Blogue Axel Evigiran

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La dispersion est, dit-on, l'ennemi des choses bien faites. Et quoi ? Dans ce monde de la spécialisation extrême, de l'utilitaire et du mesurable à outrance y aurait-il quelque mal à se perdre dans les labyrinthes de l'esprit dilettante ?


A la vérité, rien n’est plus savoureux que de muser parmi les sables du farniente, sans autre esprit que la propension au butinage, la légèreté sans objet prédéterminé.

Broutilles essentielles. Ratages propices aux heures languides...


23 janv. 2019

Silent spring, ou de la disparition des oiseaux… L’anthropocène.




Série documentaire sur France Culture ; cycle intitulé : Bienvenue dans l’anthropocène... 




Vincent Bretagnolle, écologue, agronome 

(Voici) des forages réalisés dans les années 90, car il y avait beaucoup de subventions pour les cultures irriguées à cette époque-là. Ce sont des forages profonds : c’est-à-dire que l’eau utilisée pour l’arrosage est de l’eau de nappes phréatiques assez profondes (60/80m) ; c’est une eau cristalline et qui a des dizaines de milliers d’années, alors que dans les villages et les communes ici l’eau du robinet est interdite aux nourrissons parce qu’il y a trop d’azote et trop de pesticides dedans !  (…)
Cela résume bien le paradoxe de l’agriculture intensive moderne…

(Interview de Vincent Bretagnolle sur le journal du CNRS : ici)

C’est le résultat de deux observatoires. Le premier placé ici : celui de l’atelier plaine et val de Sèvre, dans lequel on compte les oiseaux depuis 25 ans, exactement sur les mêmes localisations (il y’en a 160 au total). Ce sont des comptages très standardisés, très précis. Et il y a un deuxième observatoire mené par le Muséum d’histoire naturelle à Paris, qui est un observatoire national, avec à peu près le même nombre de points d’écoutes, mais distribués sur l’ensemble de la France.
Chaque année ces deux observatoires publient les résultats de nos comptages annuels et en échangeant avec les collègues du muséum nous nous sommes rendus compte que les deux observatoires aboutissaient exactement à la même conclusion à un point qu’on avait difficilement imaginé. Car outre le fait que ces 2 observatoires démontrent qu’il y a un déclin très marqué et très prononcé des oiseaux dans les milieux agricoles, quand on quantifie ce déclin on aboutit au pourcent près à la même valeur de déclin par exemple pour l’alouette des champs qui est l’espèce la plus abondante et qui fait partie de celle ayant le plus décliné. (…) Nous étions face à une élimination progressive de la biodiversité dans les campagnes françaises, qu’on peut très bien mesurer chez les oiseaux car c’est plus facile de compter les oiseaux que les vers de terre… Nous sommes face à des vagues d’effondrement sans précédent… Pour les oiseaux c’est un déclin d’environ 35% des effectifs en l’espace de moins de 20 ans !
Là sommes en période de migration et il n’y a rien, on entend juste une alouette… La plupart de ces oiseaux migrent de nuit, mais ont besoin de sites au petit matin pour se poser. Nous devrions être dans des endroits où il y a énormément d’oiseaux en repos diurne. C’était le cas il y a encore 10 ou 20 ans, où il y avait, dans ce type de milieu, beaucoup de vanneaux, des pluviers, des outardes, plein de passereaux migrateurs notamment les alouettes et les bruants. Là on ne voit rien car il y a rien à manger… Ils peuvent éventuellement se poser là en attendant la nuit suivante mais ils ne pourront pas se nourrir et reprendre un peu de force. Donc c’est très pénalisant pour l’ensemble des oiseaux d’Europe. Et on est sur une zone (centre-est de la France) qui est une zone d’étape clé pour la plupart de ces oiseaux qui migrent car on est à peu près à la moitié de leur grand chemin jusqu’à l’Afrique du nord puis le Sahara…

Lien vers l'image & billet d'où c'est tiré (Cliquer ici)


Dominique Bourg, philosophe :

Quand on dit compromettre les conditions d’habitabilité des êtres vivants cela signifie que tous les êtres vivants, quels qu’ils soient, on une fourchette de température dans lesquels ils peuvent s’épanouir. (…) Il faut bien comprendre que toutes les espèces qui vivent aujourd’hui ont vécues depuis 2,6 millions d’années en gros, avec le quaternaire. Et avec le quaternaire on avait des cycles avec 20.000 ans d’interglaciaire et 80.000 ans de période glacière. Durant les 80.000 ans de période glacière, l’ensemble des vivants se réfugiait entre les tropiques, et on n’a jamais connu durant toute cette période de température supérieure à +2 degrés par rapport à la température qu’on connaissait à la fin du XIXe siècle.
Donc si on excède les 2 degrés, on sort de ce tunnel de variation des températures auquel les espèces vivantes sont adaptées. Là on voit bien que si on est sur une planète avec un climat qui a fortement changé, avec des événements extrêmes, si on doit régulièrement se terrer pour ne pas mourir, si on a peine à se nourrir parce qu’on a des eaux avariées, des vagues de chaleur et de sécheresses, etc. – je rappelle qu’avec un scénario à 3.7 (étude publiée par des chercheurs de météo France), on arriverait à des pointes dans l’est de la France à 50/55°C. Et ça c’est si on prend le côté physique. Maintenant si on prend le côté biologique, on peut imaginer que le vivant autour de nous s’effondre, on ne va pas finalement au bout du compte être en pleine forme, d’autant que le vivant nous assure tout un tas de services écosystémiques…

Vincent Bretagnolle :
Aujourd’hui on n’est plus dans une problématique de développement durable. La problématique d’aujourd’hui est celle de la résilience. C’est-à-dire qu’on a déjà utilisé une grosse partie des énergies disponibles sur la planète, on arrive en limite de capacité d’utilisation des terres, nous sommes en train de sortir de l’enveloppe climatique qui a permis à l’homme des sociétés modernes, agricoles puis industrielles, de s’épanouir, donc on n’est plus dans la durabilité. On va changer de système. Donc la question qui se pose aujourd’hui aux sociétés humaines et aux écosystèmes et comment absorber les chocs qui s’annoncent (climatiques, financiers, environnementaux) et être résilients : c’est-à-dire avoir la capacité de s’adapter, voire de se transformer tout maintenant les fonctions vitales…. Les problèmes sont aujourd’hui non seulement colossaux mais systémiques : les crises environnementales sont des crises plurielles qui touchent la biodiversité, le changement climatique, la problématique de l’eau, de l’énergie, de l’alimentation, la pauvreté, l’insécurité. Tout est lié.

XXX : 
On voit toutes les courbes monter au ciel à partir des années 50. Si vous êtes un peu niais et transhumaniste, vous pensez que c’est voué à progresser comme ça à l’infini et vous imaginez que le pouvoir technique humain va devenir infini. Si au contraire vous avez une petite connaissance de la nature, vous savez très bien que les exponentielles ça n’existe pas dans la nature, que les arbres, comme disait Goethe, ne montent pas au ciel… Donc quand vous voyez des exponentielles c’est le signe d’un état critique et que le système va changer d’état. C’est où on est !
La pensée écologique est donc une pensée de la rupture, de la discontinuité, alors que la pensée moderne c’est une pensée de la continuité : l’histoire était continue, le progrès infini, etc.


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