Dans la série d’émission tournant
autour de la problématique climatique sur France Culture, le 21 novembre
dernier Etienne Klein invitait Dominique Bourg sur le sujet suivant : « À quoi pense la pensée écologique ? ».
La conversation scientifique, par Etienne Klein |
En voici un petit extrait, situé
en fin d’émission.
Etienne Klein :
Pensez-vous que des choses
décisives vont être discutées ? (à la COP 21)
Dominique Bourg :
Non, je n’ai pas cette naïveté. Je
n’attends pas grand-chose pour une raison très simple : nous avons à faire
à des gens qui négocient sur un sujet et qui prennent des décisions totalement
contradictoires sur d’autres. Donc
comment ces gens pourraient nous faire avancer sur ces questions ? En
plus, si nous voulions vraiment avancer sur ces questions il faudrait qu’on les
traite avec la même rigueur que l’on traite la finance. C’est-à-dire que l’on
ait une vision systémique des choses, ce qu’on ne fait pas. On va traiter le
climat en silo et on va signer le traité de commerce transatlantique de l’autre.
EK :
On s’intéresse à un symptôme qui
est le réchauffement climatique, sans voir qu’en fait qu’il n’est qu’un
symptôme et que la cause est notre combustion d’énergie fossile à haute dose
qui a des effets négatifs…
DB :
Dominique Bourg |
Si franchement on devait attendre
quelque chose d’important à la COP21 vous auriez dès aujourd’hui un krach boursier puisque le GIEC nous
demande de ne plus extraire du sol 80% des réserves fossiles techniquement
exploitables. Si on le faisait je crois que c’est 30.000 milliards de dollars d’actif
qui seraient rayés d’un trait de plume, avec un krach boursier énorme. Rassurez-vous
vous ne verrez aucun krach pendant la COP.
EK :
Que répondez-vous à ceux qui
disent que les scientifiques du GIEC sont des scientifiques politisés ?
DB :
Dictionnaire de la pensée écologique |
C’est d’une bêtise inouïe. Nous
sommes de l’ordre du gag parce que dans la production scientifique aujourd’hui
la plupart des choses que l’on produit dans beaucoup de domaines ce sont des
objets. Et ce sont des objets destinés à nourrir un marché, à nourrir la concurrence,
la croissance. On continue à parler de science mais pour moi, naïvement, être
scientifique c’est produire des énoncés les plus vraisemblables possibles.
Quand on produit un objet il n’est ni vrai ni faux. On met à profit les
connaissances scientifiques mais la finalité de l’action n’a plus rien à voir
avec la connaissance. Et donc là on est vraiment dans le politique total et l’économique.
Cela n’a pas l’air de gêner tous ces gens qui crient à l’orfraie. Et puis du
côté de cette critique, effectivement d’une stupidité totale, imaginons que des
astrophysiciens nous avertissent qu’un astéroïde est en train d’arriver sur la
terre, ils devraient se taire parce que sinon ils rompent avec la neutralité de
la connaissance.
C’est ce que racontait récemment sur
cette antenne un des climato-sceptique que je trouve totalement insupportable, Benoit
Rittaud[1],
à propos des scientifiques du climat qu’il appelle avec ridicule les « réchauffistes »…
Que fait-il lui, avec son climato-scepticisme, si ce n’est d’interdire une
action politique ?… Il n’y a pas plus politique, au plus mauvais sens du
terme que les âneries de ce garçon.
EK :
Mais ce qu’il dit c’est
exactement ce qu’on a envie d’entendre quand on n’a pas envie de changer
les choses….
DB :
Effectivement. En revanche
tournons-nous vers d’autres scientifiques, du côté des sciences sociales et humaines,
il y a de très belles enquêtes qui ont été faites aux Etats-Unis : le seul
lien qu’on arrive à trouver c’est celui entre la croyance au marché, une
croyance vraiment sans limites – le marché
capable de résoudre toutes les difficultés et climato-scepticisme. Plus vous
adhérez à l’idée selon laquelle le marché est un mécanisme infaillible à toute
échelle, plus vous allez être climato sceptique. Donc on voit bien que le
climato scepticisme s’enracine dans un amour de la toute-puissance du marché.
Donc dans une adhésion très politique qui se dénie comme telle.
(…)
Nous avons des capacités mentales
finies. On le voit bien : on avertit les gens d’un danger majeur. C’est la
plus grosse chose qui peut nous tomber dessus. Personne ne bouge. Parce que
nous ne bougeons jamais par des représentations. On bouge quand nos sens sont
bousculés. Quand on est sous la menace d’un danger immédiat. Or le grand
problème avec le climat c’est que nos sens ne nous disent rien. Ou lorsqu’ils
captent quelque chose c’est tout à fait sectoriel et souvent à distance :
il y a eu en 2013 aux Philippines des rafales de vent de 379 km/h, mais tout le
monde s’en fout ! Cela a fait pleurer le délégué des Philippines à la
tribune à Varsovie, mais cela n’a pas ému le terrien moyen.
(…)
On a cru que le consumérisme
allait répondre à l’appétit d’infini qui est en chacun de nous. On voit bien
que ce n’est pas une bonne réponse.
Courbe tirée du MOOC, causes et enjeux du changement climatique |
Sur ce graphique, la courbe du haut en pointillé correspond à un scénario de type "business as usual" ; c'est largement la courbe sur laquelle nous sommes actuellement (arrivons très loin de l'objectif des deux degrés dans ce scénario). La courbe du bas en noir, correspond à l'objectif de deux degré d'augmentation de température d'ici 2100. Les courbes intermédiaires sont divers scénario lié au résultats possibles des négociations à l'issu de la COP 21.
[1]
Ce triste monsieur, bonimenteur de bazar, s’est illustré il y a peu dans les
NCC ; une émission intitulée : « Comment peut-on encore être climato sceptique ? » Il a démontré, malgré la complaisance de l’animatrice,
qu’on ne le peut pas, sauf à être d’une ignorance crasse, stupide, dans le
déni, ou animé par une mauvaise foi manifeste (sans doute y a-t-il un mélange
de tout cela).
Dans un billet de ThibautSchepman publié à la suite de l’émission sur Rue89, « La philosophe Adèle
Van Reeth, explique sa démarche par
téléphone puis par écrit :
« Sur le plan scientifique, je ne comprends pas pourquoi les opposants
aux climatosceptiques n’arrivent pas à démontrer que leurs adversaires ont
tort. Le climat n’est pas une science dure, et je n’arrive pas à comprendre sur
quel point précis porte l’accusation faite aux climatosceptiques. Bien sûr, je
ne suis pas scientifique, mais je n’arrive pas à trouver un raisonnement plus
convaincant qu’un autre, et je me méfie beaucoup de l’accusation de “trafiquer
la science”. C’est pour ça que je voulais entendre deux points de vue
différents sur le sujet, pour qu’il puisse y avoir un débat, il n’était pas
question qu’on évoque le cas des climatosceptiques sans leur donner directement
la parole. ». Et lorsque le journaliste lui demande ce qu’elle retenu du
débat, girardienne elle répond: « Je
ne comprends pas pourquoi les climatosceptiques font l’objet d’une telle haine.
Je me demande vraiment ce qu’il se passe, j’ai l’impression que ça dépasse le
débat scientifique, que sur ce sujet on a besoin de désigner des boucs
émissaires. ».
Elle aurait sans doute mieux été mieux inspirée à
suivre Clément Rosset et s’interroger sur les causes du déni de réel – et sans
être scientifique s’informer un peu mieux sur le sujet (Il existe un très bon
MOOC sur le sujet, ouvert à tous sans connaissances préalable : « Causeset enjeux du changement climatique », parrainé par Jean Jouzel.