Blogue Axel Evigiran

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La dispersion est, dit-on, l'ennemi des choses bien faites. Et quoi ? Dans ce monde de la spécialisation extrême, de l'utilitaire et du mesurable à outrance y aurait-il quelque mal à se perdre dans les labyrinthes de l'esprit dilettante ?


A la vérité, rien n’est plus savoureux que de muser parmi les sables du farniente, sans autre esprit que la propension au butinage, la légèreté sans objet prédéterminé.

Broutilles essentielles. Ratages propices aux heures languides...


22 avr. 2016

Les oiseaux, dans La ferme africaine de Karen Blixen


J’ai lu ce livre suite à une belle
émission de Répliques de février 2015 consacrée à la romancière et conteuse danoise. Un roman qui n’en est pas un – entre souvenirs et accommodements au réel,  entre tragédie et déambulations parmi les six mille acres de la ferme. Un livre magnifique… Et en écho ; à tirer des larmes…

Fidèle à mon habitude j’y ai relevé l’essentiel des références faites aux oiseaux. Cela commence plutôt mal :

« … je descendais souvent tirer des perdrix dans les champs de patates autour des huttes de squatters. A cette heure-là, les ramiers roucoulaient bien haut dans les arbres effilés, reste épars de la forêt vierge qui recouvrait jadis le pays entier »

Denys Finch Hatton

De l’ami et de l’amant ; Denys Finch Hatton parti dans son avion un vendredi, le 8 mai 1931, pour Nairobi : 

« Attends-moi jeudi, dit-il. Je reviendrai à temps pour déjeuner avec toi. » Alors qu’il avait déjà tourné au coin du bois, il revint chercher un recueil de poésie qu’il m’avait offert autrefois et qu’il souhaitait emporter pour ce voyage. Il resta là, un pied sur le marchepied de l’automobile, un doigt posé sur le livre, et me lut un poème dont nous avions parlé. « Voici tes oies grises », me dit-il.
« J’ai vu les oies grises survoler la plaine,
Les oies grises qui frémissent dans les hauteurs du ciel,
-          Et vont d’un trait d’un horizon à l’autre.
Le cri de leur âme se bloque dans leur groge,
Et j’ai vu leur blancheur grise veiner l’azur immense,
Et les rayons du soleil sur les montagnes brisées. »

« Puis il partit pour de bon, agitant la main avant de disparaitre ».

Ce fut leur dernière rencontre Denys périssant peu à après dans un accident d’avion…

Ferme de karen Blixen

Dans la ferme les animaux abimés trouvent refuge… Ainsi cette cigogne rappelant à Karen Blixen ses terres natales :

« Une fois, j’avais recueilli dans la maison une cigogne avec une aile cassée. En la regardant, j’avais le mal du pays, car elle semblait appartenir au Danemark. Elle avait un caractère décidé et réservé, elle se promenait dans toute les pièces et, quand elle entrait dans ma chambre, elle se précipitait immédiatement vers mon grand miroir, où elle se lançait dans un duel avec son propre reflet, bondissant avec le bec en guise de rapière. Cette cigogne suivait Kamante partout (…) il envoyait les garçons chercher des grenouilles pour la cigogne dans les étangs et les prairies ».


D’un mystérieux chanteur… 
Je comprends d’autant mieux cette frustration à ne pas voir l’oiseau que moi-même, durant l’adolescence, arpentant un chemin de halage étiré le long de la Somme, je fus longtemps incapable de débusquer visuellement les coucous gris qui parasitaient les nids des passereaux alentour :

« Il existe en Afrique un coucou qui chante au milieu des journées les plus chaudes et au cœur de la forêt. On croirait absolument entendre battre le coeur du continent entier. Jamais je n’ai eu la chance de voir ce coucou, ni moi, ni personne d’ailleurs, car nul ne peut me dire à quoi il ressemble. »

Des oies et d’une cigogne et de leur effet sur le clergé indien :

« Le vieil homme, léger comme une plume, s’intéressait aux oiseaux. A cette époque, j’avais une cigogne apprivoisée, toujours fourrée à la maison, et un troupeau d’oies, dont aucune n’était jamais tuée et qui déambulaient sur ma pelouse, afin que mon jardin me rappelle le Danemark. Le prêtre indien montra beaucoup d’intérêt à leur égard et,  en désignant les points cardinaux , chercha à comprendre d’où elle venaient »

Et sur l’étang creusé dans la propriété :

« … à la saison sèche, des volées d’oiseaux s’y retrouvaient  : hérons, ibis, martins-pêcheurs, cailles ainsi que des canards et des oies d’une douzaine d’espèces différentes »


En avion avec Denys Finch-Hatton, lorsque la légende se mêle à l’histoire :

« Ce chemin dans le ciel était le même qu’empruntait chaque soir l’oiseau Rok, en sens inverse, d’Ouganda jusqu’à son nid en Arabie, avec un éléphant dans chaque serre » 

Ici, une approche plus ornithologique :

« On trouvait aussi dans les Ngong Hills deux aigles à queue courte. Denus disait : « Allons voir les aigles ». J’en ai vu un, une fois, posé sur une pierre, très haut, près du sommet, et je l’ai vu s’envoler. Mais sinon, on aurait dit qu’ils passaient leur vie entière dans les airs »


Mais aucun écrit teinté de romantisme ne peut oblitérer tout à fait le rossignol :

« Au tout début de la saison des pluies, la dernière semaine de mars ou la première d’avril, j’ai entendu le rossignol dans la forêt africaine. Pas le chant dans son entier : quelques notes, les premières mesures d’un  concert, une répétition générale interrompue puis reprise. On aurait dit que quelqu’un était perché dans un arbre de la forêt ruisselante et accordait un violoncelle minuscule ». 

Karen Blixen & Denys Finch Hatton

Enfin un combat entre un coq et caméléon. Une scène d’à peine dix secondes ; tragédie de l’infime…


« L’imposant coq blanc de Fathima s’avança fièrement vers moi. Il s’arrêta soudain, inclina la tête sur le côté, la crête hérissée. Un petit caméléon gris, sorti de bonne pour   manger comme le coq, apparu de l’autre côté du chemin. Le coq se précipita sur le caméléon en poussant des petits gloussements de satisfaction. Le caméléon s’arrêta net apercevant le coq, comme pétrifié. Il  avait peur, mais il avait aussi du courage. Il enfonça ses pattes dans le sol, ouvrit bien grande sa bouche pour effrayer son assaillant, et, à la vitesse de l’éclair, projeta vers le coq sa longue langue raide en forme de massue. Le coq parut surpris l’espace d’un instant, et sembla hésiter. Puis, se servant de on bec comme d’un marteau, il frappa résolument et coupa la langue du caméléon ». 


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