Blogue Axel Evigiran

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La dispersion est, dit-on, l'ennemi des choses bien faites. Et quoi ? Dans ce monde de la spécialisation extrême, de l'utilitaire et du mesurable à outrance y aurait-il quelque mal à se perdre dans les labyrinthes de l'esprit dilettante ?


A la vérité, rien n’est plus savoureux que de muser parmi les sables du farniente, sans autre esprit que la propension au butinage, la légèreté sans objet prédéterminé.

Broutilles essentielles. Ratages propices aux heures languides...


5 oct. 2015

Henry David Thoreau, « La désobéissance civile »

Version audio de La désobéissance civile [cliquer sur l'image]

Quelques extraits de ce livret paru en 1849. Thoreau avait alors 32 ans.
(Tiré de l’édition Mille et une nuit – N°114)

En ouverture, cette phrase, qui pourrait placer l’auteur de Walden, ou la vie dans les bois, du côté de l’anarchisme libéral :

 « J'accepte de tout cœur la devise suivante : "Le meilleur gouvernement est celui qui gouverne le moins  ». (P 1).

Pourtant Thoreau ne se définit lui-même pas comme anarchiste : «  Pour parler en homme pratique et en citoyen, au contraire de ceux qui se disent anarchistes, je ne demande pas d'emblée « point de gouvernement », mais d'emblée un meilleur gouvernement ». 

Pour plus amples développements sur ce thème, je renvoie à un billet bien documenté sur cette page :



Sur le respect inconditionnel à la loi :
« La loi n'a jamais rendu les hommes plus justes d'un iota ; et, à cause du respect qu'ils lui marquent, les êtres bien disposés eux-mêmes deviennent les agents de l'injustice. Le respect indu de la loi à fréquemment ce résultat naturel qu'on voit un régiment de soldats, colonel, capitaine, caporal, simples soldats, artificiers, etc., marchant en bel ordre par monts et par vaux vers la guerre, contre leur volonté, disons même contre leur sens commun et leur conscience. […] Ils ne doutent pas que l'affaire qui les occupe est une horreur ; ils sont tous d'une disposition paisible. Or que sont-ils devenus ? Des hommes le moins du monde ? Ou des petits fortins déplaçables, des magasins d'armes au service de quelque puissant sans scrupule ? […] Dans la plupart des cas, il n'existe aucun libre exercice du jugement ou du sens moral ; […] l'on pourrait réaliser des hommes de bois qui rempliraient aussi bien cette fonction. Ils ne méritent pas plus de respect que des épouvantails ou un étron ». (P 12 - 14)

Sur ceux qui se contentent de s'opposer en opinion (Écrit dans le contexte d'une société pour part, esclavagiste) :
« Des milliers de gens sont opposés en opinion à l'esclavage et à la guerre, mais ils ne font rien, en effet, pour y mettre un terme […] et s'asseyent les mains dans les poches en déclarant qu'ils ignorent quoi faire et ne font rien ; […] Ils hésitent, et ils regrettent et parfois ils font des pétitions; mais ils ne font rien d'ardent ou d'efficace. Ils attendent pleins de bonne volonté, que d'autres portent remède au mal ». (P 18)

Sur la portée du vote pour la justice :
« Même voter pour la justice, ce n'est rien faire pour elle. C'est se contenter d'exprimer un faible désir de la voir prévaloir. Le sage ne laissera pas la justice à la merci du hasard, il ne souhaitera pas la voir l'emporter par le pouvoir de la majorité. Il y a peu de vertu dans l'action des masses d'hommes ». (P 19)


Du refus de payer ses impôts (ce qui valut à Thoreau une nuit en prison). Toujours à placer dans le contexte d'un État qui admet l'esclavage, et qui, en outre fait la guerre au Mexique (1846) :
« Si un millier d'hommes refusaient de payer leurs impôts cette année, ce ne serait pas une mesure violente et sanguinaire, comme le fait de les payer et permettre par-là à l'État de commettre la violence et verser le sang innocent. Telle est, en fait, la définition d'une révolution paisible […] Si le percepteur, ou tout autre fonctionnaire, me demande, comme l'a fait l'un d'eux : "Mais que voulez-vous que je fasse ?", ma réponse est : "Si vous voulez vraiment faire quelque chose, démissionnez" ». (P 28)

« Le riche est toujours vendu à l'institution qui fait sa richesse ». (P 29)

Sur ce à quoi l'on s'expose en refusant de payer l'impôt :
« Si je réfute l'autorité de l'État lorsqu'il présente sa feuille d'impôts, il ne tardera pas à prendre et à détruire tous mes biens, à me harasser sans fin moi et mes enfants. Cela est chose pénible ». (P30 – 31)

Et le remède, pour y échapper ? La réponse se trouve un peu plus bas sur la même page :
« Il faut prendre une location ou un refuge quelque part, cultiver une petite récolte et se hâter de la manger. Il faut vivre en autarcie, ne dépendre que de soi, être toujours prêt à lever le camp sans avoir beaucoup à emporter ».


Ce texte est à rapprocher évidemment de sa mise en pratique par Thoreau en 1845. Il décide alors, en effet, d'aller vivre seul dans le bois de Walden, sur le bord d’un étang. Avec l'aide de quelques amis dont Emerson il y construit une cabane. L'expérience cessera en 1847. Si les résultats de l’expérience peuvent apparaître contrastés, maman n'ayant jamais cessée de lui 'servir la soupe' durant toute cette période, au-delà de ce cas d’école, l’idée est là et le principe posé.