Il y a quelques semaines de cela,
Jean Malaurie, « L’homme qui parle
aux pierres » était l’invité de la Méthode Scientifique sur France culture.
Un conteur extraordinaire…
De quoi susciter l’envie de reprendre
ici quelques citations tirées des «derniers
rois de Thulé ». Ces fragments proviennent de deux anciens billets
initialement publiés en 2013 sur un blogue aujourd’hui mort par empoisonnement aux publicités.
- D’un code de loi à l’autre (l’anarcho-communalisme
chez les Inuits)
- « Le perlerorneq, c’est avoir mal à la vie »
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D’un code de loi à l’autre (l’anarcho-communalisme chez les Inuits)
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« L’anarcho-communalisme repose sur le principe de l’échange, de la non-accumulation afin de tendre à une société égalitaire. Cette antique société est évidemment condamnée à partir du moment où l’économie du salariat, la propriété privé se développent en son sein. (…)
Ce n’est pas la culture danoise ou le christianisme qui ont d’abord ruiné ces sociétés élémentaires, mais bien le système commerçant et le capitalisme, avec ses lois d’économie de marché et de rentabilité, que l’on a insidieusement introduit progressivement en elles (…)
Le communalisme est soucieux d’égalitarisme, d’échange immédiat des surplus et d’équilibre écologique avec le milieu naturel ; le capitalisme est individualiste et, dans la nécessité de profit immédiat, toujours plus grand.
(…)
Jadis, l’Esquimau ne pouvait voir une marchandise dans le surplus de gibier qu’il avait chassé. Le surplus de morse ou de phoque était pour lui un événement heureux, rappelant l’alliance fondamentale entre le groupe et la nature et dont il ne convenait pas d’abuser ! D’instinct égalitaire, il devait le répartir aussitôt et d’autant plus obligatoirement dans le groupe, qu’il n’était qu’un agent, et cette répartition devait être faite sans la moindre idée d’investissement individuel ».
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« Le perlerorneq, c’est avoir mal à la vie »
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Jean Malaurie dans sa fabuleuse épopée les derniers rois de Thulé raconte :
« Voici plusieurs matins que je me réveille avec la nausée et de violentes migraines. Je m’en inquiète auprès d’un de mes voisins. Sa femme est encore couchée. Lui-même, généralement gai et avenant, paraît déprimé :
- ça passera, me dit-il, mais pas avant que le soleil ne disparaisse… Tu n’es pas le seul ; les rares Quallunaat que j’ai vus hiverner, ils ne sont pas très à leur aise quand l’hiver approche. D’ailleurs, c’est rien à côté d’autrefois. Ah ! autrefois… »
Et l’esquimau de narrer l’histoire inquiétante d’une mère de famille qui se trouva un jour sous l’emprise de ce mal furieux et qui bavant s’échappa sur la banquise, sautant de glaçon en glaçon au risque de sa vie, la force décuplée tout narguant ses poursuivant.
Le lendemain, elle avait tout oublié.
En 1907, rapporte Jean Malaurie, l’explorateur Rasmussen fut la victime de l’un de ces forcenés :
« Il écrivait à sa table lorsqu’il entendit au-dehors des cris aigus. Immédiatement il alla à la fenêtre tendue d’une peau de vessie où selon la coutume, comme on peut l’observer encore en 1950 à Nzqui et Qeqertaq, était aménagé au centre un petit trou permettant d’examiner ce qui se passait au-dehors. Au moment même où il y mettait l’œil, un coup de couteau lacéra la fenêtre. Rasmussen, légèrement blessé, se replia dans un coin de la pièce en essuyant son visage. Il reçut alors une pluie de pierres venues du dehors. Des esquimaux accoururent, mais, là encore, comme dans l’histoire précédente, il fut impossible de saisir l’homme. Sur le conseil d’amis, Rasmussen se sauva de sa demeure. Le possédé ne voulut pas lâcher pour autant sa proie et poursuivit l’explorateur vers la banquise. C’était une nuit sans lune. Rasmussen ne pouvait courir, gêne par ses bottes qu’il n’avait pas eu le temps de lacer convenablement. Il glissait à chaque pas, heureusement l’hystérique commença à, s’essouffler et les Esquimaux parvinrent enfin à s’en saisir ».
Plus généralement ce mal est un mal existentiel qui n’épargne que les enfants et les vieillards.
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