En 2015, j'écrivais, en première page de l'ouvrage, selon une manie qui m'est propre, « Lire Paul Veynes, c'est comme boire une liqueur sous le soleil ».. Je venais d'ouvrir « L'empire gréco-romain ».
Mais il est des monuments qui ne peuvent se lire qu'avec parcimonie – du moins chez moi. Aussi ai-je ajouté en 2021 : « J'en reprends une gorgée, dans le jardin (reprise page 209) ». Il faut savoir que cet essai ne comporte pas moins de 1044 pages.
J'en reviens donc, en ce samedi de canicule de septembre de reprendre le fil de cette lecture à la page 640.
Et de me dire, sans que ce cela soit ici d'aucune utilité, que finalement je n'aurai pas réussi à finir ce livre avant la mort de son auteur (29 septembre 2022). Car je suis précisément arrivé à un passage où il est question de trépas. Une problématique qui dépasse le strict cadre de l'empire gréco-romain. J'en relève sur le fil quelques fragments, et les abandonne à l'attention des quelques improbables arpenteurs de chimères qui se perdront sur cette page :
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Figure féminine, probablement Vénus, provenant d'une tombe romaine de Fondo Fraia, Pozzuoli, vers 40-100 ap. J-C |
« Les mythes orphiques ou les initiations dionysiaques auxquels accédaient une minorité de riches lettrés promettaient d'obtenir les faveurs des dieux dans l'au-delà (…) Mais ce paradis souterrain ne comportait pas d'enfer éternel (…) Le grand dilemme chrétien du salut ou de la damnation éternels ne se posait pas » (p 641)
« Quant à l'imagination populaire (…) Elle se représentait le séjour des morts comme un lieu triste et ombreux où la vie était ralentie et morne » (p 642)
« … le scepticisme des classes lettrées ; César, grand pontife, pouvait sans impiété ni scandale affirmer en plein Sénat qu'il n'y avait rien après la mort » (p 644)
« … lorsque nous-mêmes mettons des fleurs sur une tombe ou quand les anciens y plaçaient de la nourriture, eux et nous ne pensons pas pour autant que les morts viendront en humer le parfum... » (p 645)
« Les rites funéraires (…), ne sont que des gestes consolateurs, des façon d'honorer le défunt ou les métaphores du dévouement qu'inspire son souvenir ». (p 646)
« … certaines personnes vont 'visiter' (comme on dit) leurs défunts au cimetière parce que, sans croire à la survie du mort, elles ne veulent pas abandonner leur défunt, le laisser seul, le négliger ; elles éprouvent de l'émotion devant la tombe ... » ( p 646/647)
« La sensibilité est première lorsqu'un de nos contemporains dépose dans le cercueil d'un de ses proches le livre ou le disque préféré du défunt ; il ne croit pas pour autant que le disparu le lira ou l'écoutera : il répond à sa sensibilité et non à une croyance qu'il n'a pas » (p 649