Blogue Axel Evigiran

Blogue Axel Evigiran
La dispersion est, dit-on, l'ennemi des choses bien faites. Et quoi ? Dans ce monde de la spécialisation extrême, de l'utilitaire et du mesurable à outrance y aurait-il quelque mal à se perdre dans les labyrinthes de l'esprit dilettante ?


A la vérité, rien n’est plus savoureux que de muser parmi les sables du farniente, sans autre esprit que la propension au butinage, la légèreté sans objet prédéterminé.

Broutilles essentielles. Ratages propices aux heures languides...


24 oct. 2022

Rencontre avec le traquet motteux

 

Traquet Motteux - Hauts-de-France, octobre 2022 (photo par Axel)

Après avoir évoqué dans mon précédent billet le prestigieux TraquetKurde de Jean Rolin, voici l’un de ses cousins, un passereau plus facile à observer sous nos latitudes mais qui reste, du moins dans les Haut-de-France, assez rare pour être noté. Je veux parler du Traquet Motteux.

 

Le nom scientifique de l’oiseaux est Oenanthe oenanthe. Mot qui provient du grec ancien de la combinaison de oinos (vin) et anthos (fleur), bref le bourgeon de vigne[1] - « Pour Pline, oenanthe désigne le raisin de la vigne sauvage et un oiseau non identifié par la suite ». Quant au suffixe du nom vernaculaire de ce traquet, « Motteux », il indique que l’oiseau se perche volontiers sur les mottes de terre ou petits surplombs en terrains découverts.

 

Dans le Nord et Pas-de-Calais l’espèce est migratrice et les effectifs nicheurs, selon les données du dernier Atlas régional[2] indiquent entre 0 et 4 couples (20 000 à 30 000 pour la France).

Les chances de le rencontrer se situent donc lors de son passage printanier et automnal – les plumages sont différents entre ses deux saisons. Et c’est dans les milieux ouverts qu’il convient de le chercher …

Pour ma part il me plait de l’observer surtout au printemps du côté de la baie de Somme. On le trouve alors souvent à courir le long des massifs dunaires en quête de nourriture. Un individu souvent seul … Et si l’on l’approche trop il s’envole sur quelques dizaines de mètres avant de reprendre ses pérégrinations au sol.

 

Traquet motteux, mai 2018 en Baie de Somme (photo par Axel)

Il m’est arrivé en été de le rencontrer une fois dans son beau plumage nuptial au col du Mont Cenis, à 2000 mètres d’altitude. Nicheur cette fois. Par chance j’avais mon appareil photo.


Traquet Motteux, col du mont Cenis, août 2018

 

Mais ma dernière rencontre avec l’oiseau est toute récente – une rencontre d’octobre. A quelques encablures de mon domicile, au bord d’un champs en milieu péri-urbain, pas très loin de Lille :

Le milieu est propice, mais fort fréquenté le dimanche matin par les promeneurs avec leurs chiens (hélas pas toujours tenus en laisse) et surtout les joggeurs multicolores … Il y a de nombreuses alouettes des champs, dont certains mâles encore chanteurs. Ça se chamaille. Parmi les alouettes, dispersées dans le champ, pas moins d’une vingtaine de bergeronnettes grises en halte migratoire. Un premier oiseau attire mon attention : un Tarier des près – une belle observation. Mais un peu plus loin je repère un autre oiseau, au nourrissage dans des postures assez caractéristiques. Je ne bouge plus et l'observe ... Il s'accommode de ma présence et s'approche parfois. Sa technique de chasse : se placer sur une motte de terre bien en vue, puis se précipiter à la poursuite de petits insectes...

Le passage des joggeurs l’indiffère. Ces derniers me jettent parfois des regards curieux, mais sont heureusement trop pressés pour venir à ma rencontre – le pire en matière étant le badaud « gentil » mais qui ruine l’instant. Mais en ce dimanche point de fâcheux et l’oiseau vient à quelques mètres de moi, prend la pose. S’éloigne puis reviens - instants de grâce ! La séance dure une bonne demi-heure. Puis chacun s’en va suivre sa destinée …


Traquet motteux, octobre 2022, Hauts-de-France (photo par Axel)




[1] Source : « L’étymologie des noms d’oiseaux » de Pierre Cabard et Bernard Chauvet, édition Belin 2003.

[2] « Les oiseaux nicheurs du Nord et du Pas-de-Calais », collectif, Biotope éditions, novembre 2019.