J’ai lu ce livre suite à une belle émission de Répliques de février 2015 consacrée à la romancière et conteuse danoise. Un roman qui n’en
est pas un – entre souvenirs et accommodements au réel, entre tragédie et déambulations parmi les six
mille acres de la ferme. Un livre magnifique… Et en écho ; à tirer des
larmes…
Fidèle à mon habitude j’y ai relevé l’essentiel des
références faites aux oiseaux. Cela commence plutôt mal :
« … je descendais
souvent tirer des perdrix dans les champs de patates autour des huttes de
squatters. A cette heure-là, les ramiers roucoulaient bien haut dans les arbres
effilés, reste épars de la forêt vierge qui recouvrait jadis le pays entier »
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| Denys Finch Hatton
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De l’ami et de l’amant ; Denys
Finch Hatton parti dans son avion un vendredi, le 8 mai 1931, pour Nairobi
:
« Attends-moi jeudi, dit-il. Je reviendrai à temps pour déjeuner avec
toi. » Alors qu’il avait déjà tourné au coin du bois, il revint chercher
un recueil de poésie qu’il m’avait offert autrefois et qu’il souhaitait
emporter pour ce voyage. Il resta là, un pied sur le marchepied de
l’automobile, un doigt posé sur le livre, et me lut un poème dont nous avions
parlé. « Voici tes oies grises », me dit-il.
« J’ai vu les oies grises
survoler la plaine,
Les oies grises qui frémissent
dans les hauteurs du ciel,
-
Et vont
d’un trait d’un horizon à l’autre.
Le cri de leur âme se bloque dans
leur groge,
Et j’ai vu leur blancheur grise
veiner l’azur immense,
Et les rayons du soleil sur les
montagnes brisées. »
« Puis il partit
pour de bon, agitant la main avant de disparaitre ».
Ce fut leur dernière rencontre Denys périssant peu à après
dans un accident d’avion…
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Ferme de karen Blixen
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Dans la ferme les animaux abimés trouvent refuge… Ainsi
cette cigogne rappelant à Karen Blixen ses terres natales :
« Une fois, j’avais recueilli dans la maison une cigogne avec une aile cassée.
En la regardant, j’avais le mal du pays, car elle semblait appartenir au
Danemark. Elle avait un caractère décidé et réservé, elle se promenait dans
toute les pièces et, quand elle entrait dans ma chambre, elle se précipitait
immédiatement vers mon grand miroir, où elle se lançait dans un duel avec son
propre reflet, bondissant avec le bec en guise de rapière. Cette cigogne
suivait Kamante partout (…) il envoyait les garçons chercher des grenouilles pour
la cigogne dans les étangs et les prairies ».
D’un mystérieux chanteur…
Je
comprends d’autant mieux cette frustration à ne pas voir l’oiseau que moi-même,
durant l’adolescence, arpentant un chemin de halage étiré le long de la Somme,
je fus longtemps incapable de débusquer visuellement les coucous gris qui
parasitaient les nids des passereaux alentour :
« Il existe en Afrique un coucou qui chante au milieu des journées les
plus chaudes et au cœur de la forêt. On croirait absolument entendre battre le coeur
du continent entier. Jamais je n’ai eu la chance de voir ce coucou, ni moi, ni
personne d’ailleurs, car nul ne peut me dire à quoi il ressemble. »
Des oies et d’une cigogne et de leur effet sur le clergé indien :
« Le vieil homme, léger comme une plume, s’intéressait aux oiseaux. A cette époque, j’avais une cigogne apprivoisée, toujours fourrée à la maison, et un troupeau d’oies, dont aucune n’était jamais tuée et qui déambulaient sur ma pelouse, afin que mon jardin me rappelle le Danemark. Le prêtre indien montra beaucoup d’intérêt à leur égard et, en désignant les points cardinaux , chercha à comprendre d’où elle venaient »
Et sur l’étang creusé dans la propriété :
« … à la saison sèche, des volées d’oiseaux s’y retrouvaient : hérons, ibis, martins-pêcheurs,
cailles ainsi que des canards et des oies d’une douzaine d’espèces différentes »
En avion avec Denys Finch-Hatton,
lorsque la légende se mêle à l’histoire :
« Ce chemin dans le ciel était le même qu’empruntait chaque soir l’oiseau
Rok, en sens inverse, d’Ouganda jusqu’à son nid en Arabie, avec un éléphant
dans chaque serre »
Ici, une approche plus
ornithologique :
« On trouvait aussi dans les Ngong Hills deux aigles à queue courte. Denus
disait : « Allons voir les aigles ». J’en ai vu un, une fois,
posé sur une pierre, très haut, près du sommet, et je l’ai vu s’envoler. Mais
sinon, on aurait dit qu’ils passaient leur vie entière dans les airs »
Mais aucun écrit teinté de
romantisme ne peut oblitérer tout à fait le rossignol :
« Au tout début de la saison
des pluies, la dernière semaine de mars ou la première d’avril, j’ai entendu le
rossignol dans la forêt africaine. Pas le chant dans son entier : quelques
notes, les premières mesures d’un
concert, une répétition générale interrompue puis reprise. On aurait dit
que quelqu’un était perché dans un arbre de la forêt ruisselante et accordait
un violoncelle minuscule ».
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Karen Blixen & Denys Finch Hatton
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Enfin un combat entre un coq et
caméléon. Une scène d’à peine dix secondes ; tragédie de l’infime…
« L’imposant coq blanc de Fathima s’avança fièrement vers moi. Il s’arrêta
soudain, inclina la tête sur le côté, la crête hérissée. Un petit caméléon gris,
sorti de bonne pour manger comme le coq, apparu de l’autre côté du
chemin. Le coq se précipita sur le caméléon en poussant des petits gloussements
de satisfaction. Le caméléon s’arrêta net apercevant le coq, comme pétrifié. Il
avait peur, mais il avait aussi du
courage. Il enfonça ses pattes dans le sol, ouvrit bien grande sa bouche pour
effrayer son assaillant, et, à la vitesse de l’éclair, projeta vers le coq sa
longue langue raide en forme de massue. Le coq parut surpris l’espace d’un instant,
et sembla hésiter. Puis, se servant de on bec comme d’un marteau, il frappa
résolument et coupa la langue du caméléon ».