Blogue Axel Evigiran

Blogue Axel Evigiran
La dispersion est, dit-on, l'ennemi des choses bien faites. Et quoi ? Dans ce monde de la spécialisation extrême, de l'utilitaire et du mesurable à outrance y aurait-il quelque mal à se perdre dans les labyrinthes de l'esprit dilettante ?


A la vérité, rien n’est plus savoureux que de muser parmi les sables du farniente, sans autre esprit que la propension au butinage, la légèreté sans objet prédéterminé.

Broutilles essentielles. Ratages propices aux heures languides...


31 déc. 2012

Massys (Metsys ou Matsijs) Jan

« De temps en temps les jeunes princes abrégeaient les ennuis de l'oisiveté par des festins et des parties de débauche. Un jour qu'ils soupaient chez Sextus Tarquin, avec Tarquin Collatin, fils d'Égérius, la conversation tomba sur les femmes; et chacun d'eux de faire un éloge magnifique de la sienne. La discussion s'échauffant, Collatin dit qu'il n'était pas besoin de tant de paroles, et qu'en peu d'heures on pouvait savoir combien Lucrèce, sa femme, l'emportait sur les autres. "Si nous sommes jeunes et vigoureux, ajouta-t-il, montons à cheval, et allons nous assurer nous-mêmes du mérite de nos femmes. Comme elles ne nous attendent pas, nous les jugerons par les occupations où nous les aurons surprises." Le vin fermentait dans toutes les têtes. "Partons, s'écrièrent-ils ensemble," et ils courent à Rome à bride abattue. Ils arrivèrent à l'entrée de la nuit. De là ils vont à Collatie, où ils trouvent les belles-filles du roi et leurs compagnes au milieu des délices d'un repas somptueux; et Lucrèce, au contraire, occupée, au fond du palais, à filer de la laine, et veillant, au milieu de ses femmes, bien avant dans la nuit. Lucrèce eut tous les honneurs du défi. Elle reçoit avec bonté les deux Tarquins et son mari, lequel, fier de sa victoire, invite les princes à rester avec lui. Ce fut alors que S. Tarquin conçut l'odieux désir de posséder Lucrèce, fût-ce au prix d'un infâme viol. Outre la beauté de cette femme, une réputation de vertu si éprouvée piquait sa vanité. Après avoir achevé la nuit dans les divertissements de leur âge, ils retournent au camp ».

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Massys Jan - Tarquin et Lucrèce
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« ...les furies allument un feu dévorant dans le coeur du jeune Sextus; il est en proie à toutes les ardeurs d'une aveugle passion; il aime tout dans Lucrèce, et son air, et la blancheur de son teint, et l'or de sa chevelure, et ces grâces qui ne doivent rien à l'art, [2, 765] et ses paroles, et le son de sa voix, et la sainteté même de sa pudeur, obstacle désespérant qui ne fait qu'irriter ses désirs. L'oiseau qui annonce le jour avait déjà chanté, quand les jeunes princes rentraient au camp. Sextus ne vit plus: l'image de Lucrèce absente obsède sa raison éperdue; [2, 770] mille souvenirs réveillent et redoublent sa passion. "Telle était son attitude, se dit-il, telle était sa parure; c'est ainsi qu'elle tournait le fuseau, c'est ainsi que ses cheveux retombaient négligemment sur ses épaules." Il se rappelle et ses traits et ses moindres paroles, et son teint, et l'expression de son visage, et les grâces de son maintien. (...)

L'infortunée, cruellement trompée, et bien éloignée de soupçonner l'avenir, [2, 790] reçoit à sa table celui qui l'a choisie pour victime. Après le repas, l'heure du sommeil arrive; il est nuit; toutes les lumières sont éteintes dans le palais; il se lève et tire du fourreau son épée enrichie d'or; il pénètre, ô chaste épouse, jusque dans le sanctuaire conjugal, [2, 795] et, pressant déjà le lit: "Lucrèce, dit-il, j'ai le fer à la main; c'est le fils du roi, c'est Tarquin qui te parle." Lucrèce ne répond rien; elle n'a plus de voix, elle n'a plus de force, elle est anéantie; elle tremble comme la brebis [2, 800] renversée sous la griffe du loup qui l'a surprise dans la bergerie abandonnée. Que faire? résister? femme, elle succombera dans la lutte; crier? mais le fer est là, prêt à lui donner la mort; fuir? mais elle sent peser sur son sein une main étrangère, une main qui la profane pour la première fois. [2, 805] L'amant farouche emploie tour à tour, pour fléchir Lucrèce, les prières et les menaces; il offre de l'or: les prières, les menaces et l'or la trouvent également inflexible. "Tu t'abuses, lui dit-il enfin; si je ne puis te forcer au crime, je pourrai te tuer du moins; et puis, celui qui aura vainement tenté l'adultère t'accusera lui-même d'adultère ».

Ovide
Fastes II  
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  Jan Massys (Metsys ou Matsij)
1510 - 1575 
 
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Jan Massys - Bethsabée observée par le roi David
Jan Massys - Chez le percepteur des impôts - 1539

Jan Massys - Flora - 1559
Jan Massys - Judith brandissant la tête d'Holopherne qu'elle vient de décapiter - vers 1543
Jan Massys - Le collecteur d'impôts
Jan Massys - Le divertissement
Jan Massys - Loth et ses filles - 1575
Jan Massys - Saint Jerôme
Jan Massys- Venus de Cythère
Jan Massys - Suzanne et les vieillards - 1567
Jan Massys - David et Bethsabée - 1562
Jan Massys - St Gérôme
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Suiveurs de Jan Massys

The peninent Magdalene
Lien vers un billet sur "Penitent Magdalene"
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« Antoine, apprenant qu'elle vivait encore, demande instamment à ses esclaves de le transporter auprès d'elle ; et ils le portèrent sur leurs bras à l'entrée du tombeau. Cléopâtre n'ouvrit point la porte; mais elle parut à une fenêtre, d'où elle descendit des chaînes et des cordes avec lesquelles on l'attacha; et à l'aide de deux de ses femmes, les seules qu'elle eût menées avec elle dans le tombeau, elle le tirait à elle. Jamais, au rapport de ceux qui en furent témoins, on ne vit de spectacle plus digne de pitié. Antoine, souillé de sang et n'ayant plus qu'un reste de vie, était tiré vers cette fenêtre ; et, se soulevant lui-même autant qu'il le pouvait, il tendait vers Cléopâtre ses mains défaillantes. Ce n'était pas un ouvrage aisé pour des femmes que de le monter ainsi : Cléopâtre, les bras roidis et le visage tendu, tirait les cordes avec effort, tandis que ceux qui étaient en bas l'encourageaient de la voix, et l'aidaient autant qu'il leur était possible. Quand il fut introduit dans le tombeau et qu'elle l'eut fait coucher, elle déchira ses voiles sur lui, et, se frappant le sein, se meurtrissant elle-même de ses mains, elle lui essuyait le sang avec son visage qu'elle collait sur le sien, l'appelait son maître, son mari, son empereur : sa compassion pour les maux d'Antoine lui faisait presque oublier les siens. Antoine, après l'avoir calmée, demanda du vin, soit qu'il eût réellement soif, ou qu'il espérât que le vin le ferait mourir plus promptement . Quand il eut. bu il exhorta Cléopâtre à s'occuper des moyens de sûreté qui pouvaient se concilier avec, son honneur (...). Il la conjura de ne pas s'affliger pour ce dernier revers qu'il avait éprouvé ; mais au contraire de le féliciter des biens dont il avait joui dans sa vie, du bonheur qu'il avait eu d'être le plus illustre et le plus puissant des hommes, surtout de pouvoir se glorifier, à la fin de ses jours, qu'étant Romain, il n'avait été vaincu que par un Romain. En achevant ces mots, il expira (...) ».

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Jan Massys - Cléopâtre

30 déc. 2012

Daguerre Louis Jacques Mandé

S’il est connu aujourd’hui pour avoir inventé le procédé auquel il donna son nom, Louis Jacques Mandé Daguerre, on le sait moins, fut aussi en ses jeunes ans un peintre brillant, un dessinateur hors pair ; l’un de ces peintres de ruines et de cloitres...


« Le monde brisé viendrait-il à s'écrouler, ses ruines le frapperont sans l'effrayer ».

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Daguerre Louis Jacques Mandé -  Intérieur de Rosslyn Chapel - 1824
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Louis Daguerre
1787 - 1851

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Daguerre Louis Jacques Mandé - Clair de Lunes (lavis) - vers 1826
Daguerre Louis Jacques Mandé - Entrée de la galerie qui conduit à la chapelle du château de Tournoël
Daguerre Louis Jacques Mandé - Étude d'architecture
Daguerre Louis Jacques Mandé - Grande court du château de Tournoël
Daguerre Louis Jacques Mandé -Intérieur de la chapelle de Saint Philippe dans l'église des Feuillants

Daguerre Louis Jacques Mandé - Ruine d'une église gothique (dessins) - vers 1827
Daguerre Louis Jacques Mandé - Ruines de l'abbaye de Fumièg - 1829
Daguerre Louis Jacques Mandé - ruine d'Holyrood chapel
Daguerre Louis Jacques Mandé - Sans titre (encre et gouache sur papier) - 1824
Daguerre Louis Jacques Mandé - Vue du diorama du boulevard des Capucines
Daguerre Louis Jacques Mandé - Vue prise au château de Tournoël
Daguerre Louis Jacques Mandé (?)
Daguerre Louis Jacques Mandé - Le tombeau (dessin) - vers 1817
Daguerre Louis Jacques - Ruine d'une église ogivale - vers 1827

Daguerre Louis Jacques Mandé - Abside de l'église de Volvic


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L’auteur des fleurs du mal n’était point en de bonnes dispositions en envers le système inventé par Daguerre, ce qui ne l’empêchera pas, d’ailleurs, de prendre la pose devant l’objectif de Nadar...


« En matière de peinture et de statuaire, le Credo actuel des gens du monde, surtout en France (et je ne crois pas que qui que ce soit ose affirmer le contraire), est celui-ci : « Je crois à la nature et je ne crois qu’à la nature (il y a de bonnes raisons pour cela). Je crois que l’art est et ne peut être que la reproduction exacte de la nature (une secte timide et dissidente veut que les objets de nature répugnante soient écartés, ainsi un pot de chambre ou un squelette). Ainsi l’industrie qui nous donnerait un résultat identique à la nature serait l’art absolu. » Un Dieu vengeur a exaucé les vœux de cette multitude. Daguerre fut son Messie. Et alors elle se dit : « Puisque la photographie nous donne toutes les garanties désirables d’exactitude (ils croient cela, les insensés !), l’art, c’est la photographie. » À partir de ce moment, la société immonde se rua, comme un seul Narcisse, pour contempler sa triviale image sur le métal ».

Ecrits sur l’art (salon de 1859)

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Études photographiques : Daguerre, un Prométhée chrétien
Études photographiques : Daguerre, expérimentateur du visuel


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« J'ai trouvé le moyen de fixer les images de la chambre obscure ! — J'ai saisi la lumière au passage et je l'ai enchaînée ! — J'ai forcé le soleil à me peindre des tableaux —Tant pis pour les Parisiens, ils se passeront de lune ce soir, car je ne sortirai pas !. »

Louis Daguerre

29 déc. 2012

Barney Pike Alice

Après avoir été éconduit par Scylla, le dieu aquatique Glaucus se rend sur l’île de Circé. Cette dernière le veux en sa couche. 

Circé à Glaucus :
« Tu ferais mieux de suivre celle qui se laisserait aimer, éprise des mêmes désirs et de la même passion. Tu étais digne d'un tel amour et tu méritais qu'on te l'offrît, sans le demander toi-même : mais, crois-moi, laisse espérer, et quelqu'un te l'offrira. En douterais-tu ? Ne crois-tu pas à la puissance de ta beauté ? Eh bien ! moi, déesse et fille du Soleil, moi dont tout le monde redoute et les paroles et les poisons magiques, je voudrais être à toi : méprise celle qui te méprise ; aime celle qui t'aime, et, du même coup, venge-nous tous les deux. » 

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Alice Pike Barney - Circe
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Réponse d’Ulysse à la fameuse sorcière, après qu’informé par Hermès de ses stratagèmes, il eût mis à bas l’intrigue.

« Circé, comment oses-tu faire appel à ma tendresse
lorsque tu as changé mes gens en porcs dans ta maison
et que, m’ayant ici,toute à tes ruses, tu m’invites
à entrer dans ta chambre, à monter sur ton lit
afin de m’enlever, étant nu, ma virilité » !


 Homère
L’odyssée, chant X

 (Traduction de Philippe Jaccotet)
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Alice Pike Barney
1857 - 1931 
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Alice Pike Barney - Babylon - 1904
Alice Pike Barney - Dream book
Alice Pike Barney - In pose - 1910
Alice Pike Barney - Southern France
Alice Pike Barney - In sunlight - 1910
Alice Pike Barney - Lucifer (Natalie Clifford Barney) - 1902
Alice Pike Barney - Lunar - 1921
Alice Pike Barney - Marshland at Sundown - 1908
Alice Pike Barney - Medusa (Laura Dreyfus Barney) - 1892
Alice Pike Barney - Natalie with violin
Alice Pike Barney - Onteora - 1903
Alice Pike Barney - White paradise - 1900
Alice Pike Barney - Woman with peackock
Alice Pike Barney - Woman clothed with the sun - 1900
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Self portrait

AlicePike Barney - Self portrait with pallet - 1906
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I


Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles...
- On entend dans les bois lointains des hallalis.

Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir,
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.

Le vent baise ses seins et déploie en corolle
Ses grands voiles bercés mollement par les eaux ;
Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
Sur son grand front rêveur s'inclinent les roseaux.

Les nénuphars froissés soupirent autour d'elle ;
Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
Quelque nid, d'où s'échappe un petit frisson d'aile :
- Un chant mystérieux tombe des astres d'or.


II


O pâle Ophélia ! belle comme la neige !
Oui tu mourus, enfant, par un fleuve emporté !
C'est que les vents tombant des grand monts de Norwège
T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté ;

C'est qu'un souffle, tordant ta grande chevelure,
A ton esprit rêveur portait d'étranges bruits ;
Que ton coeur écoutait le chant de la Nature
Dans les plaintes de l'arbre et les soupirs des nuits ;

C'est que la voix des mers folles, immense râle,
Brisait ton sein d'enfant, trop humain et trop doux ;
C'est qu'un matin d'avril, un beau cavalier pâle,
Un pauvre fou, s'assit muet à tes genoux !

Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre Folle !
Tu te fondais à lui comme une neige au feu :
Tes grandes visions étranglaient ta parole
- Et l'Infini terrible effara ton œil bleu !


III


- Et le Poète dit qu'aux rayons des étoiles
Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis ;
Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.

Arthur Rimbaud

Ophélie

15 mai 1870

Alice Pike Barney - Ophelia - 1909