Blogue Axel Evigiran

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La dispersion est, dit-on, l'ennemi des choses bien faites. Et quoi ? Dans ce monde de la spécialisation extrême, de l'utilitaire et du mesurable à outrance y aurait-il quelque mal à se perdre dans les labyrinthes de l'esprit dilettante ?


A la vérité, rien n’est plus savoureux que de muser parmi les sables du farniente, sans autre esprit que la propension au butinage, la légèreté sans objet prédéterminé.

Broutilles essentielles. Ratages propices aux heures languides...


14 avr. 2019

De retour en baie de Somme, parmi les oiseaux

Du côté de la baie de Somme (photo par Axel) - 2018


Sans doute est-ce une pathologie commune, mais je confesse aimer me rendre au même lieu, à une ou deux années de distances ; y aviver mes souvenirs et sonder mes états d’âme – écart, synchronicité, symbiose ou rupture totale. Ceci est particulièrement vrai des endroits chargés émotionnellement.  La nostalgie y a évidemment sa part… Mais s’y mêle un sentiment plus diffus, avec l’idée de la mise en pratique du temps vécu non pas comme flèche toujours tournée vers le devenir (le temps linéaire des physiciens pour parler comme Etienne Klein), mais ce temps cyclique propre à moult civilisations de jadis. Ce temps vécu comme « Eternel recommencement » ; non pas à la manière de Nietzsche qui, dans l’Amor Fati, envisageait le retour du même.  Mais un cercle de nuances subtiles, avec ses constantes, ses variations et la singularité de ses tonalités. Un cercle mouvant, ensemencé de ces « je ne sais quoi et presque rien » chers à Jankélévitch, et qui font toute la saveur du réel comme il va…

Vue du Crotoy (photo par Axel) - Avril 2018

Ainsi de la Baie de Somme ; du Crotoy et de ses écrivains d’hier – de Jules Verne à Colette, du sentier côtier accroché à la dune – ou s’ébrouent les rossignols au printemps, de la rue des mouettes – où elles ne sont plus si nombreuses que jadis, du chemin conduisant à cet au-delà de la Baie - là ou s’éprouve la philosophie des piquets à moules… Et tant d’autres lieux encore sous ce ciel propices aux rêveries…

Des premières secondes d’avril 2018 à celles de 2019 – les mêmes pas, les mêmes endroits ou presque… Jour pour jour, ou si peu s’en faut. L’an passé avec son ciel noir et ses tempêtes, le gros vent et les éclaircies subites, posées sur les épaules du promeneur pour le réconforter du chagrin des embruns. L’an 2019 avec son grand soleil qui, sans faiblir inondait les sables et les flots tranquilles de son humeur joyeuse…

Se retrouver seul, au cœur de l’immensité parmi les oiseaux, est une expérience dont la mise en mots reste fatalement en deçà du ressenti… En particulier si, par chance, on se retrouve au détour d’une dune d’un coup plongé au milieu d’une cohorte de passereaux rares – très rare mêmes sur nos rivages, picorant dans les sables en quête d’insectes. Des oiseaux à la tête peinte en jaune et noir,  vagabondant et virevoltant alentour sans trop se préoccuper de ce visiteur humain, augmenté de son appareil photographique – et qui plus d’une heure durant, restera en leur compagnie.
L’alouette haussecol donc, telle est l’espèce en question. Migratrice et de passage sur les rivages de la Somme et des Hauts de France, grosso modo de novembre à fin mars.
Ici l’expérience du terrain confère au hasard sa part de prévisibilité… Et je savais fort bien que si je devais les trouver ce serait à cet endroit précis, pour avoir déjà repéré les lieux l’an passé – mais il était tard en saison pour espérer encore en croiser. Aussi, à la vue d’oiseaux « atypiques » (à l’œil un peu exercé), le cœur du miroiseur eût un sursaut ; ce sursaut d’excitation mêlée de doute. Puis la certitude, la joie un peu frénétique… Une fébrilité tempérée par la nécessité de caler l’objectif sur le rencontre à immortaliser.

Alouette haussecol (photo par Axel)

Alouettes haussecols (photo par Axel)
Alouette haussecol (photo par Axel)
Pour les amateurs d’étymologie.
Sur le terme générique tout d’abord : alouette, « du latin Alauda. Le mot est en fait d’origine gauloise, ainsi s’expliquerait le nom Alauda donné par César à la légion de mercenaires par lui recrutée (…) L’alouette semble bien avoir été un oiseau sacré pour les Gaulois en raison des traces laissées dans le folklore français. Son chant est signe de joie et sa façon de voler très haut dans le ciel est un symbole du ciel (en anglais on la nomme sky lark, et to sing like a lark, « chanter comme une alouette », signifie être gai comme un pinson). » [1]

Quant à l’alouette haussecol en particulier, notons que son nom est à mettre en relation avec le « plastron noir qui rehausse la tête du mâle. Un hausse-col était une pièce métallique d’armure protégeant la base du cou ».
Enfin, puisque chaque espèce d’oiseaux se caractérise en premier lieu par son nom scientifique, rappelons que l’alouette haussecol est nomenclaturée sous le nom d’Eremophila alpestris. « Eremophila, du grec érèmia (le désert) et philos (qui aime). Alpestris, dans le sens de montagne en général, car elle niche en effet dans les toundras montagneuses (mais aussi au Maroc) ».

Pouillot fitis (photo par Axel)

Grèbe castagneux (photo par Axel)

Grèbe à cou noir (photo par Axel)


Mais en ces quelques jours, aux prémices d’avril, il y eût bien d’autres rencontres avec nos amis ailés. Et, aux détours des chemins, de l’estran, du maquis  et d’ailleurs, ce ne furent pas moins de 64 espèces différentes qui furent observées (sans compter celles uniquement côtoyées par contact auditif).
Parmi les plus notables : le râle d’eau, le phragmite des joncs, le pouillot fitis, le bouvreuil pivoine, ou encore un oiseau au nom scientifique redoublé : Limosa limosa (du latin limosus, qui signifie boueux, vaseux –autrefois appelé limosa melanura, nom qui à mon goût convenait mieux) et qui fit vivre à votre serviteur quelques instants de grâce – mais c’est une autre histoire !

Barge à queue noire (photo par Axel)

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QUELQUES AUTRES OISEAUX
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Rale d'eau (photo par Axel)

Pipit farlouse (photo par Axel)

Linotte mélodieuse (photo par Axel)

Cygne tuberculé (photo par Axel)

Sarcelle d'hiver (photo par Axel)

Bécassine des marais (photo par Axel)

Phragmite des joncs (photo par Axel)

Bergeronnette grise (photo par Axel)

Canard chipeau (photo par Axel)



[1] Je tire ces informations de l’excellent ouvrage « L’étymologie des noms d’oiseau » de Pierre Cabard et Bernard Chauvet, paru chez Belon. Un livre exhaustif.

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