Il y a de cela un peu plus d’un an, j’avais commis un minuscule billet sur mon ancien blogue autour d’une citation de Philippe Descola, tirée de son ouvrage majeur « Par-delà nature et culture », sorti en 2005 (reproduit ci-dessous).
A l’occasion de la sortie d’un très beau livre d’entretien, où l’anthropologue revient sur sa trajectoire et éclaire les enjeux de sa pensée, Etienne Klein le reçoit pour une stimulante conversation.
Voici le chapeau d’introduction du physicien ; histoire de donner l’envie d’écouter l’émission :
« Comment composer avec le non-humain ? Le non-humain n’a ici rien à voir avec l’inhumain, le « monde non-humain » est constitué de tout ce avec quoi les humains sont en interaction constante, c’est à-dire les plantes, les animaux, les virus, le CO2 de l‘atmosphère, l’air que nous respirons, le gibier que nous chassons, les glaciers s’il y en a dans notre environnement, et beaucoup d’autres choses encore.
Les ethnologues ont montré une chose importante, décisive, l’équivalent pour eux sans doute de ce qu’a représenté la découverte de l’atome pour les physiciens. Cette découverte, c’est que mise à part la société occidentale, aucune autre société humaine ne cohabite avec le monde non-humain sur le mode de la séparation : il n’y a pas la nature d’un côté, une nature qui serait close sur elle-même, et de l’autre côté l’humanité qui serait une entité à part, installée avec sa culture à l’intérieur de la nature, le plus souvent dans une position de surplomb.
En d’autres termes, partout ailleurs qu’au sein de l’Occident moderne, « les frontières de l’humanité ne s’arrêtent pas aux portes de l’espèce humaine » S’y trouve également inclus l’ensemble des « corps associés » , ces entités que nous considérons, nous, comme subalternes et que nous reléguons pour cette raison « dans une simple fonction d’entourage ». À rebours de nos propres habitudes de pensée, dans toutes les autres cultures, les entités du monde non-humain sont considérées et traitées comme de véritables partenaires sociaux avec lesquels on peut composer de mille et une manières différentes.
Un décalage de nos façons de penser en direction de ces autres cultures mérite donc le détour, si je puis dire, surtout si l’on prend acte de la réalité suivante : c’est bien la séparation que nous avons, nous, installée entre nature et culture qui a notamment permis à notre science de devenir si efficace. Mais c’est aussi à cause de cette séparation que la nature, finalement traitée comme si elle était à notre seule disposition, s’est peu à peu abîmée. Nous la marquons désormais d’une empreinte irréversible, oubliant qu’elle est poreuse, réactive, fragile, supraconductrice des effets que nous induisons en elle. Alors, en ces temps où elle semble même se retourner contre nos assauts, où nous nous inquiétons du changement climatique, de la raréfaction des ressources fossiles, de la dégradation de la biodiversité, nous devons nous poser cette question : n’est-ce pas notre conceptualisation de la nature, fondée sur l’idée que nous serions autonomes par rapport à elle, qui avait préparé le terrain à la situation que nous connaissons aujourd’hui ? »
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Shaman et chef spirituel du peuple Achuar |
« ... la manière dont l’Occident moderne se représente la nature est la chose du monde la moins bien partagée. Dns de nombreuses régions de la planète, humains et non-humains ne sont pas conçus comme se développant dans des mondes incommunicables et selon des principes bien séparés ; l’environnement n’est pas objectivé comme une sphère autonome ; les plantes et les animaux, les rivières et les rochers, les météores et les saisons n’existent pas dans une même niche ontologique définie par son défaut d’humanité. Et cela semble vrai quels que soient par ailleurs les caractéristiques écologiques locales, les régimes politiques et les systèmes économiques, les ressources accessibles et les techniques mises en œuvre pour les exploiter. »
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« .... je montrais (dans la thèse de Ph.Descola) que
contrairement aux thèses des matérialistes américains, les Achuars
avaient occupé différents types d’environnements depuis longtemps et qu’en
dépit des potentialités de ces environnements cela n’avait pas eu d’effet
particulier sur leur capacité d’adaptation à cet environnement. Il n’avait donc
pas de déterminisme technique primaire....
J’ai montré aussi, ce qui
avait déjà été démontré dans d’autres régions du monde, que ces gens
arrivaient à obtenir une subsistance facilement en travaillant entre 3 et
4 heures par jour, et avec des niveaux d’alimentation qui étaient
considérablement supérieurs à ceux qui étaient préconisés par la FAO à
l’époque, et que donc c’était, pour reprendre l’expression de Marshall
Sahlins, grand anthropologue américain qui avait écrit un article en 1968
dans « Les temps modernes », qui s’appelait « Les premières sociétés
d’abondance »,qui avait fait beaucoup de bruit à l’époque, c’était aussi une
société d’abondance en ce sens que, avec très peu de travail on obtenait des
ressources en abondance, très variées... »
(Extrait d'une vidéo d'un entretien avec Ph.Descola, aujourd'hui supprimée sur la toile.
Ci_dessous deux autres vidéos)
Ci_dessous deux autres vidéos)
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Sur le même sujet voir également ce billet :
Marshall Sahlins - La Nature humaine: une illusion occidentale. Hobbes, le moi et les autres mondes humains.
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