Blogue Axel Evigiran

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La dispersion est, dit-on, l'ennemi des choses bien faites. Et quoi ? Dans ce monde de la spécialisation extrême, de l'utilitaire et du mesurable à outrance y aurait-il quelque mal à se perdre dans les labyrinthes de l'esprit dilettante ?


A la vérité, rien n’est plus savoureux que de muser parmi les sables du farniente, sans autre esprit que la propension au butinage, la légèreté sans objet prédéterminé.

Broutilles essentielles. Ratages propices aux heures languides...


12 janv. 2019

Au cœur de la Bourgogne, un détour par Cluny…

Vue générale de Cluny, depuis la cour (photo par Axel)


Depuis Lyon, où il fait si bon vivre, se laisser couler en Bourgogne...
Après quelques lacets, dans un paysage tout en ondulation ou filent impassibles les milans royaux, grimper le coteau ou se perche la forteresse de Berzé-le-Châtel, au cœur du vignoble mâconnais. De là, après de paisibles déambulations, détour oisif parmi les tours médiévales, descendre sur Cluny. Sans hâte…

Château de Berzé-le-Châtel (photo par Axel)
Dans l'ecclesia (photo par Axel)
Alors profitons de l’occasion donnée par la découverte toute récente d’un trésor pour évoquer en quelques mots l’abbaye siégeant au cœur du bourg éponyme.
Anne Baud, archéologue du fait religieux (médiéval), nous raconte[1] comment, presque par hasard, elle découvrit une « enveloppe en tissu contenant plus de 2000 deniers clunisiens, et dedans il y avait un autre petit sac en cuir qui contenait des pièces d’or, 21 dinars d’or, plusieurs feuilles d’or pliées et une magnifique bague sigillaire (qui fait des sceaux)…
(…) On a 2113 deniers clunisiens, avec 150 oboles (une obole = la moitié d’un denier), c’est extrêmement rare, il y’en a très peu en circulation et puis on a 6 autres deniers qui proviennent d’ailleurs (2 de Meaux, 1 de Bourgogne 2 aussi de Louis VII roi de France). »
La découverte est d’autant plus extraordinaire, qu’au-delà des circonstances fortuites de la trouvaille, c’est la première fois qu’on exhume un tel trésor in situ, dans une abbaye médiévale ; c’est-à-dire à l’endroit même où on l’a déposé, et non dans un remblai ou un champ…

A Cluny se mêlent des ambiances diverses…
Des restes de constructions médiévales étalées sur plusieurs siècles, fabuleuses d’audace et nimbées de majesté étrange, côtoient des bâtiments d’époques plus récentes à l’austérité plâtreuse. Choc des styles, ou l’on devine ou va la préférence du narrateur.
Cluny est la plus grande abbaye de l’occident chrétien. Fondé en 910 par Guillaume d’Aquitaine, le complexe sera déclaré en 955 « Monastère, bourg et place forte ». Sa particularité est de ne dépendre en rien du roi de France.
Monastère bénédictin, Cluny suit au plus près la règle de Saint Benoit, qui essaimera ensuite pour  former l’ordre clunisien. Et des douze moines fondateurs en 910 on en retrouvera, deux siècles plus tard, pas moins de 10.000, répartis dans pas loin de 1500 places européennes. Il y aurait tant à dire…  Mais cela dépasserait largement le cadre de ce modeste billet, dont l’objet est de susciter le pas de côté. 

Déambuler sous les voutes du grand transept, ou ce qu’il en reste, fait sentir au badaud toute sa petitesse. Irisé de lumière le colosse de pierre étire les 25m de son squelette – une colonne vertébrale qui en mesurait 80 à l’origine ; avant que la Révolution ne lui fasse sentir que tout passe ! En effet, en 1791, alors qu’ils ne sont plus qu’une douzaine à hanter les lieux (retour aux sources), les moines célèbrent une dernière messe, alors que le pillage a déjà commencé. Et, en 1798, pour parachever l’œuvre de destruction l’endroit sera déclaré carrière de pierres à ciel ouvert. Parmi les fossoyeurs, un curé défroqué, comme il se doit…

Cloître de Cluny (photo par Axel)

Sous les voutes de Cluny... (photo par Axel)
Mais remontons un instant le temps pour nous arrêter fin 1141, l’année ou Abélard, poursuivi par la vindicte de Bernard de Clairvaux, ce fauteur de croisades et mortificateur en chef,  trouvera refuge et hospitalité à la major ecclesia, l’église de Cluny étant à cette époque la plus vaste de la chrétienté (elle le restera jusqu’à la construction, au XVIe, de St Pierre de Rome). Condamné en juillet, Abélard fort diminué par l’âge et la maladie, à l’intention de faire appel du jugement auprès du souverain pontife à Rome. Il n’y parviendra pas, et mourra en avril 1142 au prieuré Saint-Marcel, rattaché à Cluny. Ses frères lui érigeront un tombeau monumental dans l’abbatiale même.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là et je cède la parole à mieux informé que moi :


La suite des péripéties, qui s’étaleront jusqu’en 1801,  est à lire sur le site Tombes et sépultures.

Mais avant de quitter Cluny, visitons la chapelle Jean de Bourbon, monument de poupée, exquis et singulier par ses mesures ; bonzaï de pierre où il fait bon se perdre à l’écart des foules, en ces jours propices de fin d’après-midi lorsque le soleil, invisible s’essouffle au-dessus de la ville.

Et juste avant de rebrousser, passons par le bâtiment du Farinier avec sa charpenter en berceau, vaisseau retourné, daté des années 1275. Et songer que l’histoire de Cluny remonte bien au-delà du Moyen-Age, et que parmi les décombres fut retrouvé un four antique ; témoin d’une continuité d’occupation depuis les époques les plus reculées.

Facéties en la Sainte Chapelle...


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