J’ai aimé l’homme surnuméraire de patrice Jean Et s’il vaut mieux ne pas être au
fond du trou pour lire ce roman féroce, décrivant avec une subtilité
chirurgicale les affres du monde comme il va, rien ne s’oppose à déléguer à
autrui le soin d’en parler – voire d’aller écouter ce que l’auteur a à nous en dire :
ainsi dans cette émission de Réplique, A la recherche du temps présent…
Quelques citations prises à la volée suffiront ici :
L’aliénation par le travail, en déliant les hommes de leurs préoccupations
personnelles, sauve ces derniers du vide et de la médiocrité contemplée,
médiocrité qui acculerait beaucoup d’entre eux à la dépression et au suicide
P 10
La vertu n’est
pas de ne pas concevoir d’impurs désirs, mais de savoir les maîtriser.
P 31
Je l’écoutais
tout me demandant s’il croyait vraiment à ces bêtises. J’avais toujours été
frappé par le dogmatisme bébête des philosophes, du moins des professeurs de
philosophie que j’avais rencontré.
P 71
N’être plus
rien, quand on est moins que rien, c’est une authentique promotion.
P 104
Il en était
pour Chantal comme pour ces condamnés à mort qui, trois heures avant l’exécution,
continuent de papoter, de parler de la couleur du ciel, de fumer, de ranger
leurs affaires, de vivre tout simplement, alors qu’ils n’existeront plus à la
fin du jour.
P 212
Nous prévoyons
le pire pour amortir nos chagrins si le malheur advient.
P 226
S’il est un
mérite aux vacances, c’est de détacher les hommes de la fascination de l’actualité,
du déversoir ininterrompu des informations, de l’Histoire, des luttes
politiques ou syndicales. Ils aperçoivent alors, derrière le voile des
événements, la vie pure et simple. A la
vérité cette expérience est battue en brèche,
aujourd’hui, par l’omniprésence , même dans le désert saharien, des radios ou d’internet.
P 229
Les lettrés sont des amateurs, des amoureux, des passionnés,
jamais ils ne prétendent tenir une
position extérieure, neutre et scientifique … (…) Je me demande parfois si nous
n’accordons pas une place démesurée à la connaissance, en oubliant que celle-ci
doit-être subordonnée à l’intensité de la vie.
P 232 et 246
Combien ai-je vécu de ruptures ? Je sais ce qu’il en est de
la détresse amoureuse. Je comprends la vôtre.
Pourquoi souffrons-nous de la fragilité des choses, alors que la
fragilité est la Loi du monde ? J’ai le sentiment que nous ne sommes pas
faits pour la vie, que l’homme n’est pas à sa place sur ce globe terrestre, que
rien n’est à sa place…
P 255