Blogue Axel Evigiran

Blogue Axel Evigiran
La dispersion est, dit-on, l'ennemi des choses bien faites. Et quoi ? Dans ce monde de la spécialisation extrême, de l'utilitaire et du mesurable à outrance y aurait-il quelque mal à se perdre dans les labyrinthes de l'esprit dilettante ?


A la vérité, rien n’est plus savoureux que de muser parmi les sables du farniente, sans autre esprit que la propension au butinage, la légèreté sans objet prédéterminé.

Broutilles essentielles. Ratages propices aux heures languides...


26 sept. 2014

Le silence de l’exode - Demain est un jour nouveau...

Voici des trilles, enveloppés dans un linceul choisi.
.........
Yom

Les sables des déserts enveloppent mon âme.
Et projettent leur soif  sur des dunes crevées de soleil.
Mille paillettes éclatées sur les étoiles.

Tel le phénix qui renaît de ses cendres.
Ecouter jusqu’à plus soif, la mélodie lancinante.
Sans elle je n’aurai jamais pu revoir le soleil.

Ce cri désespéré des cœurs montant aux nues.
La langue pétrie de solitude
S’apaise et s’élève….

Demain est un jour nouveau.
« Traverser les grandes eaux – sublime réussite »
Ainsi va l’oracle. 



YOM

21 sept. 2014

La matrone d'Ephèse : De Pétrone à Jean de La Fontaine & Saint-Evremond - Satyricon & Montaigne

(Cliquer ci-dessus pour lien au billet d'origine ainsqi qu'aux commentaires associés)
_________________________________________________



Ces amours de sépulcres nous furent jadis contées, dit-on , par Pétrone, ce poète qui connu même sort que Sénèque pour avoir été soupçonné d’avoir participé à la conjuration de Pison.

En voici le texte, tiré du Satyricon :

« Vous savez ce qui la plupart du temps éprouve habituellement la satiété humaine. Avec ces mêmes flatteries avec lesquelles le soldat avait obtenu que la matrone veuille vivre, il s'attaqua à sa vertu. Pour la veuve le jeune homme ne semblait pas laid et savait parler et la servante en bonne entremetteuse lui disait souvent :
"Combattras-tu même un amour qui te plaît ?
A quoi bon tarder? La femme ne put conserver cette partie même du corps et notre soldat victorieux la persuada sur l'un et l'autre chapitre. Ils dormirent donc ensemble non seulement la nuit où ils se marièrent, mais aussi le lendemain et le troisième jour, toutes les portes du sarcophage fermées soigneusement, bien entendu ; si bien que quiconque, ami ou inconnu, fût venu jusqu'au monument, il aurait pensé que la très chaste épouse avait expiré sur le corps de son mari ».
PÉTRONE, Satiricon, CXII, 1-3.

De mêmes événements peuvent sortir, selon l’humeur, différents états d’âme, où, pour le dire à la manière de Montaigne, nous pouvons tout aussi bien pleurer ou rire d’une même chose. De la force des cris et des larmes faudrait-il donc se défier ? Pas si sûr répond l’auteur des Essais. J’en prends pour illustration l’un des exemples qu’il donne pour étayer son dire  (Livre I chap. 37) -  j’ai bien évidemment choisi un passage se trouvant dans la tonalité de mon affaire : 

« Et quelque gentille flamme qui échauffe le cœur des filles bien nées, encore les dépend on à force du col de leurs mères, pour les rendre à leur époux : quoi que dit ce bon compagnon :

‘Vénus est-elle odieuse aux nouvelles mariées,
Ou bien se moquent-elles de la joie de leurs parents
Par toutes ces fausses larmes abondamment versées,
Au seuil de la chambre nuptiale ?
Par les dieux ! Ces larmes ne sont que feintes !’»
 [Catulle, LXVI, 15]


De Hooghe Romeyn - La matrone d'éphèse

Mais revenons-en à l’histoire de cette matrone d’Ephèse et en particulier à la version qu’en donne Jean de La Fontaine.
Voici une jeune femme éplorée, veuve déchevelée veillant la dépouille de son époux en le sépulcre même ou on l’a placé. La vie n’a plus de saveur et elle est résolue à s’y laisser mourir : « Elle entre dans sa tombe, en ferme volonté / D'accompagner cette ombre aux enfers descendue ». Mais voici qu’un beau soldat intrigué par si grand tintamarre ne tarde pas à s’en venir à son chevet pour la détourner de ses intentions. Et tous deux d’être frappés par les traits de Cupidon : « Le dieu qui fait aimer prit son temps; il tira / Deux traits de son carquois; de l'un il entama / Le soldat jusqu'au vif ; l'autre effleura la dame / Jeune et belle elle avait sous ses pleurs de l'éclat ».
Qui pour leur jeter la pierre ? Mais l’histoire ne s’achève point ici et le malheureux époux trépassé trouvera bientôt un usage que je laisse découvrir.


A noter que ledit conte, pour ceux qu’une version papier agrée, se trouve dans un petit recueil publié chez Librio et préfacé par l’excellent Louis Van Delf (ce dernier fut également l’invité l’an passé des NCC durant toute la semaine consacrée aux moralistes ; les émissions sont toujours écoutables).



S'il est un conte usé, commun, et rebattu,
C'est celui qu'en ces vers j'accommode à ma guise.
            "t pourquoi donc le choisis-tu ?
            Qui t'engage à cette entreprise ?
N'a-t-elle point déjà produit assez d’écrits ?
            Quelle grâce aura ta Matrone
            Au prix de celle de Pétrone ?
Comment la rendras-tu nouvelle à nos esprits ?"
-Sans répondre aux censeurs, car c'est chose infinie,
Voyons si dans mes vers je l'aurai rajeunie.
Dans Ephèse il fut autrefois
Une dame en sagesse et vertus sans égale
            Et selon la commune voix
Ayant su raffiner sur l'amour conjugale.
Il n’était bruit que d'elle et de sa chasteté:
            On l’allait voir par rareté :
C’était l’honneur du sexe: heureuse sa patrie !
Chaque mère à sa bru l’alléguait pour patron;
Chaque époux la prônait à sa femme chérie
D’elle descendent ceux de la Prudoterie,
            Antique et célèbre maison.
            Son mari l'aimait d'amour folle.
            Il mourut. De dire comment,
            Ce serait un détail frivole
            Il mourut, et son testament
N’était plein que de legs qui l'auraient consolée,
Si les biens réparaient la perte d'un mari
            Amoureux autant que chéri.
Mainte veuve pourtant fait la déchevelée,
Qui n'abandonne pas le soin du demeurant ,
Et du bien qu'elle aura fait le compte en pleurant.
Celle-ci par ses cris mettait tout en alarme ;
            Celle-ci faisait un vacarme,
Un bruit, et des regrets à percer tous les coeurs;
            Bien qu'on sache qu'en ces malheurs
De quelque désespoir qu'une âme soit atteinte,
La douleur est toujours moins forte que la plainte,
Toujours un peu de faste entre parmi les pleurs.
Chacun fit son devoir de dire à l'affligée
Que tout a sa mesure, et que de tels regrets
            Pourraient pécher par leur excès:
Chacun rendit par là sa douleur rengrégée .
Enfin ne voulant plus jouir de la clarté
            Que son époux avait perdue,
Elle entre dans sa tombe, en ferme volonté
D'accompagner cette ombre aux enfers descendue.
Et voyez ce que peut l'excessive amitié;
(Ce mouvement aussi va jusqu’à la folie)
Une esclave en ce lieu la suivit par pitié,
            Prête à mourir de compagnie.
Prête, je m'entends bien; c’est-à-dire en un mot
N'ayant examiné qu'à demi ce complot,
Et jusques à l'effet courageuse et hardie.
L'esclave avec la dame avait été nourrie.
Toutes deux s’entr’aimaient, et cette passion
Etait crue avec l’âge au cœur des deux femelles:
Le monde entier à peine eût fourni deux modèles
            D'une telle inclination.
Comme l'esclave avait plus de sens que la dame,
Elle laissa passer les premiers mouvements,
Puis tâcha, mais en vain, de remettre cette âme
Dans l'ordinaire train des communs sentiments.
Aux consolations la veuve inaccessible
S'appliquait seulement à tout moyen possible
De suivre le défunt aux noirs et tristes lieux :
Le fer aurait été le plus court et le mieux,
Mais la dame voulait paître encore ses yeux
            Du trésor qu'enfermait la bière,
            Froide dépouille et pourtant chère.
            C’était là le seul aliment
            Qu'elle prît en ce monument.
            La faim donc fut celle des portes
            Qu’entre d'autres de tant de sortes,
Notre veuve choisit pour sortir d’ici-bas.
Un jour se passe, et deux sans autre nourriture
Que ses profonds soupirs, que ses fréquents hélas
            Qu'un inutile et long murmure
Contre les dieux, le sort, et toute la nature.
            Enfin sa douleur n'omit rien,
             Si la douleur doit s’exprimer si bien.
Encore un autre mort faisait sa résidence
Non loin de ce tombeau, mais bien différemment
            Car il n'avait pour monument
            Que le dessous d'une potence.
Pour exemple aux voleurs on l'avait là laissé.
            Un soldat bien récompensé
            Le gardait avec vigilance.
            Il était dit par ordonnance
Que si d'autres voleurs, un parent, un ami
L'enlevaient, le soldat nonchalant, endormi
            Remplirait aussitôt sa place,
            C'était trop de sévérité ;
            Mais la publique utilité
Défendait que l'on fit au garde aucune grâce.
Pendant la nuit il vit aux fentes du tombeau
Briller quelque clarté, spectacle assez nouveau.
Curieux il y court, entend de loin la dame
            Remplissant l'air de ses clameurs.
Il entre, est étonné, demande à cette femme,
            Pourquoi ces cris, pourquoi ces pleurs,
            Pourquoi cette triste musique,
Pourquoi cette maison noire et mélancolique.
Occupée à ses pleurs à peine elle entendit
            Toutes ces demandes frivoles,
            Le mort pour elle y répondit ;
            Cet objet sans autres paroles
            Disait assez par quel malheur
La dame s'enterrait ainsi toute vivante.
« Nous avons fait serment, ajouta la suivante,
De nous laisser mourir de faim et de douleur. »
Encor que le soldat fût mauvais orateur,
II leur fit concevoir ce que c'est que la vie.
La dame cette fois eut de l'attention;
            Et déjà l'autre passion
            Se trouvait un peu ralentie.
Le temps avait agi. « Si la foi du serment,
Poursuivit le soldat, vous défend l'aliment ,
            Voyez-moi manger seulement,
Vous n'en mourrez pas moins. » Un tel tempérament
            Ne déplut pas aux deux femelles :
            Conclusion qu'il obtint d'elles
            Une permission d'apporter son soupé :
Ce qu'il fit; et l'esclave eut le cœur fort tenté
De renoncer dès lors à la cruelle envie
            De tenir au mort compagnie.
«Madame, ce dit-elle, un penser m'est venu:
Qu'importe à votre époux que vous cessiez de vivre ?
Croyez-vous que lui-même il fût homme à vous suivre
Si par votre trépas vous l'aviez prévenu?
Non Madame, il voudrait achever sa carrière.
La nôtre sera longue encor si nous voulons.
Se faut-il à vingt ans enfermer dans la bière ?
Nous aurons tout loisir d'habiter ces maisons.
On ne meurt que trop tôt; qui nous presse ? attendons ;
Quant à moi je voudrais ne mourir que ridée.
Voulez-vous emporter vos appas chez les morts ?
Que vous servira-t-il d'en être regardée ?
            Tantôt en voyant les trésors
Dont le Ciel prit plaisir d'orner votre visage,
            Je disais : hélas ! c'est dommage !
Nous-mêmes nous allons enterrer tout cela. »
A ce discours flatteur la dame s'éveilla
Le dieu qui fait aimer prit son temps; il tira
Deux traits de son carquois; de l'un il entama
Le soldat jusqu'au vif ; l'autre effleura la dame
Jeune et belle elle avait sous ses pleurs de l'éclat,
            Et des gens de goût délicat
Auraient bien pu l'aimer, et même étant leur femme .
Le garde en fut épris: les pleurs et la pitié,
            Sorte d'amour ayant ses charmes,
Tout y fit: une belle, alors qu'elle est en larmes
            En est plus belle de moitié.
Voilà donc notre veuve écoutant la louange,
Poison qui de l'amour est le premier degré ;
            La voilà qui trouve à son gré
Celui qui le lui donne. Il fait tant qu'elle mange;
Il fait tant que de plaire, et se rend en effet
Plus digne d'être aimé que le mort le mieux fait.
            II fait tant enfin qu'elle change ;
Et toujours par degré, comme l'on peut penser :
De l'un à l'autre il fait cette femme passer
            Je ne le trouve pas étrange :
Elle écoute un amant, elle en fait un mari
Le tout au nez du mort qu'elle avait tant chéri.
Pendant cet hyménée un voleur se hasarde
D'enlever le dépôt commis aux soins du garde
Il en entend le bruit; il y court à grands pas
            Mais en vain, la chose était faite.
Il revient au tombeau conter son embarras
            Ne sachant où trouver retraite.
L'esclave alors lui dit le voyant éperdu :
            « L'on vous a pris votre pendu ?
Les lois ne vous feront, dites-vous, nulle grâce ?
Si Madame y consent j'y remédierai bien.
            Mettons notre mort en la place,
            Les passants n'y connaîtront rien. »
La dame y consentit. O volages femelles !
La femme est toujours femme ; il en est qui sont belles,
            Il en est qui ne le sont pas.
            S'il en était d'assez fidèles,
            Elles auraient assez d'appas.

Prudes vous vous devez défier de vos forces.
Ne vous vantez de rien. Si votre intention
            Est de résister aux amorces ,
La nôtre est bonne aussi ; mais l'exécution
Nous trompe également ; témoin cette Matrone.
            Et n'en déplaise au bon Pétrone,
Ce n'était pas un fait tellement merveilleux
Qu'il en dût proposer l'exemple à nos neveux .
Cette veuve n'eut tort qu'au bruit qu'on lui vit faire,
Qu'au dessein de mourir, mal conçu, mal formé ;
            Car de mettre au patibulaire
            Le corps d'un mari tant aimé,
Ce n'était pas peut-être une si grande affaire.
Cela lui sauvait l'autre; et tout considéré,
Mieux vaut goujat debout qu'empereur enterré.

La matrone d ephese - Illustration d'Oudry

Perrault, soucieux de la ‘bonne morale’ dira de cette fable « Je prétends même que mes Fables méritent mieux d'être racontées que la plupart des Contes anciens, et particulièrement celui de la Matrone d'Ephèse et celui de Psyché, si l'on les regarde du côté de la Morale, chose principale dans toute sorte de Fables, et pour laquelle elles doivent avoir été faites. Toute la moralité qu'on peut tirer de la Matrone d'Ephèse est que souvent les femmes qui semblent les plus vertueuses le sont le moins, et qu'ainsi il n'y en a presque point qui le soient véritablement.
Qui ne voit que cette Morale est très mauvaise, et qu'elle ne va qu'à corrompre les femmes par le mauvais exemple, et à leur faire croire qu'en manquant à leur devoir elles ne font que suivre la voie commune. » (Préface des Contes en vers, 1695)


Cette histoire connut d’autres postérités.
Et Saint-Evremond (1613 – 1703),  d’en donner sa version (je ne saurais dire si elle ou non antérieure à celle de La Fontaine (publiée pour la première fois en 1682) :


« Il y avoit une Dame à Ephese en si grande réputation de chasteté, que les femmes mesme des Païs voisins venoient la voir par curiosité, comme une merveille.  Cette Prude ayant perdu son Mary, ne se contenta pas, selon la coustume, d'assister au convoy toute eschevelée, et de se battre la poictrine devant le peuple; elle voulut suivre le deffunct jusqu'au monument, et après l'avoir mis dans un sepulchre à la maniere des Grecs, garder le corps, et pleurer nuict et jour auprès de luy; se desolant de la sorte, et resoluë de se laisser mourir de faim, les parens, les amis ne l'en sçeurent destourner; les Magistrats, rebuttez les derniers, l'abandonnerent, et une femme si illustre, pleurée de tous comme une personne morte, passoit desja le cinquiesme jour sans manger.  Une suivante fidele et affectionnée estoit tousjours auprès de la miserable, qui mesloit ses larmes aux siennes, et renouvelloit la lumiere toutes les fois qu'elle venoit à s'esteindre.  On ne parloit donc d'autre chose dans la Ville, et tout le monde demeurait d'accord, que c'estoit le premier exemple d’amour et de chasteté, qu'on eut jamais veu .
Matrone Ephèse de Moreau

    Il arriva qu'en ce mesme temps, le Gouverneur de la province fist attacher en croix quelques voleurs, tout proche de cette mesme cave, où la vertueuse Dame se desoloit sur le corps de son cher Espoux.  La nuict suivante, comme un soldat qui gardoit les croix, de peur que les corps ne fussent enlevez, eut apperceu de la lumiere dans le monument, et entendu les plaintes d'une personne affligée, par un esprit de curiosité, commun à tous les hommes, il voulut sçavoir qui ce pouvoit estre, et ce qu'on y faisoit; il descend donc au sepulchre, et surpris à la veuë d'une fort belle femme, il demeure d'abord espouvanté, comme si ç'eut esté quelque phantosme; puis ayant veu un corps mort estendu devant ses yeux, considéré des larmes, un visage deschiré avec les ongles, et toutes les autres marques de désolation, s'imaginant à la fin, ce que c'estoit, qu'une pauvre affligée s'abandonnait aux regrets, et ne pouvoit souffrir sans désespoir la mort de celuy qu'elle avoit perdu, il apporte son petit soupper au monument, et commence à l'exhorter de ne perseverer pas d'avantage dans une douleur inutile, et des gemissemens superflus; que la sortie de ce monde estoit la mesme pour tous les hommes ; qu'il falloit aller tous en mesme lieu; et ces autres raisons, dont on a coustume de guerir les esprits les plus malades.  Mais elle, irritée encore par une consolation si peu attendue, redouble son deüil, se deschire l'estomach avec plus de violence, et s'arrache les cheveux, qu'elle jette sur ce misérable corps.  Le Soldat ne se rebutte point pour cela, et avec les mesmes exhortations il essaye de luy faire prendre quelque nourriture jusqu'à ce que la suivante, gaignée sans doute par l'odeur du vin autant que par son discours , tendit la main à celuy qui les invitoit si obligeamment; et comme elle eut repris quelque vigueur par le boire et le manger, vint à combattre elle-mesme l'opiniastreté de sa Maistresse.  Et que vous servira cela, dit-elle, de vous laisser mourir de faim, de vous ensevelir toute vive, et rendre à la destinée une ame, qu'elle ne redemande pas encore ?
             Pensez-vous que des Morts les insensibles cendres 
            Vous demandent des pleurs et des regrets si tendres ?
Quoy ! vous voulez ressusciter un mort contre l'ordre de la nature ? Croyez-moy, deffaites-vous d'une foiblesse, dont les seules femmes sont capables, et joüissez des avantages de la lumiere, tant qu'il vous sera permis.  Ce corps que vous voyez devant vous, montre assez le prix de la vie, et vous avertit que vous devez mieux la mesnager.  Personne n'escoute à regret quand on la presse de manger en de pareilles occasions, et on se laisse persuader aisément de vivre: ainsi cette femme, extenüée par une si longue abstinence, laissa vaincre son obstination, et se remplit de viande avec la mesme avidité que la suivante, qui s'estoit rendue auparavant.  Au reste vous sçavez quelles tentations viennent d'ordinaire après le repas.  Avec les mesmes armes qu'employa le soldat pour combattre son désespoir, avec les mesmes il attaque sa pudicité; et le jeune homme ne paroissoit à la prude ny desagreable, ny sans esprit; la suivante n'oubliant rien pour luy rendre de bons offices, et disant ensuite à sa Maistresse,
            Songez, songez à vous, voyez vostre interest,
            Et ne combattez pas un amour qui vous plaist.
Qui m'arreste davantage ? La bonne Dame eut la mesme abstinence en ce qui regarde cette partie de son corps; et le Soldat pleinement victorieux vint à bout de l'un et de l'autre.  Ils demeurerent donc ensemble, non seulement la premiere nuict de leur jouissance, mais encore le lendemain et le jour d'après, les portes si bien fermées, que quiconque fût venu au monument, soit connu, soit inconnu, auroit crû sans doute que la plus honneste femme du monde avoit expiré sur le corps de son Mary.
   Le soldat charmé de la beauté de sa Dame, et du secret de sa bonne fortune, achettoit tout ce que son peu de bien luy pouvoit permettre; et à peine la nuict estoit-elle venue, qu'il l'apportait dans le monument.  Cependant les parens d'un de ces pendus, comme ils s'apperçeurent qu'il n'y avoit plus de garde, enleverent le corps une nuict, et luy rendirent les derniers devoirs.  Mais le pauvre soldat, qui s'estoit laissé abuser, pour demeurer trop long-temps attaché à son plaisir, voyant le lendemain une de ces croix sans cadavre, alla trouver sa Maistresse dans la crainte du supplice, et luy conta tout ce qui estoit arrivé ; qu'au reste il estoit resolu de ne point attendre sa condamnation ; et que se faisant justice luy-mesme, il alloit punir sa négligence de sa propre main.  Pour toute grace, qu'il la supplioit d'avoir soin de sa sépulture, et de luy preparer ce mesme tombeau, fatal à son espoux et à son galant.  Cette femme aussi charitable que prude: Et aux Dieux ne plaise, dit-elle, que je voye en mesme temps les funerailles de deux personnes si cheres; j'ayme mieux pendre le mort que de faire perir le vivant.  Selon ce beau discours, elle fait tirer le corps de la biere pour l'attacher à cette croix, où il n'y avoit plus rien.  Le soldat profita du conseil ingénieux d'une femme si avisée; et le lendemain tout le peuple s'estonna de quelle maniere un homme mort avoit pû aller au gibet ».





Quelques autres liens :
Pour les relations -entre autre - de Perrault à La Fontaine, le texte de Charles Deulin, Les contes de ma mère l'Oye avant Perrault : 

19 sept. 2014

Proudhon : Controverse sur Courbet et l’utilité sociale de l’art & De la pornocratie ou les femmes dans les temps modernes - Contre l''anarchie esthétique...

Billet initial du 02 mars 2012
(Cliquer ci-dessus pour lien au billet d'origine ainsqi qu'aux commentaires associés)
________________________

Controverse sur Courbet et l’utilité sociale de l’art

De Proudhon jusque l’automne dernier je ne savais rien, ou si peu… Dans les faits, ce que j’avais pu en entendre dans les conférences de Michel Onfray, ce à quoi s’ajoutait quelques informations parcellaires glanées ici ou là. A dire vrai, le personnage ne m’intéressait guère. Il aura fallut un billet de Frédéric Schiffter pour qu’il me prenne l’idée d’acheter le petit livret Controverse sur Courbet et l’utilité sociale de l’art.
Je ne reviendrai pas ici sur la genèse de cette affaire ayant conduit Courbet à solliciter Proudhon pour une défense de son tableau Le retour de la conférence. Pour ceux que le sujet intéresse, l’essentiel y est dit sur ce billet du susnommé de novembre dernier ‘Anarchisme franchouillard (suite)’.

Ce fameux tableau est aujourd’hui détruit. Et s’il nous en reste la trace on le doit à la photographie, ravalée par Baudelaire – pour le coup pas très inspiré – au rang d’un « moyen industriel (ne pouvant) prétendre à l’art, dont la vocation est d’exprimer le beau. ». Mais revenons à ce Retour de conférence. Voici ce qu’en dit une excellente page des Etudes photographiques :
« Refusé au Salon de 1863, il (Courbet) confie à ce dernier (le photographe Bingham) la reproduction du Retour de conférence, mais encore une fois, Courbet est déçu du résultat. La reproduction lui permet néanmoins de faire connaître son œuvre et, le tableau ayant été détruit par un catholique fervent, d’en conserver une trace. Agissant en dehors du circuit officiel, la photographie possède une forte valeur “auratique”, car à travers elle, le tableau censuré continue à porter atteinte à la morale : en 1867, l’État fait détruire les clichés chez Bingham, provoquant l’indignation de l’artiste »


Courbet, Retour de conférence, reproduction photographique de R. J. Bingham, tirage albuminé, 17 x 25 cm, 1863, coll. musée Gustave-Courbet, Ornans

J’en reviens à présent au petit fascicule sorti chez Mille et une nuit pour en extraire quelques minces passages.

Tout d’abord à propos de la relation de l’artiste à la société : « C’est donc à nous profanes, gens de travail servile et de sèche analyse, à faire décompte de l’art et à régler la position des artistes (…). Je commande ; à vous artistes d’obéir ».

Sur les artistes au goût déréglé – autrement dit, tous ceux ne répondant pas à la définition de l’art que Proudhon va donner peu après : « L’homme en qui ma faculté esthétique est déréglée, obligé de chercher sans cesse une nouvelle idole, change de goût, de modes, d’amis, de maîtresse sans pouvoir se fixer jamais. Tel est le type de Don Juan. Détestable travers, qui fait prendre en dégoût le travail, l’étude, la famille, le droit et le devoir, qui produit les vices les plus hideux et les grands scélérats ». 

Voici précisément la définition de l’art proudhonien : « Une représentation idéaliste de la nature et de nous-mêmes, en vue de perfectionnement physique et moral de notre espèce».

Quant à l’art pour l’art, « C’est débauche de cœur et dissolution de l’esprit (… L’art) réduit à n’être plus qu’une excitation de la fantaisie et des sens, est principe du péché, l’origine de toute servitude, la source empoisonnée d’où coulent, selon la bible, toutes les fornications et abominations de la terre ». Et d’éructer un peu plus loin, rageur de ne pouvoir faire plier l’artiste à ses vues : « vous avez la liberté artistique ; hors de là, souvenez-vous en, vous n’êtes qu’un libertin et un impuissant ».

A savoir aussi que Proudhon se prononce absolument contre « l’anarchie esthétique ».

Ensuite, après une description quelque peu grotesque et fantasmatique du tableau de son ami, du bout de la plume Proudhon trace enfin (chap XVII) quelques mots à une défense – ambiguë - de l’œuvre d’un strict point de vue légal : « Mais depuis la révolution le rapport entre la religion et la société a été changé ; (…) la question est implicitement résolue contre l’Eglise par la constitution du pays ; et quand Courbet a composé son tableau, il n’a fait que se rendre l’interprète de la loi et de la pensée universelle. Son œuvre avait droit de bourgeoisie à l’Exposition, droit à l’Académie et au musée ».

Proudhon par Courbet
Mais il ne s’en console pas : « quelle nécessité de recourir à ce moyens extrêmes (…) ? Constantin comprenait la vraie pédagogie ; il avait le vrai sentiment de l’art. Mieux vaut excitation que dépression. Beaux modèles que visages de canailles et de damnés ! A quoi bon cet étalage de vilenies paysanesques, de la graisse bourgeoise et de l’épicurisme clérical ? »

« Nous vivons à une époque de décadence », se lamente encore Proudhon. « Aujourd’hui, savez-vous qui pose devant le peintre ? L’avarice, le jeu, l’orgueil, la luxure, la mollesse avide et désœuvrée, le parasitisme féroce, la prostitution… ». D’où cette bataille à livrer : «Nous avons à instruire le peuple, à lui donner (…) les vraies joies du travail. (…) Nous avons à refaire l’éducation des femmes et à leur inculquer les vérités suivantes : - l’ordre, et la propreté dans le ménage valent mieux qu’un salon garni de tableaux de maîtres. (…) La femme est artiste ; c’est justement pour cela que les fonctions du ménage lui ont été départies. »

On connaît la réponse cinglante de Zola à tout ce fatras. Quant aux femmes, vues par le ‘libertaire’ Proudhon il va en être désormais question.
_______________________


La pornocratie, ou les femmes dans les temps modernes.

Ce qu’il me faut dire, c’est que suite à cette édifiante lecture il me fut conseillé par l’aimable Frédéric de m’en aller jeter un œil sur un autre ouvrage du Sieur Proudhon : La pornocratie, ou les femmes dans les temps modernes (livre consultable sur le site de la BNF). Cette invite faisait suite à un article de Michel Onfray de novembre 2011 ou ce dernier saluait la sortie d’un Dictionnaire Proudhon (voir l’article en annexe).

En liminaire, avant de proposer à la lecture, sans moindre commentaire, quelques passages (1)  sortis du livre de Proudhon sur les femmes trois points que je voudrais aborder :

Tout abord le contexte de la sortie de ce livre.
En 1858, Proudhon publia La Justice, essai qui se vit condamné par le pouvoir impérial.
« L'œuvre condamnée, entre autres questions soulevées, contenait une vaste étude sociologique sur la Femme. L'auteur y déterminait le rôle de la moitié de l'espèce dans la société moderne, le contingent que la femme apportait à son développement, et les droits qui lui revenaient par suite de sa conformation et de ses aptitudes. Il concluait au couple androgyne comme unité sociale, sans toutefois attribuer une valeur équivalente aux deux parties qui la constituaient. L'homme, disait-il, est à la femme, dans la proportion de 3 à 2. L'infériorité de cette dernière était par conséquent irrémédiable. La formule du célèbre écrivain devait forcément déplaire à toute une moitié du public. Aussi les réfutations ne se firent-elles pas attendre » . (…) « Parmi les polémistes féminins apparurent au premier rang deux écrivains, Mmes J.d'H* et J. L* » (2) .
Proudhon entreprit de répondre à ces dames et envisagea alors de publier sa réponse sous la forme d’un ouvrage dont le titre était La Pornocratie. Mais il décéda (1865) avant d’en arriver au terme : le livre en était au « tiers à peine de la dimension projetée. Le reste subsista en notes. Mais ces notes mêmes, quoique jetées au hasard, et la plupart sous formes d'aphorismes, offrent encore un puissant intérêt ». C’est ce qui fut publié en 1875 sous le titreLa Pornocratie ou Les Femmes dans les temps modernes.

Le second point concerne les relations de Michel Onfray à Proudhon. Particulièrement de savoir s’il se réclame explicitement ou non dans sa Contre-Histoire de la philosophie de l’anarchisme proudhonien.
La réponse est clairement non. Dans Les radicalités existentielles (Tome 6 de la Contre-Histoire) ne se trouvent que trois mentions indirectes à Proudhon que voici :
« Faut-il (…) enrôler Thoreau dans les rangs de l’armée anarchiste ? Les historiens de ce courant politique n’hésitent pas et l’intègrent aux grands noms de leur sensibilité entre Proudhon et Bakounine… » (P 170)
« Chacun connaît la phrase célèbre de Proudhon : ‘la propriété c’est le vol’. Elle a beaucoup fait pour sa réputation. (…) Lorsque Proudhon distingue le propriétaire (garanti par le droit) du possesseur (l’usufruitier travaillant avec ce bien et produisant des richesses qui lui appartiennent), il se trompe affirme Stirner ». (P 318)
« Dans sa volonté d’identifier … Stirner tourne le dos aux logiques communautaires et communautaristes : le christianisme de Luther, le communisme de Weitling, l’anarchisme de Proudhon…. » (P 331).
Ce que confirme la séance d’ouverture des leçons de l’UP de Caen (diffusées sur FC en 2007) : « Bakounine : grande santé anarchiste ! J’ai faillit intégrer Proudhon, mais qui n’est pas lui hédoniste, pas du tout. Et puis il y a de l’antisémitisme chez Proudhon, il y a de la misogynie chez Proudhon, il y a des contradictions chez Proudhon qui font que je l’ai laissé de côté…». 

Troisième point enfin.
Jenny d'Héricourt

A qui s’adresse donc le si misogyne Proudhon dans la Pornocratie ? Qui se cache derrière ces énigmatiques initiales, ces fameuses et courageuses polémistes, Mmes J.d'H* et J. L ? Voilà une passionnante question soulevée par Frédéric Schiffter et qui, par effet de contagion, piqua ma curiosité.
Ce fut non sans quelques difficultés que nous parvînmes à identifier l’une d’entre-elles, Mme J.d’H. Mieux à dégotter en ligne l’un de ses ouvrages, La femme affranchie (l’ouvrage contient deux tomes).
Jenny d’Héricourt, puisque c’est le nom de la dame, fondatrice avec quelques-unes de ses amies de la Société pour l’émancipation des femmes, méritait amplement de ressortir des ténèbres de l’histoire.

En attendant de pouvoir identifier la seconde de ces dames…


Proudhon, Pornocratie - EXTRAITS
«Le mariage, dans la pureté de son idée est un pacte de dévouement absolu. Le plaisir n’y figure qu’en second ordre (…) ... le concubinat (…) est le repère habituel des parasites, des voleurs, des faussaires et des assassins »
P 9
« J’ai fait de la monogamie la loi fondamental du couple androgyne ; j’ai banni le divorce ; j’ai dit que, dans un mariage vraiment digne, l’amour devait être subordonné à la conscience, à telle enseigne que chez les vrais époux la bonne conscience pouvait tenir lieu d’amour… »
P 12
« Quant aux choses du dehors, je ne veux pas pour la femme (…) de politique (…) Je ne veux pas de fonctions juridiques, policières ou gouvernementales (…) Je dis que le règne de la femme est dans la famille ; que la sphère de son rayonnement est le domicile conjugal… »
P 12
« La femme qui court mal est aussi mauvais piéton. Ce qui lui convient, c’est la danse, la valse, où elle est entraînée par son valseur, ou bien encore le pas lent et solennel des processions. Ce sont là des faits, je pense, que je pourrai multiplier et varier à l’infini ». P 23
« Tout ce qui a été dit à ce sujet se réduit de Lamenais : ‘Je n’ai jamais rencontré de femme qui fût en état de suivre un raisonnement pendant un demi-quart d’heure. Elles ont des qualités qui nous manquent, des qualités d’un charme particulier, inexprimable ; mais, en fait de raison, de logique, de puissance à lier les idées, d’enchaîner les principes et les conséquences et d’en apercevoir les rapports, la femme, même la plus supérieure, atteint rarement à la hauteur d’un homme de médiocre capacité. L’éducation peut être en cela pour quelque chose, mais le fond de la différence est dans celle des natures’. » (P26-27)
« … chez la femme-auteur, les écrits procèdent beaucoup plus de la faculté expressive ou parlière que de la faculté pensante ? Est-ce que nous ne les avons pas trouvées toutes plus ou moins atteintes d’une sorte de nymphomanie intellectuelle, qui, à travers un déluge de paroles, leur fait affecter les formules viriles, et les ramène sans cesse à une idée fixe : l’amour ; c’est-à-dire à la chose que vous nommez votre émancipation ? » (P28)
« Et comme si cela ne suffisait point encore pour la paix domestique, l’ordre des sociétés et la destinée finale du genre humain, la masse totale du cerveau est plus petite chez la femme, dans une proportion moyenne de 3 livres 4 onces contre 3 livres 8 onces. Or comme dit Broussais, toutes choses d’ailleurs égales, il y a plus de puissance là où il y a plus de quantité. » (P 29)
« Toute déviation de l’être engendre maladie ou difformité. Le mignon qui affecte les grâces féminines est aussi dégoûtant que le nègre à face de gorille ; la femme qui porte favoris et moustaches est peut être encore plus hideuse » (P 33)
« Elle (la femme) a naturellement plus de penchant à la lascivité que l’homme ; d’abord parce que son moi est plus faible, que la liberté et l’intelligence luttent chez elle avec moins de force contre les inclinations de l’animalité (…) Comme preuves, j’ai cité, entre autre : 1° la coquetterie précoce des petites filles (…) 2° La prostitution, tant sacré que profane, et le proxénétisme, incomparablement plus fréquent chez les femmes que chez les hommes (…) » (P 41)

« Des amants qui se prennent pour cause de volupté sont des égoïstes, leur union n’est point un mariage, la conscience universelle l’a appelé fornication, paillardise, libertinage ».
(P 50)
« L’homme représente en prédominance la force physique, intellectuelle et morale ; la femme représente en prédominance, à ce triple point de vue, la beauté ».
(P 53)
« Le mari aura droit de contrôle sur la femme, tandis que la femme n’a que celui d’aider, aviser, informer son mari. La raison de ceci est manifeste : la tenue du ménage dépend beaucoup plus de la production virile que celle-ci ne dépend de celle-là… »
(P 56)
« Admettre à l’exercice des fonctions publiques une personne que la nature et la loi conjugale ont pour ainsi dire consacrée à des fonctions purement domestiques, c’est porter atteinte à la pudeur familiale, faire de la femme une personne publique, proclamer de fait la confusion des sexes (…) Voilà comment s’établit la subordination de l’épouse à l’époux dans le mariage. Cette subordination n’a rien du tout d’arbitraire (…) Changez, modifiez ou intervertissez, par un moyen quelconque, ce rapport des sexes vous détruisez le mariage dans son essence ; (…) et sans famille (…) se sera un communisme théocratique, ou pornocratique, la pire des tyrannies ».
(P59-60)
« A certaines époques (…) la défaillance des mœurs publiques vient confirmer le mal : la lâcheté des hommes se fait l’auxiliaire de l’audace des femmes ; et nous voyons apparaître  ces théories d’affranchissement et de promiscuité, dont le dernier mot est la pornocratie. Alors c’est fini de la société ».
(P74)
« Je sais de quel esprit vous êtes (mesdames) et ne fais aucune difficulté d’avouer ce c’est cet esprit, esprit de luxure et de dévergondage, esprit de confusion et de promiscuité qui, depuis 35 ans, a été la peste de la démocratie… »
Novissima verba

(P75) 
« J’ai habité longtemps près d’un hospice où se faisait un cours d’accouchement : c’était une véritable école de prostitution et de proxénétisme. (…) J’en aurai à dire long sur les sages-femmes, aussi bien dans les campagnes que dans les villes. Mais je m’abstiens, de peur de diffamation. Dès l’instant que les femmes, dans une société parvenue à un haut degré de civilisation, ne peuvent plus s’accoucher toutes seules, comme le faisaient les femmes des Hébreux en Egypte, et comme le font encore aujourd’hui toutes les négresses et sauvagesses ; dès l’instant que, par le développement de la sensibilité nerveuse, l’accouchement est devenu un cas pathologique, il vaut mieux, dans l’intérêt même de l’honnêteté publique appeler le médecin que faire instruire, dans cette science scabreuse, de jeunes paysannes ».
(P82-83)
« Tout honnête père de famille qui fréquente le théâtre est plus ou moins fauteur de prostitution s’il y conduit sa femme ou sa fille… »
(P86)
« Je consens donc à ce qu’une femme, à l’occasion, écrive et publie ses œuvres ; mais je demande qu’avant tout le respect de la famille soit garanti. « La femme, dit le Code, ne peut donner, aliéner, hypothéquer, acquérir, tester en jugement, sans autorisation de son mari ». (…) Une femme qui écrit ne devrait être connue du public que de nom ; une femme qui pérore devrait être consignée à la maison ».
(P88-89)
« J’étais à la séance des 5 académies dans laquelle madame Louise Colet-Révoil vint recevoir le prix de poésie pour sa composition sur le musée de Versailles. (…) Il me semblait que si j’avais été le conjoint responsable de cette lauréate, je lui aurais dit (…) : « Madame, vous avez envoyé vos vers au concours malgré ma prière ; vous avez paru à la séance de l’Académie contre ma volonté. La vanité vous étouffe, et fera notre malheur à tous deux. Mais je ne boirai pas ce calice jusqu’à la lie. A la première désobéissance, quelque part que vous vous réfugiez, je vous réduirai à l’impuissance de vous remontrer et de faire parler de vous ». Et comme je l’aurais dit, je l’aurais fait. (…) En pareil cas j’estime, comme le Romain, que le mari a sur la femme droit de vie et de mort ».
(P89-90)
« L’esprit fort femelle, cette poule qui chante comme le coq, (…) est intraitable. Le détraquement de l’esprit et du cœur, chez elles, est général ».
(P91)
« Pour vous, rien n’est certain, rien n’est universel, rien n’est de soi juste. TOUT EST RELATIF, changeant, variable, la justice, la beauté, la dignité, comme les flots. Soutenir le contraire, c’est-à-dire admettre des idées certaines, des notions universelles, des principes de justice immuable, c’est chercher l’ABSOLU, c’est dépraver la morale ; (…) aujourd’hui république, demain monarchie ; jadis mariage et famille, plus tard amour libre ; tantôt démocratie socialiste tantôt féodalité industrielle et propriétaire ; chrétien au moyen âge, protestant avec Luther (…). Ce que vous qualifiez et découvrez en moi d’absolu, madame, est la raison, la vérité, la réalité, la justice, la certitude, toute la morale, toute loi de nature et de société ; - et votre relatif, à vous, c’est le pyrrhonisme, la destruction de toute raison, de toute science et de toute morale, de toute liberté ».
(P102-103)
« L’école de la fantaisie, dont vous nous donnez, sans le savoir, et par le seul fait du détraquement de votre cerveau et de la maladie de votre âme, l’absurde métaphysique, c’est la jouissance, c’est le vice, l’immoralité, la dégradation politique, c’est la PORNOCRATIE ».
(P113-114)
« … le bon et honnête Pierre Leroux. Je dis bon et honnête, malgré les petites railleries que P.Leroux s’est permises à mon égard : il a beau mordre, il ne fait pas de mal, il n’a point de dents ».
(P122)
« Moi qui tends à éliminer de plus en plus l’action du gouvernement, je trouve logique, naturel, moral, que les biens se transmettent des pères aux enfants, sans autre forme de procès ; j’aime mieux m’exposer aux erreurs de la nature qu’à l’arbitraire d’une administration ».
(P141)
« En dépit de la nature et du bon sens, vous êtes forcée de chercher à la femme des attributions en dehors de son sexe ; de lui créer de plus gros muscles, un plus large cerveau, des nerfs plus forts ; vous la rendez homme, vous la dénaturez, l’enlaidissez, en un mot vous l’émancipez… »
(P142)
« Soyez donc ce que l’on demande de vous : douce, réservée, renfermée, dévouée, laborieuse, chaste, tempérante, vigilante, docile, modeste (…) Soyez MENAGERES, ce mot dit tout»
(P158)
« Amour papillonnant, polygamique et polyandrique ; Communauté, promiscuité, confusion des sexes ; dégradation de l’homme qui s’effémine ; dégradation de la femme qui se prostitue ; dissolution du corps social qui tombe dans la sodomie et la tyrannie. Vous reconnaissez-vous à présent ? »
(P162)
« Vous êtes une église de proxénètes et de dévergondées. Voilà mon dernier mot. Le saint-simonisme, ou la pornocratie, rend haïssable jusqu’à la femme ».
(P166)
« Contre les femmes émancipées : vous nous déplaisez ainsi ; nous vous trouvons laides, bêtes et venimeuses : qu’avez-vous à répliquer à cela ? »
(P169)
« Jeune homme, si tu as envie de te marier, sache d’abord que la première condition, pour un homme, est de dominer sa femme est d’être maître. (…) Si ta femme te résiste en face, il faut l’abattre à tout prix ».
(P189-190)
« il faut lui apprendre (au jeune homme) : Que la femme veux être domptée et s’en trouve bien ; qu’elle a tendance à la lascivité, à la gravelure, aux choses luxurieuses, et qu’un homme fort lui en impose davantage ; ».
(P 191)
« Confiance doit être absolue de la part de la femme envers le mari ; celui-ci doit l’exiger ; elle ne peut être que limitée envers la femme. Tout homme a des secrets qu’il peut confier à un ami, et qu’il ne dit pas à sa femme »
(P193)
« Jeune fille, je n’ai qu’un seul conseil à te donner. D’abord, ne te marie pas de bonne heure ; garde ta jeunesse et ta virginité pour toi, si tu le peux, jusqu’à 24 ans. Alors si tu trouves un homme plus âgé que toi de 10 ans, fort, intelligent, travailleur, courageux, volontaire, et qui se propose, prends-le vite, ne fut-il ni beau, ni disert, ni artiste ».
(P199)
 Femme à sa toilette – L. Hervieu
« Le dévouement n’est pas chose arbitraire ; (…) Mais quid si la femme nie ce rapport, et prétend à la parité et à l’égalité ? Et bien ! Garde-toi de l’épouser alors. Laisse cette bête féroce à elle-même, à l’imbécile qui en voudra ».
(P201)
« La femme qui commande humilie son mari, et tôt ou tard elle le coiffe. La femme qui, dans le mariage, cherche le plaisir, ne vaut pas mieux : C’est une petite catin, paresseuse, gourmande, bavarde, dépensière, à qui son mari ne suffit pas longtemps ».
(P203)
« Le mari peut tuer sa femme, selon la rigueur de la justice paternelle : 1/ adultère 2/ Impudicité 3/ trahison 4/ ivrognerie et débauche 5/ dilapidation et vol 6/ insoumission obstinée, impérieuse, méprisante »
(P203)
« C’est une honte pour notre société, une marque de déchéance, que la femme puisse demander le divorce pour incompatibilité d’humeur ou violence du mari ».
(P204)
« Si l’homme a reçu la supériorité d’intelligence et de caractère sur la femme, c’est pour en user. Intelligence et caractère obligent. S’il a reçu la supériorité de force, c’est aussi pour en exercer les droits. Force a droit, force oblige ».
(P205)
« L’amour conjugal est exclusif, unique, sacré ; c’est pourquoi sa violation est un crime, punissable de mort ».
(P209)
« Je ne sais quelle femme se scandalisait que, nous autres hommes, nous trouvons qu’une femme en sait assez, quand elle raccommode nos chemises et nous fait des beefsteaks. Je suis de ces hommes là »
(P225)
« Dépravation hideuse de la domesticité, par absence de pudeur et de religion »
(P250)
« La domesticité, la classe ouvrière, vous font voir ce que c’est la femelle de l’homme ».
(P251)
« Il faut exterminer toutes les mauvaises natures, et renouveler le sexe, par l’élimination des sujets vicieux, comme les Anglais refont une race de bœufs, de moutons, et de porcs, par l’alimentation ».
(P252)
« Il faut étudier les races, et trouver celles qui produisent les meilleures épouses, les plus utiles ménagères : la Flamande, la Suissesse, l’Anglaise, la Russe, etc. – c’est à ce point de vue surtout qu’il faut étudier les croisements ».
(P252-253)
« Il y a dans la femme la plus charmante et la plus vertueuse de la sournoiserie, c’est-à-dire de la bête féroce. C’est, en définitive, un animal apprivoisé, qui par moment revient à son instinct. »
(P262)
« La femme est un joli animal, mais c’est un animal. Elle est avide de baisers comme la chèvre de sel. »
(P266)
« La femme ne hait point d’être un peu violentée, voire même violée ».
(P267)



Extraits (cliquer ci-dessus pour accéder au texte complet)

“La parution d'un Dictionnaire Proudhon arrive fort opportunément pour montrer qu'il existe une gauche libertaire n'ayant rien à voir avec la gauche autoritaire des marxistes nourries de nostalgie bolchevique ou la gauche tocquevillienne qui peint la façade de son libéralisme en rose bonbon.
Proudhon veut l'abolition de la propriété capitaliste au profit d'une propriété anarchiste, celle qu'il nomme la "possession" et qui exclut sa constitution par l'exploitation salariée. La propriété est donc à abolir quand elle est capitaliste ; à promouvoir quand elle est anarchiste, elle se nomme alors possession.
Le proudhonisme est un pragmatisme, autrement dit, le contraire d'un idéalisme. D'où ses propositions concrètes et détaillées : la fédération, la mutualisation, la coopération comme autant de leviers pour réaliser la révolution ici et maintenant, sans qu'une seule goutte de sang soit versée...
Proudhon ne pense pas le réel à partir de catégories philosophiques idéales, mais à partir du réel le plus concret.
Ce droit d'inventaire effectué, et il est terrible, mais nécessaire, reste un philosophe ayant pensé un socialisme libertaire que Marx et les siens ont critiqué, moqué, ridiculisé (songeons à Misère de la philosophie d'un Marx qui répond à la Philosophie de la misère de Proudhon et met les rieurs de son côté, mais au détriment des idées du philosophe français recouvertes par le sarcasme marxiste).

(1) Tout le livre est édifiant et j’aurai pratiquement pu extraire la moitié de chaque page sans changer d’un once l’impression générale se dégageant de l’ouvrage.
(2) Préface de l’édition disponible sur le site de la BNF