Blogue Axel Evigiran

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La dispersion est, dit-on, l'ennemi des choses bien faites. Et quoi ? Dans ce monde de la spécialisation extrême, de l'utilitaire et du mesurable à outrance y aurait-il quelque mal à se perdre dans les labyrinthes de l'esprit dilettante ?


A la vérité, rien n’est plus savoureux que de muser parmi les sables du farniente, sans autre esprit que la propension au butinage, la légèreté sans objet prédéterminé.

Broutilles essentielles. Ratages propices aux heures languides...


2 mai 2013

Simon Marsden

« Et le moine me conta des histoires, toutes les vieilles histoires de ce lieu, des légendes, toujours des légendes.
    Une d’elles me frappa beaucoup. Les gens du pays, ceux du mont, prétendent qu’on entend parler la nuit dans les sables, puis qu’on entend bêler deux chèvres, l’une avec une voix forte, l’autre avec une voix faible. Les incrédules affirment que ce sont les cris des oiseaux de mer, qui ressemblent tantôt à des bêlements, et tantôt à des plaintes humaines ; mais les pêcheurs attardés jurent avoir rencontré, rôdant sur les dunes, entre deux marées, autour de la petite ville jetée ainsi loin du monde, un vieux berger, dont on ne voit jamais la tête couverte de son manteau, et qui conduit, en marchant devant eux, un bouc à figure d’homme et une chèvre à figure de femme, tous deux avec de longs cheveux blancs et parlant sans cesse, se querellant dans une langue inconnue, puis cessant soudain de crier pour bêler de toute leur force.
    Je dis au moine :  « Y croyez-vous ? » Il murmura : « Je ne sais pas. »
    Je repris : « S’il existait sur la terre d’autres êtres que nous, comment ne les connaîtrions-nous point depuis longtemps ; comment ne les auriez-vous pas vus, vous ? comment ne les aurais-je pas vus, moi ? »
    Il répondit : « Est-ce que nous voyons la cent millième partie de ce qui existe ? Tenez, voici le vent, qui est la plus grande force de la nature, qui renverse les hommes, abat les édifices, déracine les arbres, soulève la mer en montagnes d’eau, détruit les falaises, et jette aux brisants les grands navires, le vent qui tue, qui siffle, qui gémit, qui mugit, – l’avez-vous vu, et pouvez-vous le voir ? Il existe, pourtant. »


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Simon Marsden - Castle Lyons 

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‘And the monk told me stories, all the old stories of this place, legends, always more legends.

One of them particularly struck me. The local people, the ones who live on the hill, claim they hear voices at night in the sands. They say they hear two goats bleating, one with a strong voice, the other with a feeble voice. Scoffers assert they’re the cries of seabirds, which sometimes resemble bleating, and sometimes human moans; but late-night fishermen swear they have seen, roaming about on the dunes, between the two tides, around the little town cast so far from the world, an old shepherd, whose head, covered with his cloak, could never be seen; and who led, walking in front of them, a billy goat with a man's face, and a nanny-goat with a woman's face, both with long white hair, talking ceaselessly, arguing with each other in an unknown language, then suddenly stopping to bleat with all their might.

I said to the monk, ‘Do you believe this?’ He murmured ‘I don’t know!’

I said, ‘If other beings besides us exist on Earth, why didn’t we meet them a long time ago? Why haven’t you yourself seen them? Why haven’t I seen them myself?’

He replied, Do we see the hundred-thousandth part of what exists? Look, here is the wind, which is the strongest force in nature, which knocks men down, destroys buildings, uproots trees, whips the sea up into mountains of water, destroys cliffs, and throws great ships onto the shoals; here is the wind that kills, whistles, groans, howls have you ever seen it, and can you see it? Yet it exists.’

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1948 - 2012
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Simon Marsden - Church of St Andrew
Simon Marsden - Château de Combourg
Simon Marsden - Church of St Mary Madgalene
Simon Marsden - Gargoyle
Simon Marsden - In Ruins - The Once Great Houses of Ireland
Simon Marsden - Places of unease
Simon Marsden - Places of unease
Simon Marsden - Places of unease
Simon Marsden - Places of unease
Simon Marsden - Places of unease
Simon Marsden - Places of unease
Simon Marsden - Places of unease
Simon Marsden - Places of unease
Simon Marsden - Some hauntings
Simon Marsden - Some hauntings
Simon Marsden - Some hauntings
Simon Marsden - Some hauntings
Simon Marsden - The burren
Simon Marsden - The raven
Simon Marsden - Trees at the entrance to the valley of no return
Simon Marsden - Tuam, Galway - Old castle Hackett - Irlande du sud
Simon Marsden - Unkown title
Simon Marsden - Whitby Abbey, North Yorkshire, England
Simon Marsden - Witby abbey


Simon Marsden - Abbaye de Dammarie-les-Lys

Simon Marsden - Château de Lanquais
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Most of large size pictures (Places of unease & Some hauntings series) are coming from this great site : 
Frank Zumbach mysterious word

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Simon Marsden
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Edgar Allan Poe 
Le Palais hanté

Traduction de Stéphane Mallarmé


Dans la plus verte de nos vallées par de bons anges occupée, jadis un beau palais majestueux, rayonnant palais ! dressait le front. — Dans les domaines du monarque Pensée — c’était là son site — jamais séraphin ne déploya de plumes sur une construction à moitié aussi belle.

Les bannières, claires, glorieuses, d’or, sur son toit, se versaient et flottaient (ceci — tout ceci — dans un vieux temps d’autrefois) à tout vent aimable qui badinait dans la douce journée le long des remparts empanachés et blanchissants : ailée, une odeur s’en venait.

Les étrangers à cette heureuse vallée, à travers deux fenêtres lumineuses, regardaient des esprits, musicalement se mouvoir, aux lois d’un luth bien accordé, tout autour d’un trône où, siégeant (Porphyrogénète !) dans un apparat à gloire adapté, le maître du royaume se voyait.

Et tout de perle et de rubis éclatante était la porte du beau palais, à travers laquelle venait par flots, par flots, par flots et étincelant toujours, une troupe d’Échos dont le doux devoir n’était que de chanter, avec des voix d’une beauté insurpassable, l’esprit et la sagesse de leur roi.

Mais des êtres de malheur aux robes chagrines assaillirent la haute condition du monarque (ah ! notre deuil : car jamais lendemain ne fera luire d’aube sur ce désolé !) et, tout autour de sa maison, la gloire qui l’empourprait et fleurissait n’est qu’une histoire obscurément rappelée des vieux temps ensevelis.

Et, les voyageurs, maintenant, dans la vallée, voient par les rougeâtres fenêtres de vastes formes qui s’agitent fantastiquement sur une mélodie discordante, tandis qu’à travers la porte, pâle, une hideuse foule se rue à tout jamais, qui rit — mais ne sourit plus.


The Haunted Palace
BY 
EDGAR ALLAN POE

In the greenest of our valleys
   By good angels tenanted,
Once a fair and stately palace—
   Radiant palace—reared its head.
In the monarch Thought’s dominion,
   It stood there!
Never seraph spread a pinion
   Over fabric half so fair!

Banners yellow, glorious, golden,
   On its roof did float and flow
(This—all this—was in the olden
   Time long ago)
And every gentle air that dallied,
   In that sweet day,
Along the ramparts plumed and pallid,
   A wingèd odor went away.

Wanderers in that happy valley,
   Through two luminous windows, saw
Spirits moving musically
   To a lute’s well-tunèd law,
Round about a throne where, sitting,
   Porphyrogene!
In state his glory well befitting,
   The ruler of the realm was seen.

And all with pearl and ruby glowing
   Was the fair palace door,
Through which came flowing, flowing, flowing
   And sparkling evermore,
A troop of Echoes, whose sweet duty
   Was but to sing,
In voices of surpassing beauty,
   The wit and wisdom of their king.

But evil things, in robes of sorrow,
   Assailed the monarch’s high estate;
(Ah, let us mourn!—for never morrow
   Shall dawn upon him, desolate!)
And round about his home the glory
   That blushed and bloomed
Is but a dim-remembered story
   Of the old time entombed.

And travellers, now, within that valley,
   Through the red-litten windows see
Vast forms that move fantastically
   To a discordant melody;
While, like a ghastly rapid river,
   Through the pale door
A hideous throng rush out forever,
   And laugh—but smile no more.
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