Blogue Axel Evigiran

Blogue Axel Evigiran
La dispersion est, dit-on, l'ennemi des choses bien faites. Et quoi ? Dans ce monde de la spécialisation extrême, de l'utilitaire et du mesurable à outrance y aurait-il quelque mal à se perdre dans les labyrinthes de l'esprit dilettante ?


A la vérité, rien n’est plus savoureux que de muser parmi les sables du farniente, sans autre esprit que la propension au butinage, la légèreté sans objet prédéterminé.

Broutilles essentielles. Ratages propices aux heures languides...


19 févr. 2018

Circonvolution autour de Revenir à Lisbonne, par Patrice Jean

Encore faudrait-il y être allé. Mais il est des voyages imaginaires où l’on aime se perdre. Des voyages en devenir, à jamais inachevés… Des virtualités et des regrets. Des mondes possibles… Des histoires contrefactuelles qui arrangent nos misères ou, à défaut, nous accommodent au réel.

Pessoa, ce voyageur immobile dont les fragments ont été réédités il n’y a pas si longtemps, disait dans Le livre de l’Intranquillité que « ce que je confesse n’a pas d’importance, car rien n’a d’importance ». Ainsi en va-t-il de l’éphémère…
Ce mélancolique aux masques multiples raconte encore qu’« Il existe à Lisbonne un certain nombre de petits restaurants ou de bistrots qui comportent, au-dessus d’une salle d’allure convenable, un entresol offrant cette sorte de confort pesant et familial des restaurants de petites villes sans chemin de fer. Dans ces entresols, peu fréquentés en dehors des dimanches, on rencontre souvent des types humains assez curieux, des personnages dénués de tout intérêt, toute une série d’apartés de la vie »[1]. Comme partout sans doute. L’attention à l’infinitésimale banalité des jours comme ils vont…

Il en va de l’hétéronyme comme des labyrinthes intimes ; avec ce goût à endosser des habits qui ne sont pas les siens. Dans ce théâtre d’ombres et de faux-semblants d’aucuns, peu imaginatif, jouent leur propre rôle ou du moins celui qu’ils pensent que l’on attend d’eux. De là sans doute ce garçon de café cher à Sartres. Quant à savoir s’il faut y voir de la mauvaise foi ou un symptôme du refus de contempler en face sa propre liberté, on se gardera bien de trancher. Quoi qu’il en soit d’autres préfèrent le pastiche alambiqué ou le trompe-l’œil, au point parfois de se perdre entre de multiples personnalités jusqu’à l’informe de la massa confusa, chaos de la Nigredo alchimique.  
Ce qui ramène au principal protagoniste de Revenir à Lisbonne, le succulent petit roman de Patrice Jean. Gilles est un divorcé qui, à mi-chemin entre les extrêmes évoquées, par concours de circonstances et par jeu s’est fait le temps d’une soirée maçon (il est professeur d’histoire à l’université). Et de s’apercevoir que certaines femmes aiment les manuels, les « hommes robustes ». Il pourrait évidement interrompre la farce mais la fille, une jolie brune, a une silhouette avantageuse. Elle se définit sans détour comme une intellectuelle, définition à laquelle répond le beau métier de Responsable de la programmation d’un centre culturel.
Ils se retrouvent quelques jours plus tard au vernissage d’un dénommé Poisson. Le périple vaut à lui seul le détour. « C’est violent, délicat subversif… », s’exclame la belle recueillie devant des œuvres telles Orteil 64 ou Genou droit 2 ; célébrant encore « la force mélancolique des tableaux » en pénétrant dans la « salle du génital ». On présente naturellement l’apprenti-maçon à l’artiste en salopette. Entre manuels on se comprend ! Et Poisson de confier à mots couverts ce que tout le monde a bien entendu deviné : « A travers mes toiles c’est le capitalisme qui est visé : en plein cœur !» 

S’en suivent d’autres péripéties croquignolesques, où notre héros frôle le devoir de se mettre à poil dans la rue pour manifester son soutien à l’artiste, floué par un magazine catholique. Puis bientôt survient le rituel sentimental d’une balade à la plage main dans la main. Gilles et Armande deviennent amants….

On devine qu’à s’enferrer de la sorte dans le mensonge, le rétropédalage n’est bientôt plus une option possible pour Gilles. Mais à menteur, menteur et demi. Et voilà la dame confessant être déjà mariée à un professeur de lettres. Notre héros s’invente alors par une inspiration subite une épouse factice. Mais il faut donner consistance à son hôtesse de l’air :
« Soudain, il crut posséder ce qu’il cherchait : une photo des ruines du château Saint-Georges, à Lisbonne. En contrebas le Tage ressemblait à une épaisse ligne droite que l’on trace sur la ville basse. Au premier plan, il crochetait son coude à celui d’une jolie blonde avec des lunettes de soleil. Une inconnue à son bras juste le temps d’un cliché…».
Elle s’appelait Ophélia Meideros, et il avait alors tenu la promesse de lui adresser la photographie une fois rentré en France.

Lui vient alors peu à peu l’idée teintée de nostalgie de chercher à la retrouver. Et de Revenir à Lisbonne…
A ses pérégrinations se mêle la quête d’un étrange écrivain, également Lisboète, dont il ne sait s’il existe véritablement : Lorenzo de Lenclos. Ce dernier est l’auteur d’un « Traité de l’honnête homme au XXIe siècle », dont les sentences égrainent les pages du quotidien de Gilles. On peut ainsi lire, dans la Maxime XVI : Savoir rire, qu’« on dit qu’il faut mettre les rieurs de son côté ; il semble, au contraire, que l’honneur consiste à les avoir contre soi, quelle que soit l’incommodité de cette élection ».
 
Lisboa...
Voilà pour le livre, je n’en dirai pas plus, sauf que le bon goût commande de le lire. Une anecdote encore :
Revenir à Lisbonne m’est arrivé dans les mains pratiquement par Hasard. Je venais d’écouter une série d’émissions sur Bolàno. L’une d’elle déroulait son heure en compagnie d’une certaine Hedwige Jeanmart, ayant commis une fiction où son personnage se mettait dans les pas du célèbre auteur de 2666. « Et si on allait à Blanès ? ». La causerie me plut et je me rendis aussitôt à la librairie. Jean côtoyait Jeanmart. Mon souvenir de « L’homme surnuméraire », emporta la mise et je pris les deux livres.
Je ne suis allé ni à Blanès ni à Lisbonne, mais j’ai lu le second roman et pas encore le premier. Il y a du Borges et du Lauzier[2] chez Patrice Jean. Labyrinthique et corrosif à souhait.

Pessoa écrivit quelque part : « Enrouler le monde autour de nos doigts comme un fil ou un ruban dont joue une femme qui rêve à sa fenêtre ».
C’est beau comme un requiem. Mais je laisse plutôt le mot de la fin l’auteur du Traité de l’honnête homme au XXIe siècle :
« Je n’étais pas un immoraliste dépravé, mais je méprisais et je méprise les petits hommes qui croient s’élever au-dessus des autres en grimpant sur le tabouret de la morale, alors qu’ils ignorent tout simplement leur propre bassesse ».



[1] Le livre de l’Intranquillité.
[2] Je songe en particulier au Lauzier de « Tranches de vies »

6 févr. 2018

Le monde comme il va... Lorenzaccio



Lorenzaccio, à Philippe Strozzi, parlant des florentins, ennemis du tyran qu'il vient d'assassiner :

« Je ne les méprise point, je les connais. Je suis très persuadé  qu'il y en a très peu de très méchants, beaucoup de lâches, et un grand nombre d’indifférents. Il y en a aussi de féroces (…) qui ont trouvé  dans cette affaire une petite occasion d’égorger tous leurs chanceliers en plein midi, au milieu des rues ».  

1 févr. 2018

Dans le jardin… Une causerie entre amis

Du jardin planétaire au petit lopin de terre ou poussent des herbes folles… Le ton d’une causerie entre amis. Docte mais sans prétentions. Avec la nature à chaque page ; la poésie du verbe…
Déambulations parmi les mondes éphémères.

« Le mot jardin vient de Garten qui veut dire enclos. Il s’agit bien d’un enclos comme pour le parc, mais celui-ci jouit d’un statut privilégié (…) Le jardin est toujours immense car il porte la dimension du rêve… »
Une immensité parfois microscopique, égarée dans les limbes de nos cosmos ou de nos chaos. La personnalité des lieux dévoilent une intimité ; cet ordre teinté de douce folie.


Un précieux cadeau. 


Dans la vallée, biodiversité, art et paysage…

Gilles Clément est paysagiste, écrivain et jardinier…
Gilles A. Tiberghien est philosophe

« … ce paysage existe en tant qu’objet, sa matière existe. Quand nous inventons le mot « paysage », nous commençons à l’étudier en tant qu’objet mis à distance ».

Dans le jardin...


A Templeuve...