Blogue Axel Evigiran

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La dispersion est, dit-on, l'ennemi des choses bien faites. Et quoi ? Dans ce monde de la spécialisation extrême, de l'utilitaire et du mesurable à outrance y aurait-il quelque mal à se perdre dans les labyrinthes de l'esprit dilettante ?


A la vérité, rien n’est plus savoureux que de muser parmi les sables du farniente, sans autre esprit que la propension au butinage, la légèreté sans objet prédéterminé.

Broutilles essentielles. Ratages propices aux heures languides...


9 juin 2022

Des Calanques et de grotte Cosquer …

Vue depuis le belvédère Sugiton (photo par Axel)

Des paysages irracontables, en escarpements au-dessus du bleu céruléen de la Mare Nostrum … A s’épuiser de bonheur sur les sentiers ardus de rocailles blanches. Le vide à portée d’œil. Les calanques marseillaises sont l’un de ces lieux où l’on éprouve la petitesse de l’humain, la vacuité des ambitions.


Y serpentent foultitudes d’invites à l’aventure, des occasions de repousser nos limites, pour le meilleur. Car au mot randonnée, pire celui de « randonnée sportive[1] » il est loisible de préférer celui de périple – et qualifier le marcheur d’arpenteur de l’infime ! Car les calanques ne se savourent point au pas de course.

 

Sur le côté de la calanque Sugiton (photo par Axel)

Le mot Calanque dit-on provient d’un vieux vocable provençal, calo, désignant une « petite crique rocheuse ». Quant au suffixe anca, il indiquerait une pente rapide. Mais les mots sont toujours courts pour décrire la nature en majesté. Car l’aridité de ces étendues blanches et tortueuses, picorées du vert de la végétation souvent rase, tombant en à-pic dans la mer aux reflets changeants, sont d’une beauté époustouflante. Un spectacle qui se mérite !

Hélas les calanques sont victimes de leur succès et d’aménagements qui permettent de rejoindre trop aisément à notre goût les quelques plages lovées au creux des criques – « l’esprit Démocratique » frappant où il peut. Et, dès le matin, c’est vite le déversoir des foules en mal de plongeoirs. Au point d’envisager de restreindre l’accès à la Calanque du Sugiton, la plus touchée : "Certains jours, nous sommes à 2.500 personnes et nous aimerions baisser entre 400 et 600 visiteurs au quotidien”. Un mal nécessaire 


La calanque Sugiton tel que vous ne pourrez la voir en haute saison (photo par Axel)

La calanque Sugiton tel que vous ne pourrez la voir en haute saison (photo par Axel)

Aussi, pour qui le peut, les calanques se pratiquent hors saison. En mars il ne s’y trouve presque personne, en mai cela devient problématique (heureusement la plupart ne viennent là que pour se dorer au soleil – et les sentiers escarpés restent assez désertés pour pouvoir savourer l’esprit des lieux). En été c’est l’enfer !

 

Au-dessus de la calanque Sugiton (photo par Axel)

Au-dessus de la calanque Sugiton (photo par Axel)

Parcours

Mais assez de généralités et allons au col, puis au belvédère du Sugiton. Y pauser sur un petit promontoire de pierre tandis que filent dans le vent les martinets noirs ; et jouir d’une vue panoramique allant de l’archipel de Riou jusqu’aux falaises de Cassis. Puis plonger vers la calanque, passant sous l’ombre de la Falaise des toits. Prendre un bain de mer avant de grimper l’échelle de fer en direction du cap Sugiton. Ensuite, le passage s’il n’est pas périlleux, nécessite cependant un peu de mollet, à éviter pour qui est sujet au vertige – dans cette partie du périple on a parfois la surprise de croiser des olibrius en tong et short de bain, ceux-là même qu’il faut aller ensuite secourir et dont l’inconscience pousse parfois les autorités à fermer les sentiers … 

L'échelle (photo par Axel)


Sentier du Sugiton (photo par Axel)

Lorsqu'il est préférable de se laisser couler sur la pente (photo par Axel)

(Pour ceux qui ont FB : votre serviteur dans la pente !)


Mais rejoignons la calanque de Morgiou et son petit port. De là, empruntons la corniche du Renard, avant de gravir la crète Morgiou. Le sentier fait ensuite une courbe en U jusqu’au fortin de Morgiou, enfin ce qu’il en reste, une place forte presque confondu avec la rocaille. Puis descendons vers la mer vers la pointe de la voile, falaise abrute, et suivons l’anse située au-dessus de la grotte Cosquer. Alors pousser à l’extrême, jusqu’à la calanque de la triperie.

 

Vue depuis le cap Sugiton (Photo par Axel)

Anse de la Triperie (photo par Axel)

Port de Morgiou (photo par Axel)

La corniche du Renard (photo par Axel)

Le fortin (Photo par Axel)

De la grotte Coquer justement, dont l’entrée se situe aujourd’hui à 37 mètres sous les flots… Un épisode de l’émission Carbone 14 sur France-Culture en janvier de cette année lui fut consacrée… On y apprend, entre autres, que le site, déclaré en septembre 1991, ne contient pas moins de 550 représentations pariétales (peintures et gravures) dont les plus anciennes remontent à environ 27 000 ans - fréquentation de la grotte échelonnée sur 12 000 ans environs (de 27 000 à 15 000 – du gravettien au magdalénien).

Source : Office de la mer

Pour les représentions animales, l’espèce la plus courante sont les chevaux (84), suivis des bouquetins (34). En troisième position viennent les bisons et aurochs (28). Après les cerfs et les biches on a les phoques (14), particularité de la grotte Cosquer ainsi que quelques pingouins (4) et d’autres espèces encore ; un bestiaire très vaste ! 

Une réplique de la grotte Cosquer vient d’être inaugurée (4 juin) dans le bâtiment de la Villa Méditerranée à Marseille.

 


Ainsi, marchant sur le sentier des crêtes de Morgiou, on se trouve sur les traces des chasseurs-cueilleurs de la préhistoire qui parcouraient ces paysages magnifiques, avant que notre espèce ne se sédentarise. Certes, le niveau de la mer était alors beaucoup plus bas, le climat fort différent et les nuits plus pures. Mais l’on ne peut s’empêcher de rêver à la poussière du temps qui s’écoule. De ces époques reculées, étirées sur de millénaires aux accélérations modernes, avec les saccages commis à l’ère de l’anthropocène …

 

Vue depuis la crête Morgiou (Photo par Axel)

Mais reprenons nos pérégrinations méditerranéennes. Au reposoir en surplomb de l’anse de la Triperie, il est bon de savourer le fracas de flots, et boire la ligne d’horizon jusqu’à plus soif. Et, dans l'après-midi bien avancé, une fois reposés rebrousser chemin pour retrouver le col du Renard (86 m) et, dans un ultime effort, escalader la crète Morgiou et atteindre le Cancéou (222 m) sur une pente raide, dans la caillasse – peut-être la partie la plus éprouvante du parcours. Enfin dévaler la montagne, contournant le port de Morgiou, et remonter parmi les hommes, vers le point de départ.

 

Il y aurait tant encore à broder. Mais mieux vaut marcher … Marcher les sens en éveil.


Sur le chemin du retour ... (photo par Axel)

Petit détour pour voir au loin la calanque de Sorgiou (photo par Axel)




[1] Ces gens épris de performance, en tenue fluo, équipés comme des pros et équipés en général de bâtons qui s’entendent à des kilomètres.

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