Blogue Axel Evigiran

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La dispersion est, dit-on, l'ennemi des choses bien faites. Et quoi ? Dans ce monde de la spécialisation extrême, de l'utilitaire et du mesurable à outrance y aurait-il quelque mal à se perdre dans les labyrinthes de l'esprit dilettante ?


A la vérité, rien n’est plus savoureux que de muser parmi les sables du farniente, sans autre esprit que la propension au butinage, la légèreté sans objet prédéterminé.

Broutilles essentielles. Ratages propices aux heures languides...


15 avr. 2021

Pagnol, le Garlaban et les oiseaux

 

Approche du Garlaban
Approche du Garlaban... (photo par Axel)

Je n’ai qu’un vague souvenir de mes lectures de Marcel Pagnol… D’ailleurs y réfléchissant je crois n’avoir lu de lui, alors en classe de troisième, que « Le château de ma mère »[1]. Peut-être ai-je eu auparavant entre les mains le premier tome de cette trilogie de l’enfance reconstruite. Rien ne l’atteste.

L’incipit n’a rien pour me plaire : « Après l’épopée cynégétique des bartavelles, je fus d’emblée admis au rang des chasseurs… ». S’il est question d’oiseaux, le reste on l’aura compris évoque ce qui jadis était un moyen de se nourrir, et qui aujourd’hui est devenu une activité de loisir, quand elle ne se cache pas derrière de prétendues missions de « régulation » - aimer la nature au bout d’un fusil ! Drôle de perspective quand on y songe. Quoi qu’il en soit, dans les forêts muées en garrigues où l’écrivain passa les heures heureuses de son enfance, des perdrix bartavelles il n’en reste presque plus.

 

Sentier vers le Garlaban
Sentier vers le Garlaban (photo par Axel)

Pagnol est né et a grandi à Aubagne. Enfant, il aimait à parcourir la campagne et les massifs alentour. « Je suis né dans la ville d’Aubagne sous le Garlaban couronné de chèvres au temps des derniers chevriers ».

Le Garlaban, plus qu’un simple promontoire rocheux posé au-dessus de la ville est un symbole, un veilleur antédiluvien – sa formation remonte au Mésozoïque. A son sommet est planté une croix – c’est, dit-on, une tradition ou une pratique courante. Pour attester du phénomène, en les contrées d’origine catholique, on les appelle « croix sommitales ».


Vue de la croix sommitale
Vue de la croix sommitale (photo par Axel)

Sur le toit du Garlaban
Sur le toit du Garlaban (photo par Axel)

La croix sommitale du Garlaban
La croix sommitale du Garlaban ( photo par Axel)

Quant à l’étymologie de Garlaban, comme beaucoup d’autres, elle reste controversée. Cependant les suffrages plaident pour une origine provençale : « gardia » (vigie, lieu de garde) et « laban » (grotte).

Garlaban enfin, dira Pagnol dans La Gloire de mon père, « c’est une énorme tour de roches bleues, plantée au bord du Plan de l’Aigle, cet immense plateau rocheux qui domine la verte vallée de l’Huveaune ».

Paysage, sur le flanc du Garlaban
Paysage, sur le flanc du Garlaban (photo par Axel)

On l’aura compris, le massif du Garlaban et ses contreforts sont propices aux randonnées et autres balades, que l’on soit sur les traces de l’écrivain ou sans motifs précis – juste occupé à jouir de vallons point encore trop souillés par l’expansion humaine. En particulier, hors saison et vacances scolaires, pour peu que l’on soit épris de tranquillité (ou lassé de la fréquentation de ses congénères).

Et sous le soleil de la mi-mars de se lancer sur les pentes du mont fameux, laissant la voiture au parking « Du puit de Raimu ». De là, après avoir salué un serin Cini haut perché, prendre en direction du col d’Aubignagne, ne croisant que des panneaux à l’usage des chasseurs.

Vue de Marseille
Vue de Marseille (Photo par Axel)


Puis, avec Marseille dans le dos, gravir en sinuant le sentier des garrigues qui conduit au col du Garlaban. A son approche d’ailleurs, il est bon de s’écarter un peu du chemin, pour visiter les gravures abandonnées à la postérité sur des pierres plus ou moins plates ; des dessins ou des textes commis par des voyageurs soucieux de laisser une trace de leur passage (la plupart des graffitis sont inspirées par l’œuvre de Pagnol).

Gravure (photo par Axel)

Gravure (photo par axel)

Gravure (photo par Axel)

Gravure (photo par Axel)


Reste alors à gravir les quelque dernières centaines de mètres. Un parcours plus abrupt parmi la rocaille, un peu plus hasardeux aussi, jusqu’à la croix sommitale. Et de se retrouver là, en plein vent sur l’éperon au-dessus du vide, à surveiller l’arrivée d’improbables hirondelles en cette saison.

Après une poignée de photographies et le sel de méditations venteuses, redescendre pour empreinter une sente qui mène au vallon des Piches. Dévaler l’étroit boyau se révèle une expérience magique, en particulier pour qui n’est habitué qu’aux plaines. S’y arrêter est une invite au farniente. Boire le paysage, écouter le silence et croiser la fauvette Pitchou sont des délices rares. Plus tard, plus bas, dans le ciel on se réchauffera l’âme à contempler le vol du Circaète Jean-le-Blanc.

Le vallon des Piches
Le vallon des Piches (photo par Axel)

Le vallon des Piches (photo par Axel)
Le vallon des Piches (photo par Axel)


Atteindre enfin le col Salis et, de là, aller à la Baume du Plantier (grotte de Manon) – plutôt un abri sous roche.

Col Salis
Col Salis (photo par Axel)

La grotte "Manon"
La grotte "Manon" (photo parAxel)


Reste à rejoindre le col d’Aubignane et, avant de songer à rentrer, l’esprit reposé au moins autant que les jambes empesées, grimper le sentier Pierre Tchernia pour joindre et dépasser les ruines éponymes, sur les barres de Saint-Esprit – à la vérité un ancien décor de cinéma : « Regain » (1937).

 

Les ruines d'Aubignagne
Les ruines d'Aubignagne (Photo par Axel)

Les ruines d'Aubignagne
Les ruines d'Aubignagne (photo par Axel)

Les ruines d'Aubignagne
Les ruines d'Aubignagne (photo par Axel)

Au fond Pagnol n’aura été qu’un prétexte à une escapade de cinq bonnes heures ; promenade solitaire dans un paysage émouvant. Cet écrivain-cinéaste que je ne sais rien au fond, classé à priori dans la même catégorie que Prévert. Du côté des littérateurs ou poètes « gentillets » ; ces patronymes en forme de patrimoine national – sentant bon le terroir… Monuments intouchables. Canonisés !

 

Mais reste le paysage …

Un autre veilleur
Un autre veilleur.... (photo par Axel)




[1] Je possède toujours mon exemplaire, une édition de poche de 1978. Un roman que je me suis promis de relire un jour… Un jour prochain !

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