Blogue Axel Evigiran

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La dispersion est, dit-on, l'ennemi des choses bien faites. Et quoi ? Dans ce monde de la spécialisation extrême, de l'utilitaire et du mesurable à outrance y aurait-il quelque mal à se perdre dans les labyrinthes de l'esprit dilettante ?


A la vérité, rien n’est plus savoureux que de muser parmi les sables du farniente, sans autre esprit que la propension au butinage, la légèreté sans objet prédéterminé.

Broutilles essentielles. Ratages propices aux heures languides...


30 nov. 2015

A propos de la Cop21 : Dominique Bourg, invité par Etienne Klein dans la Conversation scientifique

Dans la série d’émission tournant autour de la problématique climatique sur France Culture, le 21 novembre dernier Etienne Klein invitait Dominique Bourg sur le sujet suivant : « À quoi pense la pensée écologique ? ».

La conversation scientifique, par Etienne Klein

En voici un petit extrait, situé en fin d’émission.

Etienne Klein :
Pensez-vous que des choses décisives vont être discutées ? (à la COP 21)

Dominique Bourg :
Non, je n’ai pas cette naïveté. Je n’attends pas grand-chose pour une raison très simple : nous avons à faire à des gens qui négocient sur un sujet et qui prennent des décisions totalement contradictoires sur d’autres.  Donc comment ces gens pourraient nous faire avancer sur ces questions ? En plus, si nous voulions vraiment avancer sur ces questions il faudrait qu’on les traite avec la même rigueur que l’on traite la finance. C’est-à-dire que l’on ait une vision systémique des choses, ce qu’on ne fait pas. On va traiter le climat en silo et on va signer le traité de commerce  transatlantique de l’autre.


EK :
On s’intéresse à un symptôme qui est le réchauffement climatique, sans voir qu’en fait qu’il n’est qu’un symptôme et que la cause est notre combustion d’énergie fossile à haute dose qui a des effets négatifs…

DB :
Dominique Bourg
Si franchement on devait attendre quelque chose d’important à la COP21 vous auriez dès aujourd’hui  un krach boursier puisque le GIEC nous demande de ne plus extraire du sol 80% des réserves fossiles techniquement exploitables. Si on le faisait je crois que c’est 30.000 milliards de dollars d’actif qui seraient rayés d’un trait de plume, avec un krach boursier énorme. Rassurez-vous vous ne verrez aucun krach pendant la COP.

EK :
Que répondez-vous à ceux qui disent que les scientifiques du GIEC sont des scientifiques politisés ?

DB :
Dictionnaire de la pensée écologique
C’est d’une bêtise inouïe. Nous sommes de l’ordre du gag parce que dans la production scientifique aujourd’hui la plupart des choses que l’on produit dans beaucoup de domaines ce sont des objets. Et ce sont des objets destinés à nourrir un marché, à nourrir la concurrence, la croissance. On continue à parler de science mais pour moi, naïvement, être scientifique c’est produire des énoncés les plus vraisemblables possibles. Quand on produit un objet il n’est ni vrai ni faux. On met à profit les connaissances scientifiques mais la finalité de l’action n’a plus rien à voir avec la connaissance. Et donc là on est vraiment dans le politique total et l’économique. Cela n’a pas l’air de gêner tous ces gens qui crient à l’orfraie. Et puis du côté de cette critique, effectivement d’une stupidité totale, imaginons que des astrophysiciens nous avertissent qu’un astéroïde est en train d’arriver sur la terre, ils devraient se taire parce que sinon ils rompent avec la neutralité de la connaissance.
C’est ce que racontait récemment sur cette antenne un des climato-sceptique que je trouve totalement insupportable, Benoit Rittaud[1], à propos des scientifiques du climat qu’il appelle avec ridicule les « réchauffistes »… Que fait-il lui, avec son climato-scepticisme, si ce n’est d’interdire une action politique ?… Il n’y a pas plus politique, au plus mauvais sens du terme que les âneries de ce garçon.



EK :
Mais ce qu’il dit c’est exactement ce qu’on a envie d’entendre quand on n’a pas envie de changer les  choses….

DB :
Effectivement. En revanche tournons-nous vers d’autres scientifiques, du côté des sciences sociales et humaines, il y a de très belles enquêtes qui ont été faites aux Etats-Unis : le seul lien qu’on arrive à trouver c’est celui entre la croyance au marché, une croyance  vraiment sans limites – le marché capable de résoudre toutes les difficultés et climato-scepticisme. Plus vous adhérez à l’idée selon laquelle le marché est un mécanisme infaillible à toute échelle, plus vous allez être climato sceptique. Donc on voit bien que le climato scepticisme s’enracine dans un amour de la toute-puissance du marché. Donc dans une adhésion très politique qui se dénie comme telle.

(…)

Nous avons des capacités mentales finies. On le voit bien : on avertit les gens d’un danger majeur. C’est la plus grosse chose qui peut nous tomber dessus. Personne ne bouge. Parce que nous ne bougeons jamais par des représentations. On bouge quand nos sens sont bousculés. Quand on est sous la menace d’un danger immédiat. Or le grand problème avec le climat c’est que nos sens ne nous disent rien. Ou lorsqu’ils captent quelque chose c’est tout à fait sectoriel et souvent à distance : il y a eu en 2013 aux Philippines des rafales de vent de 379 km/h, mais tout le monde s’en fout ! Cela a fait pleurer le délégué des Philippines à la tribune à Varsovie, mais cela n’a pas ému le terrien moyen.

(…)

On a cru que le consumérisme allait répondre à l’appétit d’infini qui est en chacun de nous. On voit bien que ce n’est pas une bonne réponse.

Courbe tirée du MOOC, causes et enjeux du changement climatique
Sur ce graphique, la courbe du haut en pointillé correspond à un scénario de type "business as usual" ; c'est largement la courbe sur laquelle nous sommes actuellement (arrivons très loin de l'objectif des deux degrés dans ce scénario). La courbe du bas en noir, correspond à l'objectif de deux degré d'augmentation de température d'ici 2100. Les courbes intermédiaires sont divers scénario lié au résultats possibles des négociations à l'issu de la COP 21. 



[1] Ce triste monsieur, bonimenteur de bazar, s’est illustré il y a peu dans les NCC ; une émission intitulée : « Comment peut-on encore être climato sceptique ? »  Il a démontré, malgré la complaisance de l’animatrice, qu’on ne le peut pas, sauf à être d’une ignorance crasse, stupide, dans le déni, ou animé par une mauvaise foi manifeste (sans doute y a-t-il un mélange de tout cela).

Dans un billet de ThibautSchepman publié à la suite de l’émission sur Rue89, « La philosophe Adèle Van Reeth,  explique sa démarche par téléphone puis par écrit :
« Sur le plan scientifique, je ne comprends pas pourquoi les opposants aux climatosceptiques n’arrivent pas à démontrer que leurs adversaires ont tort. Le climat n’est pas une science dure, et je n’arrive pas à comprendre sur quel point précis porte l’accusation faite aux climatosceptiques. Bien sûr, je ne suis pas scientifique, mais je n’arrive pas à trouver un raisonnement plus convaincant qu’un autre, et je me méfie beaucoup de l’accusation de “trafiquer la science”. C’est pour ça que je voulais entendre deux points de vue différents sur le sujet, pour qu’il puisse y avoir un débat, il n’était pas question qu’on évoque le cas des climatosceptiques sans leur donner directement la parole. ». Et lorsque le journaliste lui demande ce qu’elle retenu du débat, girardienne elle répond: « Je ne comprends pas pourquoi les climatosceptiques font l’objet d’une telle haine. Je me demande vraiment ce qu’il se passe, j’ai l’impression que ça dépasse le débat scientifique, que sur ce sujet on a besoin de désigner des boucs émissaires. ». 
Elle aurait sans doute mieux été mieux inspirée à suivre Clément Rosset et s’interroger sur les causes du déni de réel – et sans être scientifique s’informer un peu mieux sur le sujet (Il existe un très bon MOOC sur le sujet, ouvert à tous sans connaissances préalable : « Causeset enjeux du changement climatique », parrainé par Jean Jouzel.   

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