Non sans naïveté
romantique, à la suite de ces mélopées sensuelles il me plait d’évoquer ici quelques
pages du Voyage en orient de Gérard de Nerval.
Un passage où il
est évidemment question d’oiseaux :
« Le préjugé qui ne permet aux Orientaux que
la chasse des animaux nuisibles les a conduits, depuis des siècles, à se servir
d’oiseaux de proie sur lesquels retombe la faute du sang répandu. La nature a
toute la responsabilité de l’acte cruel commis par l’oiseau de proie. C’est ce
qui explique comment cette sorte de chasse a toujours été particulière à
l’Orient. A la suite des croisades, la mode s’en répandit chez nous. »
S’en suit le
récit de la chasse :
« Quand tout fut rendu
au silence, on distingua, parmi les oiseaux qui poursuivaient les insectes du
marécage, deux hérons occupés probablement de pêche et dont le vol traçait de
temps en temps des cercles au-dessus des herbes. Le moment était venu : on tira
quelques coups de fusil pour faire monter les hérons, puis on décoiffa les
faucons, et chacun des cavaliers qui les tenaient les lança en les encourageant
par des cris. Ces oiseaux commencent par voler au hasard, cherchant une proie
quelconque ; ils eurent bientôt aperçu les hérons, qui, attaqués isolément, se
défendirent à coups de bec. Un instant, on craignit que l’un des faucons ne fût
percé par le bec de celui qu’il attaquait seul ; mais, averti probablement du
danger de la lutte, il alla se réunir à ses deux compagnons de perchoir. L’un
des hérons, débarrassé de son ennemi, disparut dans l’épaisseur des arbres,
tandis que l’autre s’élevait en droite ligne vers le ciel. Alors commença
l’intérêt réel de la chasse. En vain le héron poursuivi s’était-il perdu dans
l’espace, où nos yeux ne pouvaient plus le voir, les faucons le voyaient pour
nous, et, ne pouvant le suivre si haut, attendaient qu’il redescendît. C’était
un spectacle plein d’émotions que de voir planer ces trois combattants à peine
visibles eux-mêmes, et dont la blancheur se fondait dans l’azur du ciel. Au bout
de dix minutes, le héron, fatigué ou peut-être ne pouvant plus respirer l’air
trop raréfié de la zone qu’il parcourait, reparut à peu de distance des
faucons, qui fondirent sur lui. Ce fut une lutte d’un instant, qui, se
rapprochant de la terre, nous permit d’entendre les cris et de voir un mélange
furieux d’ailes, de cols et de pattes enlacés. Tout à coup les quatre oiseaux
tombèrent comme une masse dans l’herbe, et les piqueurs furent obligés de les
chercher quelques moments. Enfin ils ramassèrent le héron, qui vivait encore,
et dont ils coupèrent la gorge, afin qu’il ne souffrît pas plus longtemps. »
Ce genre de loisir aristocratique perdure de nos jours pour le pire. Ainsi
fut rapporté au printemps dernier le cas d’un prince saoudien amoureux de l’art ancestral de la fauconnerie
ayant tué près de 2.000 oiseaux menacés d’extinction en une seule partie de
chasse au Pakistan » (l’outarde houbara).
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Mais je préfère aujourd’hui les mots tiré de L’usage du monde de Nicolas Bouvier, celui qui raconte que « Petit j’ai longtemps cru qu’oisif était
le singulier d’oiseau. ».
On peut en savourer de belles tranches ces jours-ci dans le feuilleton de FranceCulture.
Deux passages ou il est questions d’aigles – on notera l’écart avec le
texte de Gérard de Nerval.
« Une lourde cloche suspendue à
une potence indique le sommet du col. On la sonne encore quand la neige est
tombée, pour les voyageurs qui ont perdu la route. Comme je m’en approchais, un
aigle qui était perché dessus s’envola en frappant le bronze de ses ailes et
une vibration éperdue, interminable, descendit en s’élargissant sur ce troupeau
de montagnes dont la plupart n’ont même pas de nom ».
« La montagne, elle, ne se dépensait pas en gestes
inutiles : montait, se reposait, montait encore, avec des assises
puissantes, des flancs larges, des parois biseautées comme un joyau. Sur les
premières crêtes, les tours des maisons-fortes pathanes luisaient comme
frottées d’huile ; de hauts versants couleur chamois s’élevaient derrière
elles et se brisaient en cirques d’ombre où les aigles à la dérive
disparaissaient en silence. »
« Petit j’ai longtemps cru qu’oisif était le singulier d’oiseau »… et passereau le pluriel de paresseux...
RépondreSupprimerGriffonné à la hâte sous un ciel qui se brouille après trois jours de bleu total.
Amitiés,
Frédéric
Fort belle trouvaille, cher Frédéric.
SupprimerIci parait-il c’est le dernier jour d’un ciel bleu limpide. Mais j’apprends à me contenter de d’immédiateté – il sera toujours temps de se lamenter plus tard.
En toute amitié
Axel
Un jour de ciel gris, l'autre jour et je ne sais plus lequel, c'est une pie que j'ai vue ainsi se percher sur la cime d'un vieux poirier... Et parfois ce sont des buses...
RépondreSupprimerMerci pour l'interlude musical, oriental, on aimerait devenir oisif au soleil.
à bientôt
Coucou Christine,
SupprimerLes buses sont rares de par chez moi – je parle des oiseaux ;)
Au-dessus de tes arbres doivent planer aussi les milans, les busards et les aigles. Le milan noir est assez facile à repérer avec sa queue triangulaire. Le milan royal l’a quant à la lui à la manière des hirondelles des cheminées…
Fort belle journée à toi.