Paon sauvage, Sri-Lanka (photo par Axel) |
« A quelques pas de
moi, perché sur l’angle de la balustrade, un paon dormait la tête sous l’aile.
(…) Je battais un peu la campagne à me demander ce que je pouvais bien faire
ici. Ce paon aussi, je le regardais, flairant je ne sais quelle supercherie.
Malgré sa roue et son cri intolérable, le paon n’a aucune réalité. Plutôt qu’un
animal, c’est un motif inventé par la miniature mogole et repris par les
décorateurs 1900. Même à l’état sauvage – j’en avais vu des troupes entières
sur les routes du Dekkan – il n’est pas crédible. Son vol lourd et rasant est
un désastre. On a toujours l’impression qu’il est sur le point de s’empaler. A
plein régime il s’élève à peine à hauteur de poitrine comme s’il ne pouvait pas
quitter cette nature dans laquelle il s’est fourvoyé. (…) Je mourrai sans
comprendre que Linné l’ait admis dans sa classification… »[1]
Lecture sicilienne... |
Un avis tranché de l’écrivain voyageur. Pourquoi non ? Après
tout le rêveur crépusculaire, englué dans « l’île », n’exprime ici que
la singularité de son ressenti. Un instantané en quelque sorte, venu effleurer
la peau sans entamer le derme du réel…
Un philosophe, remuant ses souvenirs dira plus sobrement, mais non
sans élégance :
« Le
matin, on eût dit que tous les oiseaux d’Afrique se donnaient rendez-vous dans
les feuillages et les frondaisons pour s’époumoner dans un récital
assourdissant. Le soir, à leurs trilles, leurs chants, leur caquètements, se
mêlaient les cris des paons »[2]
C’est que l’oiseau est associé parfois aussi à la mélancolie, même
si la tradition alchimique, s’appropriant la symbolique du plumage ocellé de sa
queue, fera écrire à Jung, dans Mysterium
conjunctionis :
« L’arc-en-ciel, en tant que
phénomène coloré, a pour parallèle la cauda pavonis, la queue du paon, sujet de
prédilection des dessins et gravures dans les anciens ouvrages imprimés et
manuscrit. (…) La cauda pavonis est encore qualifiée dans les termes suivants :
âme du monde, nature, quintessence, elle fait germer toutes choses ».
Oui, à chacun son mystère…
Paon & compères au marigot... (Photo par Axel) |
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