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Au large du platier d'Oye (photo par Axel)
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J’ai souvent sur cet espace partagé ma passion pour
les oiseaux ; celle plus récente de les photographier également. Mais sans
jamais entrer dans la tambouille du déroulé d’une virée ornithologique. Quoique
disant cela j’ai conscience d’un abus de langage : il y a autant de
manières de vivre la rencontre avec le monde ailé qu’il y a de facettes à nos
humeurs. Autant de lieux, d’envies, d’émois, de hasards, qu’il y a de poils
dans la barbe d’un homme dont le chemin est, disons-le, bien avancé.
Aussi ne vais-je ici, que raconter une expérience
particulière. Car j’ai une appétence de scribe, le goût d’un mémorialiste -
comme si écrire un morceau infime de l’existence pouvait la saisir, et empêcher
le sable du temps de nous filer entre les doigts. Et, par la magie de la relecture,
pouvoir raviver ces secondes déjà décédées – la nostalgie de l’instant à peine
écoulé.
Ce goût de la nature, et des oiseaux en particulier
me vient de l’enfance. Tout d’abord, lorsque accompagnant mon père dans les
bois et les vallons de la Somme nous allions observer chevreuils, lièvres et
autre perdrix (il disait abusivement des « perdreaux »). Souvent
aussi je m’isolais dans le jardin de ma grand-mère. Ancienne paysanne puis
ouvrière en filature, elle s’appelait Albertine et derrière ses airs bourrus
m’aimait bien. Elle habitait un petit village au nom d’insecte, dans une
ancienne ferme. Le logement et les étables, formant un L, coupaient la
propriété en deux. A l’avant une cour, domaine de la raison, s’ouvrait sur la
rue principale du village. A l’arrière s’étirait un vaste jardin, royaume de
l’inconscient et du rêve ; un espace à moitié sauvage sans véritable
limite, puisque donnant sur les étangs de Somme. Les oiseaux y étaient chez
eux. C’est là que je rencontrai ébahi le
pic épeiche pour la première fois, que je découvris l’existence du grimpereau
des jardins. J’aimais cette solitude bercée du cri des poules d’eau. J’y
passais des heures contemplatives, le regard perdu dans les eaux glauques et
transparentes de l’étang. Tout un univers !
A l’âge de douze ans, déjà rétif envers les
oripeaux faussement bienveillants de la religion, je négociai ma soumission. Ma
première paire de jumelles (8x30) pour accepter de porter un cierge – je
n’avais pas trop le choix ; autant prendre le cadeau !
Il y avait aussi cette amitié un peu fusionnelle
avec un ami d’école maternelle, dont l’oncle était ornithologue (une réserve
porte aujourd’hui son nom). Devenus adolescents, presque tous les weekends nous
allions à vélo au Lac du Héron observer les oiseaux. Nous y rencontrâmes, entre
autre, le hibou des marais. Parfois téméraires, nous allions braver le domaine
des clochards, dans le « petit marais », situé derrière chez lui
(l’endroit n’existe plus - remplacé par une rocade). C’est là que nous fîmes
notre coche du gobe-mouche noir !
Mais je m’égare à raviver de vieux souvenirs. Ce
samedi donc, était prévue une virée Ornitho avec mon pote d’enfance. Objectif, la
réserve du platier d’Oye, puis la digue du Break… La météo s’avérait pourtant problématique,
mais avions déjà reporté une fois la sortie. Nous nous lançâmes donc sa
davantage tergiverser dans l’aventure !
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Dans la tempête.... |
Nous quittâmes la métropole à 9h, sous le soleil
pale du matin. La neige n’étant annoncée qu’en milieu d’après-midi. Mais à
l’approche de Dunkerque le ciel s’était blanchi, quelques flocons de neige
voltigeant déjà dans l’air. En arrivant sur le parking du platier d’Oye, cela
avait tourné à la tempête. Mais l’enthousiasme du miroiseur était intact, et
nous allâmes nous frotter aux rudesses du climat dans la bonne humeur. Je
connaissais un « spot » pour les alouettes hausse-cols. Cependant, arrivés
sur le secteur il nous fut impossible, malgré nos efforts, d’approcher les
quelques grappes d’oiseaux encore actifs, rendus très farouches dans la
bourrasque. Ce fut tout d’abord un groupe de grives mauvis. Puis nous suspectâmes
enfin des alouettes… Mais à chaque fois que nous arrivions à moins de 100
mètres, elles fuyaient. Leur cri en vol nous avait orientés sur l’identification
de l’espèce. La poignée de photos prises de loin dans des conditions exécrables,
confirmèrent qu’il s’agissait bien d’alouettes hausse-col. Rebroussant en zigzague
à travers les molières nous fîmes par inadvertance lever dans nos pieds une
bécassine des marais. Voilà pour l’anecdote. De là prîmes le sentier menant aux
deux observatoires de la réserve, croisant quelques merles et autres
rougegorges. La neige redoublait, et nous avions l’allure de deux trappeurs du
grand-soir. Rien au premier observatoire et pas mal de monde au second :
tadornes de belon et canards siffleurs en nombre. Des colverts, des sarcelles
d’hiver et autres espèces coutumières de ces biotopes… Mais au vu des
conditions climatiques, impossible de photographier le moindre oiseau, ni même
de de les observer correctement aux jumelles, toujours embuées.
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Au platier d'Oye (photo par Axel) |
La pause déjeuner fut décidée sur la jetée de
Grand-Fort-Philippe, petite bourgade côtière avec vue sur la centrale nucléaire
de Gravelines. De là allâmes explorer le parc bordant la mer – ce petit parc
qui réserve parois bien des surprises (j’y avais observé à l’automne le
Rougequeue à front blanc). Mais là encore, rien, sauf une bande nombreuse de
pinsons des arbres !
Et de partir du côté de Dunkerque, et plus
précisément à la digue du Breaek, cet endroit si singulier. Il faut imaginer une
route parfaitement rectiligne de plusieurs kilomètres, longeant un canal bordé
d’usines monstrueuses : entre torchères, tuyaux et infrastructures à la
« Mad-Max ». Des quais ou
viennent s’arrimer des navires industriels. De l’autre côté de cette route, la
surplombant, un gros talus dunaire s’adosse à la digue proprement dite, immense
plateau de béton coulant en pente assez nette vers la mer. Il est possible d’y circuler
en voiture sur le plat situé à son sommet, voire pour les plus audacieux de
s’insinuer dans la pente, au risque d’y noyer son véhicule.
D’un point
de vue ornithologique l’endroit est idéalement situé ; les oiseaux de mer
se trouvant abrités dans le canal. Et les passereaux en migration voyant là une
halte propice pour se refaire une santé, après la traversée de la mer. Pour le
miroiseur il est en général d’usage de s’engager sur la route et de rouler au
pas, vitres ouvertes, tout surveillant à la fois le canal, la route proprement
dite et le talus. De s’arrêter, voire de reculer pour suivre un oiseau ou un
groupe d’oiseaux. Et tâcher de le photographier sans parfois chercher descendre
du véhicule.
C’est là, sur cette ligne en front de mer, que nous
fîmes nos coches respectives. Le grèbe esclavon pour mon copain, et le
désormais nommé plectrophane des neiges pour moi – l’oiseau fut appelé jusqu’en 2008,
bruant des neiges ; je sais l’intérêt scientifique des évolutions des noms
d’oiseaux, mais cela n’aide pas toujours !
Et de rappeler la modestie qu’il faut toujours conserver
dans ce genre d’exercice. De ne pas se laisser distraire, ni être trop sûr de
ses connaissances ou de son expérience. Car dans les deux cas qui nous
occupent, ces nouvelles coches furent obtenues sur le fil du rasoir.
Le bruant des neiges : ayant à plusieurs
reprises vu des groupes de passereaux voleter devant le capot de la voiture, et
qu’à chaque fois il s’agissait de pinsons des arbres, lorsque se posèrent deux
nouveaux oiseaux, et qu’une vérification rapide valida encore, pour le plus
proche, la même espèce, un mâle en l’occurrence, avisant le second volatil,
malgré une allure pouvant laisser perplexe, j’en déduisis machinalement que
c’était là une femelle de pinson, certes un peu claire, et avec des plages
alaires anormalement blanches. Mais un pinson que je fis envoler sans trop de
scrupules en avançant. Mais l’oiseau, persévérant, se posa un peu plus loin,
toujours dans l’axe de la route. Nouvel arrêt, nouvelle vérification et là le
gros doute ! Bon sang … Mais le temps d’échanger la paire de jumelles avec
l’appareil photographique, de ne pas réussir à le fixer dans l’objectif et de
reprendre les jumelles, que le visiteur d’hiver prenait le vent en direction
des dunes. Nous ne le revîmes pas.
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Grèbe esclavon (photo par Axel) |
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Comparatif des deux grèbes en hiver ! |
Le grèbe esclavon : mon pote vit un grèbe pas
très loin au bord du canal. Il en tira plusieurs images. C’était sans doute là
un grèbe à- cou-noir, même si le contraste blanc sur la joue paraissait bien
net - mais c’était le plus probable statistiquement. A plusieurs reprises je
reculais le véhicule pour faire coïncider notre axe d’observation à celui de la
remontée probable de l’oiseau, après avoir plongé. Ce dernier restait assez
tranquille, à vaquer à ses occupations sans se soucier de notre présence. Il
neigeait toujours et, le doute faisant son chemin, je sortis du véhicule pour
récupérer mon guide Ornitho dans le coffre. Et d’en profiter pour faire une
poignée de photographies à la volée. Alors grèbe à cou noir ou grèbe
esclavon ? Mon copain avait pris aussi son guide, une édition collector
que j’ai aussi à la maison. Les textes et représentations sont légèrement différents
- il est toujours bon d’avoir plusieurs outils de comparaison. Et, tout restant
à proximité de l’oiseau, de regarder tour à tour les illustrations de nos
livres en lisant les rubriques de caractéristiques, de les comparer à la fois à
nos clichés et à l’oiseau vu dans les jumelles. Le bec me paraissait trop fort
pour un cou-noir mais, en même temps, je croyais distinguer la courbure du bec
vers le haut. Ces choses-là prennent facilement tournure subjective dans le vif
du sujet. Mon copain me répétait : « regarde la pointe du bec. Elle est claire. Coche potentielle » ! Mais je l’avoue je ne voyais pas
grand-chose. A force de débat et d’observations nous finîmes par laisser
l’oiseau, nous résignant au plus raisonnable, c’est-à-dire à un probable grèbe
à-cou-noir. Jusqu’à ce que, le lendemain soir triant mes clichés, je revins à
tête reposée sur les photographies, zoomant au maximum. Quand-même… Drôle de
gueule pour un grèbe à-cou-noir ! Du coup je postais une demande d’avis et
de confirmations sur un forum dédié Facebook. Trois réponses documentées. Et à
chaque fois, la même réponse : grèbe esclavon.
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La mer, face à la digue du Break (photo par Axel) |
Après ces péripéties, nous achevâmes notre
exploration par une promenade à pieds tout au bout de la digue, allant au bord
de l’eau – et tremper de manière symbolique mes bottes dans la mer. Et de
tomber sur plusieurs bandes de bécasseaux Sanderlings. Des oiseaux charmants.
Nous en immortalisâmes plusieurs, dans une belle ambiance hivernale.
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Bécasseaux Sanderlings (photo par Axel) |
Mais le couvre-feu prévu à 18h, déclencha le signal
du retour. La lumière déclinait de toute façon et avions eu notre dose de neige
et de froid. Au loin virevoltaient les fou de Bassan...
Une bien belle journée.
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Shoot des bécasseaux Sanderling sur la plage de la digue du Break |