Blogue Axel Evigiran

Blogue Axel Evigiran
La dispersion est, dit-on, l'ennemi des choses bien faites. Et quoi ? Dans ce monde de la spécialisation extrême, de l'utilitaire et du mesurable à outrance y aurait-il quelque mal à se perdre dans les labyrinthes de l'esprit dilettante ?


A la vérité, rien n’est plus savoureux que de muser parmi les sables du farniente, sans autre esprit que la propension au butinage, la légèreté sans objet prédéterminé.

Broutilles essentielles. Ratages propices aux heures languides...


26 avr. 2018

Le parlement volatil



Singulier poème médiéval, où les oiseaux n’interviennent qu’à mi-route – mais s’y s’imposent ensuite sur des motifs triviaux parés de sublime. Texte consumé d’un catholicisme hanté de paganisme ; avec le panthéon grec incarné par le rêve d’un romain… La traduction, bonne ou mauvaise je ne saurai juger – mais des propos sibyllins agréables à oreille toujours… Cependant une préface sous la forme d’une invite à la méfiance : car écrire « Et, écrivant de ces choses en ce jour de la Saint-Valentin, ça me remet sous le nez le ragoût athéiste qu’on essaie de vendre de nos jours à la cantine populaire », implique l’exposition au reproche à rebours : Quid du ragoût déicole, frelaté jusqu’à nausée ?

Mais on retiendra les muses volatiles, au nombre de neuf : le petit grèbe ; le torcol ; le petit faucon ; le geai ; le verdier ; la linotte ; le canard ; le pic (disons syriaque) ; et le pigeon… Liste accompagné d’onomatopées sensées reproduire les chants desdits volatils (Delachaux et Niestlé 1954 – comme s’il n’y avait d’édition encore plus vintage !) . Bref la démonstration d’une fausse érudition en la matière – de la poudre aux yeux.

Mieux vaut aller au texte !
Et lire…
Linotte mélodieuse (photo par Axel)

« C’est là qu’on pouvait trouver l’aigle royal
Qui de son regard aigu perce le soleil
Et d’autres aigles de plus humble sorte,
De qui les clercs habilement devisent.
Il y avait un tyran au plumage fauve
Et gris, l’autour si redouté
Des oiseaux pour sa terrible rapacité.

Le noble faucon, qui de ses griffes agrippe
La main royale ; et le hardi épervier,
L’ennemi des cailles ; l’Emérillon sans
Cesse à la poursuite de l’alouette ;
Et ily avait la colombe aux yeux doux ;
Le cygne jaloux, qui chante sa propre mort ;
Et le hibou, de la mort annonciateur.

La grue, une géante à son de trompette ;
Le crave, ce voleur ; et la pie babillarde ;
Le geai crâneur : le héron, terreur des anguilles ;
Le traitre vanneau, tout plein de tricheries ;
L’étourneau qui tout secret peut trahir ;
Le rougegorge ami, le milan peureux ;
Le coc qui est l’horloge des lieux-dits ;

Le moineau, fils de Vénus ; le rossignol,
Qui chante la verdeur de la feuille nouvelle ;
L’aronde, meurtrière des petites folles
Qui font leur miel des fleurs fraiches de rosée ;
La tourterelle fidèle en son mariage ;
Le paon dont les plumes angéliques brillent ;
Le faisan qui se rit du coq pendant la nuit ;

Vigilante, l’oie ; et le coucou peu aimable ;
Le perroquet luxurieux ;
Le malard, destructeur de sa propre espèce ;
La cigogne vengeresse de l’adultère ;
Le cormoran tout à sa gloutonnerie ;
Le corbeau sage ; la grolle au cri soucieux ;
La grive sans âge ; la litorne des glaces.

Cigognes blanches en amour...  (photo par Axel)


23 avr. 2018

Fantasmagories de Clément Rosset


J’avais, il y a deux ou trois années de cela, retrouvé par hasard un petit essai à la couverture cartonnée crème uniforme, sous une pile de vêtements, dans une ancienne armoire commune. Un cadeau oublié probablement… Le livre avait ensuite rejoint le tas considérable des « à lire ». Son titre m’était alors apparu un semblant énigmatique pour un livre de philosophie : « Fantasmagories » par Clément Rosset (suivi par Le réel, l’imaginaire et l’illusoire)

En hommage et clin d’œil au penseur du Réel et son double, je l’ai pris dans mes bagages il y a une quinzaine de jours, lors d’une semaine solitaire en baie de Somme parmi les oiseaux. Entre deux balades au-delà de l’estran, j’en avais lu quelques pages au soleil.
Je l’ai rouvert et bu avec délectation dans mon jardin sous 26°C dans le Nord en avril ! … (« Jusque ici tout va bien » !)

D’apparence anodine, cette docte déambulation s’ouvre sur des paysages où Rosset développe avec une érudition sans en avoir l’air son sujet de prédilection : le réel, le double – l’imagination vs l’imaginaire. Etc. Le souvenir… L’instantané photographique !
Au final un essai d’une densité insoupçonnée…

Et puis, qui se moque d’Heidegger est forcément sympathique : « Heidegger, pour sa part, profiterait probablement de l’occasion pour proposer un sens tout nouveau au concept de ‘saisissement’, - un peu comme il l’a fait à propos du concept rendu en français par le mot d’’arraisonnement’-, en disant que le saisissement ne renvoie pas à quelque chose dont on serait à tout coup ‘saisi’ (émotion, sentiment), mais doit s’entendre en un sens à la fois actif et passif : le « saisir-prendre » n’étant qu’une expression du « dessaisissement » de l’être sur l’horizon de néantisation. Formule qui a évidemment plus d’allure que son équivalent trivial : « on a mangé le lapin » » (p 46)

Des points de désaccords aussi bien sûr – mais quoi de plus normal ? Par exemple Lorsque l’auteur écrit, dans la lignée de Bergson, sur l’« infaillibilité de la mémoire ».



Des passages que certains aujourd’hui, parmi les esprits les « mieux pensants », seraient enclins à ranger dans la catégorie des complotismes larvés :
« Bien entendu, je ne doute pas une seconde du voyage sur la Lune, (…). Mais je suis bien obligé d’avouer que je ne fonde mon assurance que sur un argument exposé par Hume dans son Essai sur les miracles : qu’il y a lieu d’accorder sa créance à des faits dont la vérité est infiniment plus probable que la somme des témoignages qui tendraient à l’infirmer » (p 32)

Des remarques, l’air de rien qui suscitent réflexion sur nos implicites :
« Il est assez remarquable, soit dit en passant que, du moins dans le domaine de la peinture, les Anglais appellent Still life (« toujours à la vie ») ce que nous appelons nature morte ». (P34)

Tintin évoqué dans le Lotus Bleu, pas très loin de Zénon d’Elée ; Artémis au bain ou encore Tirésias, « premier voyeuriste de l’histoire ». Un bestiaire aussi riche que délicieusement farfelu – la délectation au bout de la langue…

Enfin, un pur plaisir que lire en appendice ce pastiche de Suétone, que Clément Rosset reprend d’un autre auteur (Hubert Monteilhet, Les Queues de Kalliaos) :

« En ce temps-là, Caligula eut à juger d’une affaire qui faisait l’objet de toutes les conversations sur le forum, et qu’il résolut avec ce mélange de cruelle logique, d’insensée démesure et de mépris du doit, qui n’appartenait qu’à lui, soucieux de renchérir encore sur les extravagances honteuses ou criminelles qui défrayaient la chronique.
Le fils unique et tendrement chéri d’un certain chevalier Publius Verus Ofella était revenu borgne et défiguré des guerres parthiques. La douleur de ce Ofella fut immense et lui troubla la raison, car le jeune homme, qui avait perdu sur-le-champ le goût de vivre, était renommé pour sa beauté et pour ses succès auprès des romaines les plus coquettes. Dans cet accès de fureur insane, Ofella se creva lui-même un œil, comme si ce sacrifice eût pu rendre à son, unique enfant l’intégrité de sa vision et le charme caressant de son regard. Et ces deux borgnes se consolèrent ensemble un moment, dans le silence d’une maison médusée. Bientôt Ofella chercha sur le marché des esclaves borgnes pour le service particulier de son malheureux fils, qui avait la faiblesse de trouver dans cet accommodement une sorte de délectation morose. Les borgnes se faisaient rares, Ofella au risque de déclencher une révolte et d’exciter la réprobation publique, en vint progressivement à éborgner tous les esclaves de sa villa, du philosophe stoïcien, qui jeta de hauts cris, aux jardiniers ligures, qui se firent une raison. Puis ce fut le tour des concubines bavardes que le père et le fils se partageaient pour chercher sur le sein l’oubli de leur disgrâce. Le jour où Ofella prétendit faire éborgner l’un de ses clients, qui était imprudemment venu quérir sa sportule, le préteur alerté dut intervenir. En somme, l’infortuné Ofella s’était efforcé de constituer autour d’un enfant borgne un monde cyclopéen. Cette tendresse paternelle émut quelques-uns, mais effraya la plupart, qui la trouvèrent excessive.
Au matin d’un nuit d’orgies, Caligula fit quérir le jeune homme et le renvoya aveugle à son père, démontrant par-là que la folie elle-même doit connaitre ses limites. »


16 avr. 2018

Moby Dick d’Herman Melville, l'adaptation en BD




J’ai longtemps pensé que Moby Dick était un roman pour adolescent ; un peu à la façon du Vieil homme et la mer d’Hemingway, qu’on lit ou qu’on fait lire aux élèves de collège pour les édifier, leur montrer un exemple de courage et d’abnégation - certes objectivement inutile ;  mais reste l’honneur...

A la vérité le chef d’œuvre d’Herman Melville, publié en 1851, est un livre aussi considérable que d’une construction singulière, alternant narration romanesque et parties techniques, chapitres et paragraphes construits un peu à la manière d’un manuel de chasse à la baleine, ou encore, parfois, d’un traité de biologie sur les cétacés ; livre d’observations et de collectes de données scientifiques que n’aurait sans doute pas renié Darwin. 

Mais j’en oublierai presque le style saisissant de Melville. Car Moby Dick est une œuvre qui ne laisse personne indifférent ; avec une prose posée entre le vide de la mer par un jour sans vent et les affreuses tempêtes où le noir de l’âme s’en va nourrir la folie des hommes ; une ivresse sauvage où les monstres marins viennent hanter les beuveries sur fond d’huile de baleine, de vengeance et de rédemption. Certains, je viens de le découvrir à l’instant, iront chercher le merveilleux de Moby Dick dans une comptabilitéaussi vaine que scientifiquement exacte. Ceux-là sont les négociants égarés d’un océan de points, ces affréteurs de navire qui restent toujours à quai. Passons.



C’est à la vérité par une lecture, il y a de cela quelques années à la radio, que j’ai découvert ce monument de littérature. 

Aussitôt le harpon de la fascination s’est planté dans mon crâne. Une fascination certes ambivalente, dont la flamme changeante n’a cessé de s’alimenter de ses propres noirceurs, de ses propres faillites. Car Moby Dick est l’histoire d’une irrémédiable faillite et qu’importe si l’on renonce à en dessiner le contour ou en exprimer l’aigreur grandiose...

Les mots filent, accrochés à cette corde reliée au corps du monstre qui s’apprête à plonger dans les abimes. Dans la barque, transis et féroces, terrorisés tant qu’implacables, les hommes ont choisi leur destinée ; un destin de tragédie, avec pour horizon le baiser mortel avec l’une des filles de Poséidon, Aéthuse, Rhodé ou Despoéna, qu’importe ! Un sort dont on ne sait s’il est enviable à celui des martyrs consentants des jeux du cirque dans la Rome antique. Mais ces marins, pour les plus chanceux, pourront se consoler à l’idée - vanité à la vérité - qu’eux au moins laisseront pour trace évanescente de leur passage sur cette terre de douleur et de labeur, une plaque dans l’église de Nantucket. Ex voto qui dira : « Capitaine Ezéchiel Hardy. Tué à la proue de son embarcation par un cachalot sur les côtes du Japon, le 3 août 1933 ». Alors, dans la barque, tandis que brûle la corde nouée solidement au harpon, frappé par une houle violente, ils en oublient presque leur peur et se concentrent sur leur gestes, sur leurs mots ; sur la technique, le métier : « hale ! », hurle Monsieur Stubb... « Mouillez la ligne ! »... Puis « Serre !! Serre !! ».  



Moby Dick c’est aussi et surtout ses personnages. 

Le dantesque Achab, bien sûr, effroyable unijambiste au regard halluciné suppurant la vengeance comme d’autre la fourberie ou l’insignifiance - car il est aussi parfois des modèle de ce genre ; ils pullulent même en général. Mais pas dans le roman de Melville. Sans doute que dans des situations extrêmes se love une certaine grandeur, une hauteur aussi bien dans le courage que dans l’abjection.

Tout commence à l’auberge du Souffleur, par une nuit de neige et de vent à Nantucket, cette île située au large du CapCod, ou plus tard Edward Hopper ira poser ses pinceaux. Le narrateur, Ismaël, fluet et sans le sou se voit contraint de partager le lit avec un cannibale réducteur de têtes, harponneur désormais de son état. Passé la frayeur et une nuit sans sommeil, bientôt Queequeg deviendra son ami de cœur : 

« On ne peut dissimuler une âme. Sous ses tatouages diaboliques, il me semblait reconnaitre un cœur pur et dans ses yeux sombres et profonds, un esprit propre à défier mille démons ».

Les motivations d’Ismaël pour s’embarquer sur un baleinier sont cependant flottantes ; une dérive plutôt qu’un cap fermement suivit une décision faute de mieux : « Je veux savoir ce que pêcher la baleine veux dire, je veux voir le monde.. », dira-t-il à celui qui le recrute. Voir le monde ! L’autre qui ne s’y trompe pas invite alors le jeune homme à s’approcher du bastingage et jeter un œil du côté du vent, et de lui demander ce qu’il voit. « Rien que de l’eau, répond Ismaël, un horizon immense !! ». Alors le vieux capitaine recruteur lâche, mine sévère sans desserrer les dents : « As-tu envie de doubler le cap Horn pour ne plus rien voir de plus que cette ligne d’horizon ?!.. Ne peux-tu voir le monde de là où tu es ?!.. » Bonne question à la vérité. Mais qui n’empêchera pas Ismaël signer le registre. De même fera Queequeg, dont le paraphe se réduit à un petit poisson schématique, une sorte de huit couché tel que le dessinent les enfants. 

Le navire est le Pequod. Et c’est le choix d’Ismaël, et de lui seul.  



Plus tard, à bord, la nuit une fois couchés, ils entendront le pied de bois sinistre d’Achab marteler le pont. Mais ils ne le verront pas, pas tout de suite car le capitaine se tient tout le jour cloitré en ses quartiers. Et ainsi du jour suivant, et du jour après. Mais les langues se délient et la rumeur commence à peindre le contour de la folie vengeresse de l’unijambiste. 

Sur le bateau il y a aussi l’indien et le nègre comme compagnons du cannibale aux harpons. Et bien d’autres personnages encore, embarqués plus ou moins malgré eux dans cette aventure, qui métamorphosera vite en traque d’une unique baleine ; ce monstre quasi légendaire «  au front d’une blancheur de lait, une bosse et n’étant que rides et pattes-d’oie » qui a emporté jadis la jambe du capitaine : Moby Dick ! 



Il aura suffi d’un toast infernal, la mesure de Grog !! Un pacte scellé par la contrainte mais qui souffle sous les crâne à la manière d’une tempête de délire, une folie furieuse que seul le second, Monsieur Starbuck tente de conjurer : « Des représailles sur un simple animal... Qui ne vous a frappé que par le plus aveugle des instincts ! Folie !! »

Ce sera vain. Achab lui le sait, le monstre est intelligent, retors, empli « d’une insondable malignité ». Et au capitaine d’ajouter, orbites exorbités : « Je frapperais le soleil s’il m’insultait ! »

Mais je ne vais pas ici conter toute l’histoire ; elle ne fait que commencer.

Je ne dirai rien des jaunes, singuliers passagers clandestins souquant ferme à la baleine, ni des gris et des blafards, ni de l’énigmatique sicaire enturbanné qui se tient silencieux aux côté d’Achab. Rien de cette cuisine de l’enfer, et toute cette huile - tant d’huile, si précieuse ! 

Sans compter ces barriques pisseuses, causes de la confrontation directe entre Achab et son second. Ce dernier veut que l’on fasse escale pour les colmater. Mais le capitaine n’a qu’une idée en tête : Moby Dick !... Et ne souffrant aucune insubordination sort son fusil, qu’il pointe sur le ventre de Starbuck. L’autre se replie, non sans un avertissement : « Qu’Achab se méfie d’Achab ! ».



Ismaël s’interroge cependant. Comment est-il possible de traquer une seule bête dans une telle immensité sans limites ? La réponse lui vient d’un vieux matelot, et tombe comme une évidence, lourde de présages : « La migration du cachalot se révèle aussi immuable que celle des bancs de Harengs ou des vols d’hirondelles ! ».

Mais en voilà assez dit.

Et ne puis que conseiller, au-delà du roman même, de se procurer absolument la fabuleuse adaptation en bande dessinée de Moby Dick qui commise par Christophe Chabouté aux biens nommées éditions des Ventsd’Ouest.

Le premier tome (il y’en a deux), qui s’arrête juste après l’altercation entre Achab et Starbuck, nous est présenté plus de 100 pages, servies par un dessin d’une noirceur convenant on ne peut mieux à telle œuvre ; une incarnation au trait sûr, qui rend les regards hallucinés des uns, apeurés ou blasés des autres avec une force peu commune. 

L’équilibre entre dialogues et silences, aux pages noires et blanches comme avant l’orage, est une invite au voyage ; incitation impérieuse à s’embarquer derrière l’épaule d’Ismaël... 

On y éprouvera ainsi l’attente infinie et la routine de ces jours sans fin sur une mer étal ; l’angoisse sourde aussi à l’approche de l’action, la fulgurance enfin de la traque. La folie des hommes, la force de la bête !

Et ne l’oublions pas :

« Prenez le plus distrait des hommes, absorbé dans la plus profonde des rêveries, dressez-le sur ses jambes, incitez-le à poser un pied devant l’autre et il vous conduira infailliblement vers l’eau »


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Quelques liens :



10 avr. 2018

Les oiseaux de la baie de Somme

Paysage changeant (photo par Axel)
Vol de Bécasseau (Photo par Axel)


Qu’il est bon d’avoir une semaine rien que pour soi, des jours entiers pour se perdre parmi les oiseaux ; au large de la baie ou le long des massifs dunaires. Dans les sentiers d’accès à la mer ou les marais de l’arrière-pays. Ne rencontrer personne ou si peu de congénères…
Ainsi, sous un ciel changeant, entre tourmente et soleil limpide, après que le vent eût donné aux espaces immenses un aspect de désert habité de tempête, apercevoir au loin, au-dessus de l’eau une nuée de limicoles, ce bourdonnement frénétique, pareil à celui des insectes… S’en rapprocher peu à peu, avisant quelques cormorans au reposoir. Puis soudain se retrouver stupéfait avec les oiseaux se posant par grappes à quelques mètres. Les contempler s’agiter, repartir puis revenir avant de tout à fait s’apaiser – de vous oublier assez pour se rendre indifférents et faire une petite sieste, souvent sur une seule patte… Rester là, à marée haute plus d’une heure en leur compagnie sans être dérangé par qui que ce soit ; les oiseaux à portée de bras. Des bécasseaux. La plupart portant la signature de l’espèce Sanderling, accompagnés de quelques variables, en plumage plus ou moins nuptial.
Le bonheur…

Deux bécasseaux variables & deux bécasseaux sanderlings (photo par Axel)
Un bécasseau variable avec deux sanderlings (photo par Axel)
Bécasseaux sanderlings (photo par Axel)

Le maquis est quant à lui le domaine des passereaux et autres oiseaux des bois ou des espaces plus ouverts. Un territoire ou s’entend la plainte solitaire et un peu désolée du bouvreuil pivoine. Et penser à ces vers de Rimbaud :

« Et l’on voit apeuré par un bouvreuil
Le baiser d’or du bois qui se recueille. »

L’oiseau lui, restera discret, perché à distance au-dessus des argousiers.
Plus loin c’est une grappe joyeuse de linottes mélodieuses qui s’ébroue. Le mâle pâmé de rose s’affiche en majesté. L’étymologie du nom de l’oiseau étourdi, Linaria cannabina, a d’ailleurs à voir avec le chanvre.
Un pouillot véloce au-dessus de l’épaule, écouter ensuite un verdier avant de voir passer zézayant, une troupe de chardonnerets. 
Dans la pinède c’est un autre monde qui se découvre. Des troncs droits ou tordus jusqu’à l’irracontable sur un lit aiguilles. S’en dégage une sensation de silence un peu sinistre ; sans vie, juste picoré par le vent lointain mué en brume sourde - une impression qui n'est pas désagréable. Puis d’un coup des mésanges, parmi elles une huppée… Le silence à nouveau.

Linotte mélodieuse (photo par Axel)
Chardonneret (photo par Axel)
Pouillot véloce (photo par Axel)
Un peu plus avant vers la mer, dans les dunes ou sur la ligne de la dernière marée, évaporée pour quelques heures, se promènent les traquets motteux. Vifs et altiers. Mâles ou femelles. 
Au-dessus de leurs têtes les alouettes se perdent dans les nues.

Traquet motteux (photo par Axel)
Traquet motteux (photo par Axel)

N’oublions pas la rue desmouettes, cette année désertée en grande partie par les laridés, pour cause d’inondation de leurs îlots de reproduction. Mais y déambulent la grande aigrette et la sarcelle d’été…

Grand aigrette (photo par Axel)
Grand aigrette (photo par Axel)

Grand aigrette (photo par Axel)
Sarcelle d'été (photo par Axel)

Au grand Laviers, ancien site industriel reconverti en espace ornithologique, s’ébrouent canards souchets et autres anatidés sous l’œil des couples de grèbes à cou noirs, trop occupés à leurs parades pour leur prêter attention.
Le lieu abrite aussi la fameuse Gorgebleue et le plutôt rare ou discret râle d’eau… Il faut se montrer patient. Mais la rencontre suscite l’émotion…
N'oublions pas les chevaliers gambette, parés de rouge ainsi que les combattants variés.

Gorgebleue (photo par Axel)
Rale d'eau (photo par Axel)
Canard souchet (photo par Axel)
 
Grèbes à cou noir (photo par Axel)
Chevalier gambette (photo par Axel)

Du Marquenterre enfin gardons l’image de cette avocette élégante, venue poser, sûre de son effet.

Avocette élégantes (photo par Axel)

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Quelques photographies éparses

Huitriers pie en vol (photo par Axel)
Cigogne blanche & spatules (photo par Axel)

Goéland argenté (photo par Axel)
Héron garde boeuf ( photo par Axel)
Pinson des arbres (photo par Axel)