Polonnaruwa, bibliothèque (photo par Axel) [cliquer sur l'image pour grand format] |
Il est des lieux qui laissent des
empreintes durables. Des impressions à secouer les humeurs nostalgiques. Un
effet des ruines, sans doute. Et lorsque, écrasées de pluie, s’égouttent les
photographies gorgées de soleil d’un monde figé au-delà des océans, les
secondes se dissolvent dans la fugacité du souvenir. Le souvenir d’un aigle
blanc au-dessus de l’eau, aussi vite évaporé à l’orient dans le bleu du ciel. Le
souvenir de ces rangées de fillettes en
uniformes immaculés, gravissant rieuses les marches d’un palais retourné au
silence, à moins qu’il ne s’agisse d’une bibliothèque délestée de ses précieux
manuscrits. Une place singulière à l’acoustique remarquable ; le Pothgul
Vihara. Parfois, alentour, des singes se postent sur les pierres ou s’ébrouent
en famille dans les arbres. Pour nous rappeler que tout passe… Car le principe
d’impermanence y a sa place. C’est même, au-delà de la poussière des
siècles, la civilisation ou s’incarne le
mieux cette vérité aussi vieille que sapiens est par deux fois sapiens, pour
son plus grand malheur… Au Sri Lanka le bouddhisme est roi. L’occidental en a souvent
une vision déformée ; suite de clichés véhiculés par plusieurs génération
de pratiques new-age, et qui nous feraient oublier presque le destin chaotique de
l’île. Les civilisations sont mortelles, nous le savions bien avant que Valery
l’énonce, mais nous n’en avons si peu conscience. Ou plutôt, nous refusons de
croire ce que nous savons… Ici comme ailleurs.
Et de nous placer sur les traces
du roi Kalinga Magha, venu des Indes du sud pour détruire Polonnaruwa, capitale
du royaume du Lanka – après Anuradhapura, qui dura quatorze siècles, avec ses 113
rois successifs et ses 4 reines, avant d’être abandonné à la jungle au profit
de Polonnaruwa…
Sur les marches du Potghul Vihara (photo par Axel) [cliquer sur l'image pour grand format] |
Famille de macaques (photo par Axel) |
La capitale médiévale, à bout de
souffle, sera pillée et brûlée, l’envahisseur semant la terreur et l’effroi. Au
roi capturé, Parakrama Pandu, il sera arraché les yeux avant d’être torturé à
mort. C’est qu’au royaume de la méditation, lorsqu’on est pas expert en poisons,
on n’a rien à envier en cruauté aux autres peuplades du monde. Il se murmure : « ne sois pas trop sage, tu deviendrais
stupide ». La sentence gravée sur l’une des solives du plafond de
Montaigne prends ici en sens particulier. La splendeur de Polonnaruwa n’aura
duré en tout et pour tout que trois siècles ; une éternité à l’échelle d’une
vie d’homme, autant dire une goutte d’eau dans l’océan : « Nous tous, les vivants : rien que
fantômes, ombres sans poids », une autre phrase que les moines, si
elle n’avait été de Sophocle, auraient pu méditer, avant de s’en aller
joyeusement s’entretuer.
Après le feu de la guerre, le
silence des arbres recouvrira peu à peu les os de la cité en miettes. Nous
sommes au XIIIe siècle. Un long oubli avant que les ruines ne soient indiquées
par Lt Fagan en 1820, et relayées dans une publication du magazine « The
Orientalist ». En 1831 le major Forbes en donnera une description précise.
Quant aux fouilles systématiques, elles débuteront au début XXe siècle.
Palais royal de Parakramabahu (photo par Axel) [cliquer sur l'image pour grand format] |
Aujourd’hui, ce qui frappe le
visiteur à Polonnaruwa, c’est la singularité de ruines dont le sens en grande
partie échappe à l’œil européen – l’histoire échappe aussi, sauf à être un
érudit. Ici pas de repères stables, d’ancrage culturel. Mais l’altérité
radicale – vocabulaire y compris.
Alors autant se laisser emporter,
préjugés rangés au placard, pour savourer l’éternelle saveur de l’effondrement
des civilisations.
Pilier, de la salle d'audience (photo par Axel) [cliquer sur l'image pour grand format] |
Lions et escalier de la salle d'audience (photo par Axel) [cliquer sur l'image pour grand format] |
Citadelle intérieure
Une fois pénétré au cœur de la cité, l’œil se confronte aux
vestiges du Vejayanta Pasada, le palais royal, dont les murs de briques
abritent les restes de moult salles, parfois à peine esquissées.
Council chamber of King Nissankamalla
Situé dans les jardins royaux,
avec des gravures d’éléphants, de chevaux et de lions. L’édifice, était sans doute à
l’époque recouvert d’un toit en bois. La terrasse comporte 4 rangées de piliers,
couverts d’inscriptions indiquant les positions des dignitaires. Le roi siégeait
sur le trône du lion.
Quadrilatère
Cerné d’une enceinte, ce quartier
était considéré comme le plus sacré de la cité et accueillait la relique de la
Dent – peut être le bouddha en était-il doté de plus de trente-deux, un peu à
la manière des saints martyr chrétiens, possédant chacun au moins une demi-douzaine
de fémurs. Miracle de l’insondable ! Saint Augustin fut d’ailleurs l’un des premiers à s’insurger des
exploits des moines vagabonds… La soif de vénération étant aussi universelle
que la recherche du profit par le trafic, il n’y a pas de raison qu’il en aille
différemment en Asie qu’en Europe. Passons.
The Vatadage
Vatadage signifie circulaire. C’est
le maitre ouvrage du quadrilatère, et a été construit pour protéger et donner
abri au dagaba (lieu saint). Quatre bouddhas, statues en position assises ont
été disposées aux points cardinaux. Chaque tête est différente. On notera encore les gardes de pierre sur
l’entrée est. Vatadage fut construit par le roi Nissankamalla (1187 - 1196)
Autres édifices
Vatadage (photo par Axel) [cliquer sur l'image pour grand format] |
Vatadage, bouddha (photo par Axel) [cliquer sur l'image pour grand format] |
Vatadage, détail (phot par Axel) [cliquer sur l'image pour grand format] |
Vatadage, frise sculptée (photo par Axel) [cliquer sur l'image pour grand format] |
Bien d’autres bâtiments, statues
et sculptures se laissent savourer par-delà la poussière des ans. Ainsi l’énigmatique
Sathmahal Pasada, et son architecture à degrés. Ou encore le Hatadage dont la
statue principale nous défie de son indifférence tutélaire. Sans oublier le Gal Potha, énorme livre de
pierre déroulé sur huit mètres, et recouvert de la prose louant les hauts faits
d’un roi dont le nom n’évoque absolument plus rien.
Statue (photo par Axel) [cliquer sur l'image pour grand format] |
Hatadage (photo par Axel) [cliquer sur l'image pour grand format] |
Hatadage (photo par Axel) [cliquer sur l'image pour grand format] |
Livre de pierre (photo par Axel) [cliquer sur l'image pour grand format] |
Sathmahal Pasada (photo par Axel) [cliquer sur l'image pour grand format] |
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Rankot Vihara (photo par Axel) [cliquer sur l'image pour grand format] |
Bouddha allongé (photo par Axel) [cliquer sur l'image pour grand format] |