Blogue Axel Evigiran

Blogue Axel Evigiran
La dispersion est, dit-on, l'ennemi des choses bien faites. Et quoi ? Dans ce monde de la spécialisation extrême, de l'utilitaire et du mesurable à outrance y aurait-il quelque mal à se perdre dans les labyrinthes de l'esprit dilettante ?


A la vérité, rien n’est plus savoureux que de muser parmi les sables du farniente, sans autre esprit que la propension au butinage, la légèreté sans objet prédéterminé.

Broutilles essentielles. Ratages propices aux heures languides...


19 oct. 2017

Promenade en automne, du côté du marécage

Marécage perdu du nord de la France (photo par Axel)

A chaque saison son ciel et son horizon, à chaque instant sa mélodie. Variation de nuages emportés au-dessus de nos têtes vers des ailleurs sans lendemain.
Le marécage respire et se reflète dans les joncs. Paré de sa ramure d’automne il s’étonne de cette pluie de feuilles tourbillonnant dans un clapotis d’ombre sans fin. Paillettes d’or, gouttes cramoisies arrachées à la longue chevelure des arbres et qui ruissellent à la mort.
Il fait si chaud. Si chaud pour cette fin d’octobre !

Au pays des oiseaux.... (photo par Axel)

Héron cendré (photo par Axel)


Le héron est toujours là dans son habit gris. Coup étiré sous son sourcil sombre il médite. Je le salue et voudrai le remercier mais il ne me voit pas. Sans doute hier les eaux lui paraissaient-elles plus fringantes. Mais c’était hier et aujourd’hui la roselière, les coulures de vases et les couleurs de nos humeurs font voir ce petit monde sous un aspect singulier ; singulier et mobile, pareil à la fabrique des souvenirs tapissant nos âmes. 

Pas très loin de là passe une poule d’eau affairée. Puis, sur l’onde, s’ébroue un grèbe castagneux, juste au-devant de la souche ou repose une cistule, bien à l’abri de sa carapace. Le conciliabule des mouettes prend à cet instant des allures de noce, tandis que l’aigrette et la bernache nonnette, indifférentes au tumulte, conservent altières leur distance. Joueur et faisant le Christ un cormoran sèche ses ailes ; il applaudit, ses regards tournés vers une bande de bécassines des marais suspendues sur la ligne d’un îlot dessiné à leur taille. Bourdonnement de pattes et de coups de becs dessinant des auréoles fugitives sur le miroir de l’onde .

Et il suffit d’une raie de lumière pour conférer à cette assemblée de plume la solennité d’un rendez-vous manqué avec l’histoire. Une succession de présents se suffisant à eux-mêmes. Car ici il n’est rien à interpréter. Juste ressentir…

Joncs (photo par Axel)

Reflet d'une souche (photo par Axel)
La mare n’est pas un endroit pour gens pressés. 
L’œil du promeneur s’y invite. Timide. Craintif. N’effleurant le paysage que du bout la prunelle par peur d’abîmer la simplicité de cette félicité immédiate.
Tandis que le colvert se repose sur la grève, que le vanneau s’agace du filet en accent circonflexe de sa propre voix, que la sarcelle d’hiver livre son augure…
Le souffle d’un faucon de passage, un hobereau probablement. Si vite apparu, si vite emporté… 
Avant que le soleil ne soit ras. 

Poules d'eau (photo par Axel)
Colverts, Aigrette, Mouettes, Vanneau... (photo par Axel)

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Une fois rentré, lire Chateaubriand, lorsqu’en ses Mémoires il évoque les oiseaux :

«  Des jardins élevés en terrasse bordaient le chemin du côté opposé :  il avait fait très chaud ce jour là ; la soirée était charmante, la rosée humectait l'herbe flétrie ;  point de vent, une nuit tranquille ;  l'air était frais sans être froid ;  le soleil après son coucher avait laissé dans le ciel des vapeurs rouges, dont la réflexion rendait l'eau couleur de rose ;  les arbres des terrasses étaient chargés de rossignols qui se répondaient de l'un à l'autre. Je me promenais dans une sorte d'extase livrant mes sens et mon cœur à la jouissance de tout cela, et soupirant seulement un peu du regret d'en jouir seul. Absorbé dans ma douce rêverie, je prolongeai fort avant dans la nuit ma promenade, sans m'apercevoir que j'étais las. Je m'en aperçus enfin :  je me couchai voluptueusement sur la tablette d'une espèce de niche ou de fausse porte, enfoncée dans un mur de terrasse : le ciel de mon lit était formé par les têtes des arbres, un rossignol était précisément au-dessus de moi ;  je m'endormis à son chant :  mon sommeil fut doux ; (…) »

Autoportrait

Chemin de feuilles
Dans le bleu du ciel.... (photo par Axel)

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