons tous le même cerveau, le même esprit. Ça c’est la thèse de Jung, la thèse des archétypes.

Mais justement l’intérêt de faire des cartes, ça permet de voir exactement de quoi on parle.  Si on fait une carte de répartition du mythe du plongeon cosmogonique on s’aperçoit qu’il est absolument absent en Afrique, il est absent en Amérique du Sud, il est absent en Australie. Il y a des continents entiers dans lesquels ce mythe n’est pas du tout attesté, alors que les gens qui peuplent ces continents ont bien le même cerveau, le même esprit. Donc cette explication ne tient pas. Ce n’est pas quelque chose qui tient à la structure de notre esprit. Et l’explication la plus probable c’est que ces mythes se sont répandus en même temps que les gens qui les racontaient. Le monde a été peuplé progressivement, notamment on sait bien que l’Amérique n’a pas été peuplée de tout temps ; elle a été peuplée à partir de l’extrême nord de l’Amérique et les gens qui sont y arrivés en provenance de l’extrême pointe de l’Eurasie sont arrivés avec les histoires des mythes d’origine qu’ils avaient dans la tête, que leurs ancêtres leur avaient racontées ; cela remonte il y a à peu près 20.000 ans. »

 

C’est sans doute là une explication plus terre-à terre, moins merveilleuse que celle proposée par Jung, mais beaucoup plus probable !

 

Johann Heinrich FüssliLe Cauchemar, 1781.

Quant au livre de Frédéric Lenoir : La première partie, filant la trame biographique de Jung, m’a plutôt intéressé, malgré quelques passages assez hallucinants tels : « Jung était entouré de personnes qui avaient des dons médiumniques », ou encore « Loin de se démonter par le scepticisme acerbe des autres étudiants, Jung se livre chaque samedi à des expériences de tables tournantes, notamment en compagnie de sa jeune cousine Hélène, qui semble être une remarquable médium ».

Puis j’ai perdu pied peu à peu lors de la seconde partie de l’ouvrage intitulée « l’expérience intérieure », retrouvant ce jargon désagréable à la sauce jungienne ; une suite d’affirmations plus ou moins saisissantes ayant la saveur d’une pseudo-science.



[1] C.G Jung, Mysterium Conjunctionis, tome 2 page 226

[2] C.G Jung, Psychologie et alchimie, page 211