Blogue Axel Evigiran

Blogue Axel Evigiran
La dispersion est, dit-on, l'ennemi des choses bien faites. Et quoi ? Dans ce monde de la spécialisation extrême, de l'utilitaire et du mesurable à outrance y aurait-il quelque mal à se perdre dans les labyrinthes de l'esprit dilettante ?


A la vérité, rien n’est plus savoureux que de muser parmi les sables du farniente, sans autre esprit que la propension au butinage, la légèreté sans objet prédéterminé.

Broutilles essentielles. Ratages propices aux heures languides...


25 mai 2023

Autour de Thérèse philosophe : Sur les religions

 

Dans une bouquinerie, sur le point hélas de passer à la trappe, victime des appétits mercantiles d’un groupe de ce que l’on nomme la grande distribution, je suis tombé par hasard sur plusieurs ouvrages d’une collection dédiée aux « grands classiques de la littérature libertine ». Parmi eux Thérèse philosophe, attribué sans certitude absolue à Jean-Baptiste Boyer d’Argens. Le roman fut écrit dans la décennie 1740 et imprimé en 1748 par l’éditeur du déjà sulfureux « Le portier des chartreux ».

Dans l’excellente introduction on peut lire : « L’homme d’aujourd’hui s’étonne de trouver dans un même texte des descriptions très crues de scènes de sexe et de discours argumentatifs sur la religion, la morale ou la liberté humaine … Pour le lecteur contemporain, pornographie et philosophie sont des choses bien différentes. (…) Sous l’Ancien Régime, les récits obscènes et l’expression de pensées hétérodoxes appartiennent à un même ensemble : celui des textes interdits »

Et d’en arriver au savoureux passage sur les religions. Le texte n’a certes pas la radicalité d’un fameux prédécesseur en la personne de Jean Meslier, curé d’Etrépigny (voir ici le billet lui ayantété consacré), mais demeure savoureux. Ce discours de l’Abbé T… s’adresse à sa maîtresse, Mme C…. Le voici :

 


« – Quoi ? Madame, répondit l’Abbé, vous ne vous souvenez donc pas que nous ne sommes point libres, que toutes nos actions sont déterminées nécessairement ? Et si nous ne sommes pas libres, comment pouvons-nous pécher ? Mais entrons, puisque vous le voulez, sérieusement en matière sur le chapitre des religions. Votre discrétion, votre prudence me sont connues ; et je crains d’autant moins de m’expliquer, que je proteste devant Dieu de la bonne foi avec laquelle j’ai cherché à démêler la vérité de l’illusion. Voici le résumé de mes travaux et de mes réflexions sur cette importante matière.

« Dieu est bon, dis-je ; sa bonté m’assure que si je cherche avec ardeur à connaître s’il est un culte véritable qu’il exige de moi, il ne me trompera pas, je parviendrai à connaître évidemment ce culte, autrement Dieu serait injuste. Il m’a donné la raison pour m’en servir, pour me guider : à quoi puis-je mieux l’employer ?

« Si un chrétien de bonne foi ne veut pas examiner sa religion, pourquoi voudra-t-il (ainsi qu’il l’exige) qu’un mahométan de bonne foi examine la sienne ? Ils croient l’un et l’autre que leur religion leur a été révélée de la part de Dieu, l’une par Jésus-Christ, l’autre par Mahomet.

« La foi ne nous vient que parce que des hommes nous ont dit que Dieu a révélé certaines vérités. Mais d’autres hommes en ont dit de même aux sectaires des autres religions ; lesquels croire ? Pour le savoir, il faut donc examiner ; car tout ce qui vient des hommes doit être soumis à notre raison.

« Tous les auteurs des diverses religions répandues sur la terre se sont vantés que Dieu les leur avait révélées ; lesquels croire ? Examinons quelle est la véritable ; mais comme tout est préjugé de l’enfance et de l’éducation, pour juger sainement, il faut commencer par faire un sacrifice à Dieu de tout préjugé, et examiner ensuite avec le flambeau de la raison une chose de laquelle dépend notre bonheur ou notre malheur, pendant notre vie et pendant l’éternité.

« J’observe d’abord qu’il y a quatre parties dans le monde ; que la vingtième partie, au plus, d’une de ces quatre parties est catholique ; que tous les habitants des autres parties disent que nous adorons un homme, du pain, que nous multiplions la Divinité ; que presque tous les Pères se sont contredits dans leurs écrits : ce qui prouve qu’ils n’étaient pas inspirés de Dieu.

« Tous les changements de religions, depuis Adam, faits par Moïse, par Salomon, par JésusChrist, et ensuite par les Pères, démontrent que toutes ces religions ne sont que l’ouvrage des hommes. Dieu ne varie jamais, il est immuable.

« Dieu est partout : cependant, l’Écriture sainte dit que Dieu chercha Adam dans le paradis terrestre, Adam ubi es ? que Dieu s’y promena, qu’il s’entretint avec le diable au sujet de Job. La raison me dit que Dieu n’est sujet à aucune passion : cependant, dans la Genèse, chapitre VI, on y fait dire à Dieu qu’il se repent d’avoir créé l’homme ; que la colère n’a pas été inefficace.

Dieu paraît si faible dans la religion chrétienne, qu’il ne peut pas réduire l’homme au point où il le voudrait : il le punit par l’eau, ensuite par le feu, l’homme est toujours le même ; il envoie des prophètes, les hommes sont encore les mêmes ; il n’a qu’un fils unique, il l’envoie, le sacrifie, cependant les hommes ne changent en rien. Que de ridicules la religion chrétienne donne à Dieu !

« Chacun convient que Dieu sait ce qui doit arriver pendant l’éternité ; mais Dieu, dit-on, ne connaît ce qui doit résulter de nos actions qu’après avoir prévu que nous abuserions de ses grâces, et que nous commettrions ces mêmes actions ; il résulte néanmoins de cette connaissance que Dieu, en nous faisant naître, savait déjà que nous serions infailliblement damnés et éternellement malheureux.

« On voit, dans l’Écriture sainte, que Dieu a envoyé des prophètes pour avertir les hommes et les engager à changer de conduite. Or, Dieu, qui sait tout, n’ignorait pas que les hommes ne changeraient point de conduite. Donc, l’Écriture sainte suppose que Dieu est un trompeur. Ces idées peuvent-elles s’accorder avec la certitude que nous avons de la bonté infinie de Dieu ?

« On suppose à Dieu, qui est tout-puissant, un rival dangereux dans le diable, qui lui enlève sans cesse malgré lui les trois quarts du petit nombre des hommes qu’il a choisis, pour lesquels son fils s’est sacrifié, sans s’embarrasser du reste du genre humain. Quelles pitoyables absurdités !

« Suivant la religion chrétienne, nous ne péchons que par la tentation : c’est le diable, dit-on, qui nous tente. Dieu n’avait qu’à anéantir le diable, nous serions tous sauvés. Il y a bien de l’injustice ou de l’impuissance de sa part.

« Une assez grande partie des ministres de la religion catholique prétend que Dieu nous donne des commandements, mais soutient qu’on ne saurait les accomplir sans la grâce que Dieu donne à qui lui plaît ; et que, cependant, Dieu punit ceux qui ne les observent pas ! Quelle contradiction ! Quelle impiété monstrueuse ! Y at-il rien de si misérable que de dire que Dieu est vindicatif, jaloux, coléreux ; de voir que les catholiques adressent leurs prières aux saints, comme si ces saints étaient partout, ainsi que Dieu ; comme si ces saints pouvaient lire dans les cœurs des hommes et les entendre ?

« Quelle ridiculité de dire que nous devons tout faire pour la plus grande gloire de Dieu ! Est-ce que la gloire de Dieu peut être augmentée par l’imagination, par les actions des hommes ? Peuvent-ils augmenter quelque chose en lui ? Ne se suffit-il pas à lui-même ? « Comment des hommes ont-ils pu s’imaginer que la Divinité se trouvait plus honorée, plus satisfaite de leur voir manger un hareng qu’une mauviette, une soupe à l’oignon qu’une soupe au lard, une sole qu’une perdrix, et que cette même divinité les damnerait éternellement si, dans certains jours, ils donnaient la préférence à la soupe au lard ?

« Faibles mortels ! Vous croyez pouvoir offenser Dieu ! Pourriez-vous seulement offenser un roi, un prince, qui seraient raisonnables ? Ils mépriseraient votre faiblesse et votre impuissance. On vous annonce un Dieu vengeur, et on vous dit que la vengeance est un crime.

Quelle contradiction ! On vous assure que pardonner une offense est une vertu, et on ose vous dire que Dieu se venge d’une offense involontaire par une éternité de supplices

« S’il y a un Dieu, dit-on, il y a un culte. Cependant, avant la création du monde, il faut convenir qu’il y avait un Dieu et point de culte. D’ailleurs, depuis la création, il y a des bêtes qui ne rendent aucun culte à Dieu. S’il n’y avait point d’hommes, il y aurait toujours un Dieu, des créatures et point de culte. La manie des hommes est de juger des actions de Dieu par celles qui leur sont propres.

« La religion chrétienne donne une fausse idée de Dieu ; car la justice humaine, selon elle, est une émanation de la justice divine. Or, nous ne pourrions, suivant la justice humaine, que blâmer les actions de Dieu envers son fils, envers Adam, envers les peuples à qui on n’a jamais prêché, envers les enfants qui meurent avant le baptême.

« Suivant la religion chrétienne, il faut tendre à la plus grande perfection. L’état de virginité, suivant elle, est plus parfait que celui du mariage : or, il est évident que la perfection de la religion chrétienne tend à la destruction du genre humain. Si les efforts des discours des prêtres réussissaient, dans soixante ou quatre-vingts ans, le genre humain serait détruit. Cette religion peut-elle être de Dieu ?

« Est-il rien de si absurde que de faire prier Dieu pour soi par des prêtres, par des moines, par d’autres personnes ? On juge de Dieu comme on juge des rois.

« Quels excès de folie de croire que Dieu nous a fait naître pour que nous ne fassions que ce qui est contre nature, que ce qui peut nous rendre malheureux dans ce monde, en exigeant que nous nous refusions tout ce qui satisfait les sens, les appétits qu’il nous a donnés ! Que pourrait faire de plus un tyran acharné à nous persécuter depuis l’instant de notre naissance jusqu’à celui de notre mort ?

« Pour être parfait chrétien, il faut être ignorant, croire aveuglément, renoncer à tous les plaisirs, aux honneurs, aux richesses, abandonner ses parents, ses amis, garder sa virginité, en un mot, faire tout ce qui est contraire à la nature. Cependant, cette nature n’opère sûrement que par la volonté de Dieu. Quelle contrariété la religion suppose dans un Être infiniment juste et bon !

« Puisque Dieu est le créateur et le maître de toutes choses, nous devons les employer toutes à l’usage pour lequel il les a faites, et nous en servir suivant la fin qu’il s’est proposée en les créant ; autant que par la raison, par les sentiments intérieurs qu’il nous a donnés, nous pouvons connaître son dessein et son but, et les concilier avec l’intérêt de la société établie parmi les hommes, dans le pays que nous habitons.

« L’homme n’est pas fait pour être oisif : il faut qu’il s’occupe à quelque chose qui ait pour but son avantage particulier concilié avec le bien général. Dieu n’a pas voulu seulement le bonheur de quelques particuliers ; il veut le bonheur de tous. Nous devons donc nous rendre mutuellement tous les services possibles, pourvu que ces services ne détruisent pas quelques branches de la société établie : c’est ce dernier point qui doit diriger nos actions. En conservant, dans ce que nous faisons, notre état, nous remplissons tous nos devoirs ; le reste n’est que chimère, qu’illusion, que préjugé.

« Toutes les religions, sans en excepter aucune, sont les ouvrages des hommes ; il n’y en a point qui n’ait eu ses martyrs, ses prétendus miracles. Que prouvent de plus les nôtres que ceux des autres religions ?

« Les religions ont d’abord été établies par la crainte. Le tonnerre, les orages, les vents, la grêle détruisaient les fruits, les grains qui nourrissaient les premiers hommes répandus sur la surface de la terre. Leur impuissance à parer ces événements les obligea à avoir recours aux prières envers ce qu’ils reconnaissaient être plus puissant qu’eux, et qu’ils croyaient disposé à les tourmenter. Par la suite, des hommes ambitieux, de vastes génies, de grands politiques, nés dans différents siècles, dans diverses régions, ont tiré parti de la crédulité des peuples, ont annoncé des dieux souvent bizarres, fantasques, tyrans, ont établi des cultes, ont entrepris de former des sociétés dont ils pussent devenir les chefs, les législateurs. Ils ont reconnu que, pour maintenir ces sociétés, il était nécessaire que chacun de leurs membres sacrifiât souvent ses passions, ses plaisirs particuliers au bonheur des autres. De là, la nécessité de faire envisager un équivalent de récompenses à espérer et de peines à craindre, qui déterminassent à faire ces sacrifices. Ces politiques imaginèrent donc les religions. Toutes promettent des récompenses et annoncent des peines qui engagent une grande partie des hommes à résister au penchant naturel qu’ils ont de s’approprier le bien, la femme, la fille d’autrui, de se venger, de médire, de noircir la réputation de son prochain, afin de rendre la sienne plus saillante. L’honneur fut associé par la suite aux religions. Cet être aussi chimérique qu’elles, aussi utile au bonheur des sociétés et à celui de chaque particulier, fut imaginé pour contenir dans les mêmes bornes, et par les mêmes principes, un certain nombre d’autres hommes.

« Il y a un Dieu, créateur et moteur de tout ce qui existe, n’en doutons point ; nous faisons partie de tout et nous n’agissons qu’en conséquence des premiers principes du mouvement que Dieu lui a donné. Tout est combiné et nécessaire, rien n’est produit par le hasard. Trois dés poussés par un joueur doivent infailliblement donner tel ou tel point, eu égard à l’arrangement des dés dans son cornet, à la force et au mouvement donné. Le coup de dés est le tableau de toutes les actions de notre vie. Un dé en pousse un autre, auquel il imprime un mouvement nécessaire ; et de mouvement en mouvement, il résulte physiquement un tel point.

De même l’homme, par son premier mouvement, par sa première action, est déterminé invinciblement à une seconde, à une troisième, etc. Car dire que l’homme veut une chose parce qu’il la veut, c’est ne rien dire, c’est supposer que le néant produit un effet. Il est évident que c’est un motif, une raison qui le détermine à vouloir cette chose : et de raisons en raisons, qui sont déterminées les unes par les autres, la volonté de l’homme est invinciblement nécessitée de faire telles et telles actions pendant tout le cours de sa vie, dont la fin est celle du coup de dés.

« Aimons Dieu, non pas qu’il l’exige de nous, mais parce qu’il est souverainement bon, et ne craignons que les hommes et leurs lois.Respectons ces lois, parce qu’elles sont nécessaires au bien public, dont chacun de nous fait partie.

« Voilà, Madame, ajouta l’Abbé T..., ce que mon amitié pour vous m’a arraché sur le chapitre des religions.

21 mai 2023

Rêveries dans les herbes folles du site archéologique de Sanxay

 

Sanxay, vue du théâtre (photo par Axel)

« … C’est un petit val qui mousse de rayons » dit le vers d’un poème célèbre. Ainsi du site archéologique de Sanxay… Là aussi il est question de trépassé ; mais ici il s’agit d’époque ensevelies, de civilisations disparues. Et s’il n’y a pas de « frais cresson bleu », on peut y rencontrer l’orchidée – plus précisément l’orchis pyramidal.

S’y promener un jour de semaine, en mai et se retrouver sans autres visiteurs que l’ombre de nos pas dans les herbes folles. Une légende raconte que les lieux étaient maudits et qu’un trésor était gardé par un loup-garou, la Galipote[1]. Cet animal mythique et maléfique, dit-on parcourait nuitamment les campagnes semant la terreur. Et l’expression « courir la galipotte », signifie « aller au sabat sur un manche à balai ; être ensorcelé ».

 

Le temple octogonal ( Photo par Axel)

Chardons (photo par Axel)

Vue d'ensemble du sanctuaire thermal (photo par Axel)

Mais revenons au site antique de Sanxay. Son nom viendrait du latin sanciacum « qui rappelle qu’il y eut à l’emplacement du village, sans doute au Bas-Empire, le domaine d’un dénomé Sanctius ou Sanctio ». Pour situer géographiquement les lieux, disons simplement que le site se trouve dans le département de la Vienne, à mi-chemin entre Niort et Poitiers, non loin de Ménigoute, où se tient chaque année un fameux festival ornithologique.

 

Reconstitution du site de Sanxay (source : Jean Claude Golvin)


Les vestiges principaux sont le théâtre, implanté sur la rive droite de la Vonne, le sanctuaire des eaux curatives et le temple octogonal, construit sous l’empereur Claude (41-54). Ce temple fut sans doute « consacré au culte de l’eau, sous le patronage d’Apollon et peut-être de Mercure ».

L’agglomération de Sanxay fut un lieu de cure thermale et « a pu jouir de la conjoncture favorable résultant de la collaboration des Pictons avec Rome ». Sa Prospérité a culminé au IIe siècle, et sa fin assez brutale peut être mise en relation avec les progrès du christianisme. Bref, rien de neuf sous le soleil !

Il est toujours singulier de fouler les allées tortueuses des cimetières de pierres. Là où la nature recouvre la vanité des hommes. Et c’est encore mieux lorsque la foule dédaigne d’y faire le détour. On respire à plein poumon la tranquillité des prairies, tandis que chantent les oiseaux, songeant à l’insignifiance de notre condition, mais éprouvant aussi une espèce de béatitude corporelle et immanente – une sorte de spiritualité laïque …  

Sanxay enfin, offre un kaléidoscope de sensations. Motif à évasion et à réflexions. Et puis le village actuel, tout proche mérite qu’on s’y arrête. En particulier du côté du pont des bergers.

Vue du village de Sanxay (photo par Axel)



[1] Toutes les informations et citations sont tirés de l’excellent petit opuscule intitulé « Sanxay antique », (guides archéologiques de la France) , paru aux éditions du patrimoine (Pierre Aupert - Jean Hiernard - Myriam Fincker).

24 avr. 2023

Ruines de la collégiale des Roches-Tranchelion

 

Vue de la façade de la collégiale (photo par Axel)

A déambuler sur les chemins vicinaux depuis le village Crissay-sur-Manse en Touraine, entre la Loire et la vienne, au détour d’un vallon au manteau couvert de colza, tomber sur les ruines de la collégialedes Roches-Tranchelion.

Et là de jouir du calme des lieux abandonnés aux herbes folles, loin des attractions touristiques. Quelques pans de murs, encore fier sous le bleu du ciel. Des arches élancées forment désormais le squelette de ce complexe « construit entre 1520 et 1524 et consacré en 1527 en tant que chapelle funéraire. »


Arches (photo par Axel)

Alentours (Photo par Axel) 

Entrée de la collégiale (photo par Axel)

Pour en savoir davantage sur ces lieux d’où suintent une certaine magie, faisant abstraction des réclames, nous recommandons cette page consacrée à la collégiale …

Roche-Tranchelion

On y lira entre autres plusieurs légendes rattachées au nom de Tranchelion.


Pan de mur (Photo par Axel)


13 févr. 2023

Herman Hesse et la foule ...

 

Le cauchemar ! 

Herman Hesse, toujours …

Ce matin lisant le texte intitulé « Retour à la campagne » : 

« L’arrivée à Lugano fut peu réjouissante. Telles des nuées de sauterelles, les étrangers débarquent ici en masse aux alentours de Pâques, et cela faisait longtemps que je n’avais pas été indisposé à ce point par le vacarme des foules envahissantes peuplant la terre. (…) Ils trouvent tout charmant et ravissant, sans se rendre compte le moins du monde que par leur faute, un des rares endroits paradisiaque existant encore au cœur de L’Europe se transforme chaque année davantage en banlieue berlinoise. (…) Même le dernier des vieux paysans, si aimable soit-il, installe du fil de fer barbelé autour de ses prairies pour les protéger des flots de touristes qui les piétinent (…) La terre est désormais tellement surpeuplée ! »

Que ne dirait-il pas aujourd’hui ?!


Ce sentiment d’oppression face au déferlement de ces foules de touristes, est le même que celui que j’éprouve au Crotoy et en Baie de Somme, chaque année davantage, dès que se profile un long weekend ou, pire, lors des vacances scolaires !

Souillure du paysage et du silence.


L'idéal !
vue du Crotoy en hors saison depuis la baie de Somme - photo par Axel


7 févr. 2023

Du pessimisme d’Herman Hesse

Le matin, avant de me rendre à bicyclette au tripalium, j’ai pris l’habitude de lire quelques pages, sirotant un thé affalé dans mon canapé. Une nouvelle, une poignée d’aphorismes ou un texte bref sur l’un des nombreux sujets que je goûte.

 

En ce moment c’est le recueil de textes d’Herman Hesse, « L’art de l’oisiveté » qui m’accompagne. J’y relève, l’œil encore endormi, ces quelques lignes tirées d’un texte daté de 1928 et intitulé « Oppositions » :

 

« … notre époque a pour mot d’ordre : la santé, la compétence et la confiance béate dans le futur, le rejet narquois de tous les problèmes profonds, le renoncement répugnant et lâche à toute forme de questionnement dérangeant, la jouissance de l’instant.

(…)

Lorsque je les vois exprimer un vif contentement et rire avec satisfaction, je ne puis m’empêcher de penser à l’année 1914. Je songe à l’optimisme soi-disant salutaire de ces peuples qui trouvaient tout magnifique, enthousiasmant et menaçaient de coller au mur chaque pessimiste rappelant que les guerres sont des entreprises fort périlleuses et violentes qui peuvent aussi se solder par une triste défaite. Ainsi les pessimistes furent-ils en partie ridiculisés, en partie fusillés. Les optimistes eurent alors leur époque de gloire, ils exultèrent et triomphèrent pendant des années, jusqu’au moment où, épuisés de tant d’allégresse et de victoires, ils s’effondrèrent brutalement … »

 

Au fond, pas grand-chose n’a changé … Les guerres, le dérèglement climatique, l'effondrement de la biodiversité et, à rebours, les enthousiasmes du consumérisme et l'apologie béate de Musk !






20 janv. 2023

Le dernier voyage de Voltaire

Voltaire

Pour bien commencer l’année j’ai achevé la lecture de la considérable biographie de Voltaire commise par le regretté Raymond Trousson. Un livre qui impose le respect par son érudition. Et de m’arrêter ici sur les derniers jours et la mort du grand homme. 


Et de noter que « plus la fin approche, plus le clergé est aux aguets : le temps presse pour obtenir une rétractation (…) Le 18 mai, raconte ironiquement Condorcet, le curé de Saint-Sulpice est arrivé tout courant, pour tâcher d’avoir un corps et une âme »  il faut dire que « ni le clergé, ni le pouvoir ne souhaitent le scandale que causerait un refus de sépulture ».

Château de Fernay - Voltaire

Aussi le 30 mai 1778, « l’abbé Gaultier presse Voltaire de se mettre en règle avec l’Eglise : ‘Quel malheur, si vous mourriez sans avoir pensé à l’affaire de votre salut !’ (…) Selon les témoignages, lorsque Tersac lui demande s’il croit en Jésus-Christ, Voltaire répond : ‘Laissez-moi mourir en paix’. Selon Condorcet, il aurait dit : ‘Au nom de Dieu, Monsieur, ne me parlez pas de cet homme !’ – propos peut-être plus voltairiens ».


Voltaire mourra le soir même et le lendemain on pratique l’autopsie : « C’est un apothicaire, M. Mitouard, qui procède à l’embaumement du corps. Il obtient une relique, le cerveau, qu’il plonge dans un bocal d’esprit-de-vin. Le cœur revient Vilette. Puis, vers 11 heures du soir, s’exécute la navrante et macabre comédie. Un des plus grands écrivains de l’histoire sera transporté clandestinement, comme une marchandise de contrebande, pour un enterrement à la sauvette. Tout habillé, fardé, harnaché pour le tenir droit, un domestique assis à ses côtés, le cadavre est installé dans le carrosse de Voltaire, mais moins vraisemblables ».


Le lieu de destination ? L’abbaye cistercienne de Scellières. « Les carrosses sont arrivés le premier juin, en fin d’après-midi. Le corps est déposé dans un cercueil de bois blanc ». Il faut préciser ici que, si l’on en croit certaines rumeurs, « Mme Denis, lorsqu’on avait proposé un cercueil en plomb, s’est écriée : A quoi bon ? Cela couterait beaucoup d’argent. La légataire universelle se découvrait soudain le sens de l’économie ». 

D’ailleurs « Des bruits fâcheux courront sur la criminelle négligence de Mme Denis à l’égard de son oncle. Mme Du Deffand ne l’aimait pas, lui trouvait un air de ‘gaupe’ (…) ». A chacun de se faire une idée, mais « Reste que l’attitude de Mme Denis témoigne de son égoïsme et de fort peu d’attentions pour l’homme qui la chérit depuis 30 ans ». 


Cénotaphe du cœur de Voltaire

Et l’Eglise dans tout ça ? L’évêque de Troyes dépêche une interdiction d’inhumer. « Elle arrivera trop tard : l’impie reposait en terre consacrée ». Mais l’histoire ne s’arrête pas là. « Le 2 novembre 1789, l’Assemblée constituante avait décrété la sécularisation des biens ecclésiastiques, ce qui impliquait la mise en vente de l’abbaye de Scellières. Les restes du philosophe allaient-ils passer au plus offrant ? ». L’assemblée tranche en 1791 : Cela sera au panthéon que Voltaire sera inhumé !

Quant au cœur de Voltaire … « En 1779 Mme Denis cède Ferney à Villette. Ce dernier « fit élever une petite pyramide pour y déposer le cœur de Voltaire, avec cette inscription : son esprit est partout et son cœur est ici ». 




5 janv. 2023

De l'observation de la migration des oiseaux pélagiques, un jour de novembre

Sémaphore de Grand-Fort Philippe (photo par Axel)

Pour bien débuter l’année, je reviens ici sur le souvenir d’une journée de « sea watching » époustouflante au bout de la jetée de Grand-Fort-Philippe, dans le nord de la France. C’était à la mi-novembre.

Un temps idéal, avec un vent assez fort de nord-ouest (poussant donc les oiseaux pélagiques vers la côte). Une météo contrastée et plutôt fraiche, sans pluie annoncée (1). Le ciel est gris menaçant, criblé de minces éclaircies et confère au paysage une humeur dantesque … De quoi tisser la trame d’une journée épique ; le miroiseur tout à sa passion, bravant les éléments. A la merci du bon vouloir des migrateurs filant au sud. 

Migration des bernaches cravant (photo par Axel)

Migration des bernaches cravant (photo par Axel)

Migration des bernaches cravant (photo par Axel)

Les oiseaux se profilent sur l’horizon au nord, apparaissant loin, au ras des flots ou haut dans le concentré des nuages, au-dessus de la centrale nucléaire de Gravelines. Le premier observateur indique l’endroit où regarder, à l’aide de repères convenus. Cela donne : « catmarin, Bouée jaune », « harles huppé, bout de la jetée », « Des anatidés au-dessus du sémaphore … Des pilets. Ah, des souchets et des siffleurs aussi ! » ou encore « Là, là ! … juste au-dessus de nous … Vite ! Plongeon imbrin ! ». Bref, une véritable philosophie ornithologique.

Souvent il arrive que nous découvrions les oiseaux au dernier moment, des individus isolés, ou en tout petits groupes – et de ne pas tous les voir. Mais la frustration d’un instant se mue aussitôt en de nouveaux espoirs, vite comblés. 

Un grand cormoran accompagne les bernaches cravant (photo par Axel)

Plongeon imbrin (photo par Axel)

Canards pilets et souchets (photo par Axel)

Au final, ce ne furent pour moi pas moins de six nouvelles coches, ce qui est exceptionnel (2) ! Avec le mergule nain, la mouette pygmée, la macreuse brune, le labbe pomarin et deux espèces de plongeons : l’imbrin et l’arctique ! 

Mais ce fut aussi une journée exceptionnelle pour la migration des bernaches cravant – plusieurs milliers sont passées durant notre séance. Avec des oiseaux filant parfois haut dans le ciel en formation, sinon devant nous au ras des flot, ou juste au-dessus de nos têtes, à deux ou trois mètres d’altitude. Instants magiques à les presque pouvoir toucher de la main - les entendre fut émouvant (nous fîmes silence à leur passage) … 

Macreuses brunes (photo par Axel)

Mouettes pygmées (photo par Axel)


Ce fut au total plus de 40 espèces observées en mer. A l’observation proprement dite s’ajoute les clichés qui feront souvenir (permettant aussi de lever parfois l’ambiguïté sur une espèce vue). Certaines photographies relèvent sinon de la prouesse, du moins de la chance.

Il aura fallu saisir le Kairos. Mais quelle journée ! Et de rentrer chez soi, trempé et frigorifié, mais sourire aux lèvres, conscient d’avoir vécu un moment unique.


Formations de bernaches cravant (photo par Axel)

canards pilets, bernache cravant et canards siffleurs (photo par Axel)

Labbe parasite (photo par Axel)

Liste des espèces contactées :

  1. Bernache cravant (plusieurs milliers),
  2. Tadorne de Belon,
  3. Canard Colvert,
  4. Canard chipeau (un groupe d’une dizaine),
  5. Canard pilet (près d’un millier),
  6. Canard souchets (plusieurs centaines),
  7. Canard siffleur (plusieurs dizaines),
  8. Sarcelle d’hiver (plusieurs centaines),
  9. Fuligule milouinan/morillon (1 oiseau)
  10. Eider à duvet (3 mâles en éclipse) - Photographiés
  11. Macreuse noire (plusieurs centaines),
  12. Macreuse brune (4 mâles adultes) - Photographiés
  13. Garrot à œil d’or (3 inds dont 2 mâles adultes) - Photographiés
  14. Harle huppé (vingtaine d’oiseaux),
  15. Plongeon catmarin (plusieurs centaines),
  16. Plongeon arctique (une trentaine d’oiseaux, dont certains qui passent à courte distance et déterminés de manière certaine) – Photographiés
  17. Plongeon imbrin (2 oiseaux) – dont 1 photographié
  18. Grèbe huppé (un posé mais pas noté en migration),
  19. Fou de Bassan (plusieurs milliers),
  20. Grand cormoran (plusieurs dizaines),
  21. Cormoran huppé (1 oiseau qui se pose),
  22. Huîtrier pie (une dizaine),
  23. Grand gravelot (une centaine),
  24. Pluviers argentés (3 oiseaux),
  25. Pluvier doré (1 oiseau posé sur la digue),
  26. Vanneau huppé (une trentaine d’oiseaux qui passent en mer),
  27. Bécasseau sanderling (une dizaine),
  28. Bécasseau violet (2 oiseaux),
  29. Tournepierre à collier (2 oiseaux),
  30. Bécasseau variables (plusieurs centaines),
  31. Barge rousse (au moins un oiseau) – photographié
  32. Courlis cendrés (quelques dizaines),
  33. Labbe parasite (2 oiseaux),
  34. Labbe pomarin (2 juvs) – photographié,
  35. Mouette rieuse (plusieurs centaines en migration active),
  36. Goéland cendré (plusieurs centaines à un millier),
  37. Goéland argentés (argenteus et argentatus) (des centaines),
  38. Goéland leucophée (2 oiseaux de troisième hiver),
  39. Goéland pontique (1 oiseau H1) – photographié,
  40. Goéland brun (plusieurs dizaines) ; dont un oiseau H1 très sombre à queue bicolore pro fuscus – photographié.
  41. Mouette pygmée (des milliers),
  42. Mouette tridactyle (des centaines),
  43. Sterne caugek (1 oiseau),
  44. Mergule nain (3 oiseaux) – photographié,
  45. Guillemot de troïl (quelques rares individus),
  46. Pingouin torda (au moins 1 oiseau),
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(1) : Le réel démentira en début d’après-midi les pronostics météorologiques !
(2) : En général, c’est 1 à 3 coches l’an – et chaque année cela diminue. Forcément (sauf à entreprendre un voyage plus ou moins lointain) …