Blogue Axel Evigiran

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La dispersion est, dit-on, l'ennemi des choses bien faites. Et quoi ? Dans ce monde de la spécialisation extrême, de l'utilitaire et du mesurable à outrance y aurait-il quelque mal à se perdre dans les labyrinthes de l'esprit dilettante ?


A la vérité, rien n’est plus savoureux que de muser parmi les sables du farniente, sans autre esprit que la propension au butinage, la légèreté sans objet prédéterminé.

Broutilles essentielles. Ratages propices aux heures languides...


13 juin 2015

Prince de Ligne - Contes immoraux ; à l'ombre des jardins de Belœil

Billet initial du 11 novembre 2013
(Billet initial supprimé de la plateforme overblog, infestée désormais de publicité)

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Dans le dédale de Beloeil (photo par Axel)
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En ces Contes immoraux voici présentée l’histoire du baron de Liebsthal ( ou Val d’Amour), incarnation du bon diable Bélial. 
De retour de Belœil, le printemps dernier, le livre sous le bras, faute d’autre courage que celui de transcripteur nonchalant, je proposerai aujourd’hui – encore sous le choc de la représentation des Particules élémentaires hier soir au théâtre du Nord (mais c’est une autre histoire) - une libre transposition de quelques unes des aventures de celui qui écrivit : 

« Dans mes Contes immoraux, où il n’y a qu’une partie de mes Confessions, il y a Mme de Prié, ma première aventure, Mme de Porta, de Königsegg, de Siribensky, Clarke, Schoenfeld, Bartenstein, Mme du C..., Pappini, Ko. Fa. Lu. Rohault, Montglas, d’Espinol, Castillon, Eugénie, Natalie, Mimi, Dommeldanges, amours, L. mère, I.fille, V.D., une femme fort jolie, Ita, K.J., Hélène. »

« A la cour, on ne pense qu’à soi. Les uns s’occupent du regard du souverain ; les autres de celui de leur maitresse ; quelques-uns de la mine d’un ministre, pour voir s’il est en faveur et diriger là-dessus leur plus ou moins d’attention ; quelques autres, pour avoir l’air d’y être, mènent à une embrasure de fenêtre un ministre étranger ; un de ceux-ci cherche à écouter ce que l’un dit à l’autre ; plusieurs font des révérences à droite et à gauche, rient, ou veulent paraitre s’amuser ; plusieurs, pour avoir l’air affable, disent quelques mots en l’air, ou cherchent un dire un bon mot qui fasse rire sa Majesté, ou parler assez haut pour qu’Elle les remarque et paraisse se mêler de la conversation (...). Quelques-uns font les sévères, les taciturnes, pour faire croire qu’ils dédaignent tous les genres de courtisanerie et qu’ils pensent. Quelques généraux, assez humbles aux coups de fusil, sont fiers et présentent un maintient militaire. Les voyageurs présentés cherchent des yeux la femme qu’ils comptent avoir, persuadés qu’ils sont plus aimables que les gens du pays. Les grandes-maitresses pensent à l’étiquette qui diminue tous les jours (...) Les petites-maitresses à se placer de manière qu’un lustre qu’elle évitent, ne leur donne pas les yeux battus ; les filles d’honneur à le perdre sans qu’on le sache ; (...) les jeunes gentilshommes de la Chambre font les beaux et les empressés, les vieux chambellans les importants, les provinciaux les importuns... »
Troisième conversation

« Les méchants qui ne rient et n’aiment jamais ont des moeurs ; et les avares, les ambitieux aussi ».
Septième conversation

« - Savez-vous que je vous plains, messieurs les amants, je m’amuse quelquefois à voir vos tourments. Par exemple, l’autre jour, j’en ai remarqué deux qui n’osaient pas se remuer parce que le mari, par malice, avait laissé la porte ouverte en sortant. ‘Que disiez-vous ? » leur dit-il en rentrant. ‘Rien du tout », répondirent-ils avec un air bien bête. Et puis vos manœuvres militaires, pour vos amours en perspective ou de côté, ou à côté, ou devant, ou derrière ; votre coup d’œil savant sur les démarches des ennemis ; votre envie de parler, sans avoir rien à dire ; votre désir d’être remarqué en public ; votre air heureux pour qu’on croit que vous l’êtes ; votre travail pour une chaise à côté de l’objet chéri, ou un place à table vis-à-vis ; ou finement auprès d’une autre, pour qu’on se doute de tout, ou qu’on ne se doute de rien ; une reconduite sur l’escalier... la mine sotte, mais bien sotte que faites, en marchant à côté d’une colonne anglaise, et en suivant du haut jusqu’en bas de la salle, la charmante qui danse avec un autre ; l’air plus sot encore, lorsqu’au moment ou vous voulez vous asseoir à côté d’elle, un fâcheux vous arrête, un bavard vous entretient, un questionneur vous entreprend ; (...) les commissions que vous faites tout de travers et qui vous attirent de l’humeur et des reproches, au lieu de remerciements ;vos soins paternels pour les petits enfants du mari, leur véritable père, qui rit des caresses que vous partagez entre eux et le petit chien de la maison ; (...) dites-moi, s’il y a quelque chose de plus plaisant ? »
Huitième conversation - Jugement de Sara.

A ceux qui font du pieds sous la table : « Je vois bien que vous m’aimez, mais ne salissez pas mes bas »
« La dévotion n’est qu’un état en France, où les femmes, à quarante-cinq ans, troquent le rouge et le spectacle contre la messe, l’intrigue et le commérage ».
Sans oublier la mésaventure de l’amant-pendule :
« - On se moqua bien plus de ce mari qui prit l’amant pour sa pendule. Il s’y était réfugié, le coffre en était vide ; le mari arriva. Le temps pressait : ‘Entrez-y, dit la femme, et contrfaites le mouvement, tic, tac, tic, tac. » Le mari dit en rentrant : ‘Je suis bien aise que lapendule soit raccommodée tic, tac va fort bien, et il se coucha ».
Neuvième conversation

Dans les jardins de Beloeil (photo par Axel)
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Bibliothèque de Beloeil (photo par Axel)
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Résumé de la dixième conversation :
« Récapitulons encore : Isidore rendue à la morale ; Fatmé rendue à la raison ; Hedwige rendue à la vertu ; Natalia rendue à la réputation ; Esther rendue à la tendresse conjugale ; Camillia rendue à la tranquillité ; Amandine rendue à la prudence ; Ivanowna rendue à son mari ; et Sigéfride rendue à Dieu... » 

« Mais ce qu’il y a de pis, c’est la race des fâcheux de l’après-dîner qui, ne sachant jamais s’occuper chez eux, désolent tous les amours d’une ville, en se succédant dans leurs visites pour assurer, comme s’ils se donnaient le mot, l’honneur des maris ».

Onzième conversation
« Je ne connais rien de pis que les : ‘cela m’est égal ; ce que vous aimez le mieux ; comme vous voudrez’. Les gens trop peu personnels embarrassent. On cherche à deviner ce qui leur convient le plus. Ils gênent pour ne pas gêner et, par surcroît de délicatesse et de ruse de part et d’autre, on finit par le contraire de ce que les uns et les autres préfèrent de faire ».

Douzième conversation
Une fois les maîtresses échangées, le bon diable avec sa Sara et le comte avec sa dame d’honneur décident de se retirer dans une riante vallée, loin de toutes cours :

« Il n’y eut jamais parmi nous ni désunion, ni insipidité, ni oisiveté. Quelquefois je lisais haut Montaigne, Racine et La Fontaine. Le comte était chargé de nous lire Voltaire, et lisait tout bas pour lui Rabelais et Scarron ». 

« Nous n’avions pas de ces éteignoirs de conversation : des enfants, des cartes et des chiens ». 

Le fond du jardin de Beloeil (photo par Axel)
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